Une année qui se termine, une autre qui débute. C’est l’heure du traditionnel TOP annuel – ou des TOPs annuels, selon l’inspiration. C’est la tradition, diront certains, ou peut-être juste une facilité de langage. Oui, c’est probablement ça, une facilité pour introduire ce rituel auquel tous les webzines se prêtent. Et nous, bien sûr, nous ne dérogerons pas à cette règle. On en contourne beaucoup, des règles, mais pas celle-ci. Celle-là est utile : elle nous permet, à nous, qui faisons vivre ce webzine, de revenir sur nos écoutes de l’année. Celles qu’on a parfois oubliées, parce qu’elles sont sorties trop tôt ou, au contraire, trop tard (sérieusement, les TOPs annuels en novembre, quelqu’un peut m’expliquer ? C’est aussi pertinent que de commenter « first » sous une vidéo YouTube…).
1. Violent Magic Orchestra – Death Rave
2. Madobe Rika – Infinite Window
3. Zaliva-D – Total Withered
4. 招魂 Evocation – 劫數 Kalpa
5. Lila Ehjä – Clivota
6. Ætheria Conscientia – The Blossoming
7. Suicidal Ideation – Songs After Dissipation
8. The Cure – Songs Of A Lost World
9. 英水帝江 Ying Shui Di Jiang – 乘風 Riding on the Wind
10. Maenad & The Ravers - Handshold
Autant mettre les pieds dans le plat, comme disait l’autre, dès les premières lignes. Niveau « Metal », dans le sens bien métallique du terme, il y a eu de très bonnes sorties cette année. Des albums que j’ai écoutés avec plaisir et même réécoutés. Pourtant, aucun n’a eu ce « petit truc en plus » – totalement subjectif, je l’admets – qui leur aurait permis de s’imposer dans mon top.
En jetant un œil à ma liste, une tendance se dégage : cette année, j’avais besoin d’écouter des choses qui sortent de l’ordinaire. Des œuvres qui se démarquent des nombreuses sorties que l’on découvre au fil des écoutes, une routine inévitable pour un chroniqueur. Mon top 3 reflète précisément cette recherche. Prenons le second album de VMO, Death Rave. Attendu de pied ferme, il pousse encore plus loin l’expérimentation que son prédécesseur, avec en plus des touches « techno » – déjà présente Catastrophic Anonymous (2016) – puisque l’on retrouve des parties gabber rendant leur démarche bien plus extrême que la plus part des groupes de Metal dit « extrême » qui n’ont d’extrême plus que l’étiquette « Black Metal » ou « Death Metal » qui leur ai apposé.
La seconde place de mon podium revient à ma plus grande découverte de l’année : Infinite Window, premier album de Rika Madobe. Déjà chroniqué en détail, je vous renvoie donc à mon article pour éviter de me répéter. Soulignant tout de même que cet opus fait partie de ces œuvres qui vous marquent dès la première écoute. Ce n’est pas un disque que l’on met en boucle ni que l’on utilise comme fond sonore pour vaquer à ses occupations ou en bagnole. Infinite Window exige une écoute attentive, un engagement total tant il est dense et peu accessible, mais c’est précisément ce qui fait qu’il marque au fer rouge l’auditeur.
Qu’en est-il des projets qui innovent constamment, qui, dès leurs débuts, ont toujours cherché à sortir des sentiers battus ? Peut-on encore parler d’innovation lorsqu’ils suivent cette voie depuis des années ? Certes, l’innovation était, en quelque sorte, ma quête officieuse de l’année dans mes écoutes. Cependant, mon top n’est pas un « classement de l’innovation ». Je ne me suis pas limité à cette seule approche, bien que le thème y soit omniprésent. Mon top reste ponctué de projets récurrents, d’artistes qui figurent régulièrement parmi mes favoris. Ces projets ont cette capacité rare de maintenir une identité singulière et pérenne tout en poursuivant leur quête d’expérimentation – une quête dont je vous rabats les oreilles depuis quelques lignes.
C’est précisément le cas de Zaliva-D, un nom familier pour les lecteurs les plus assidus. Ce duo figure dans chacun de mes tops dès qu’ils sortent quelque chose, et leur dernier album, 萬物枯萎 Total Withered, ne fait pas exception. Composé entre 2016 et 2020, cet opus réussit à marier les influences issues de leurs premières compositions, plus ritualistes et dark ambient, avec des éléments plus récents, proches de l’électro et de la techno mais toujours profondément angoissantes et occultes. Ce genre d’album est à double tranchant : il est tellement attendu, l’artiste si apprécié, que la déception, si le résultat ne nous touche pas, peut être aussi intense que l’amour porté aux œuvres précédentes. Mais, cette fois, aucun risque, 萬物枯萎 Total Withered rejoint sans hésitation mes albums de chevet de Zaliva-D.
Restons sur ce type de projet et laissons de côté l’idée de classement ou d’ordre. Parmi ces œuvres, il y a 乘風 Riding on the Wind du collectif chinois 英水帝江 Ying Shui Di Jiang. Ce groupe, déjà familier de nos pages, propose ici un double album qui résonne comme un hommage à M. Malegebide, alias DJ Evilbee, décédé peu de temps après son enregistrement. Ce double album capture la dernière performance du musicien, immortalisée lors de deux prestations live de la formation. Cette perspective confère à l’œuvre une aura particulière, presque tragique. La musique, mélange de sonorités industrielles, noise et folkloriques, dépasse ici son simple statut de « musique ». Jouée en live, elle se mue en un véritable rituel, une expérience sonore unique.
Quittons les rives de l’expérimentation mais pas sans y jeter un dernier coup d’œil avec Ætheria Conscientia et son sublime The Blossoming (et je pèse mes mots). Album qui fera la transition entre mes écoutes les plus « expérimental » et le reste de ce top. Car non, mes écoutes cette année ne se sont pas limitées à de l’hyper pop japonaise ou à de l’Electro Techno Metal Gabber mixé au shaker plutôt qu’à la cuillère. La formation nantaise est toujours dans cet entre deux : profondément ancrée dans le Black Metal tout en étant novatrice, progressive, jazzy et résolument avant-gardiste. Elle parvient à mêler ces influences diverses avec un brio et une maestria impressionnants, offrant un véritable voyage cosmique « aux frontières du réel », comme si Mulder et Scully avaient embarqué à bord de l’USS Enterprise de Star Trek. Loin des habituelles contemplations propres aux projets de « Black cosmique », Ætheria Conscientia cherche à nous faire vivre cet espace infini, mais pas à travers le regard d’une entité cosmique omnipotente. Ici, l’approche est profondément humaine : ce sont les yeux d’êtres humains fascinés, terrifiés, qui s’ouvrent face à ces « autres » mondes mystérieux et insondables.
Les « autres » mondes peuvent revêtir de nombreuses formes, et celui d'Evocation 招魂 nous plonge dans les croyances bouddhistes et la vision de la fin de notre monde. À travers 劫數 Kalpa, la formation hongkongaise de Black / Death Metal mélodique nous propose un aperçu de la fin des temps selon la cosmogonie bouddhiste. Pour symboliser cela, ils mêlent au Metal des chants religieux et des éléments folkloriques, nous rappelant que la destruction du monde n’est pas l’œuvre de quatre cavaliers venus du Nouveau Testament, mais celle d’entités bouddhiques. La violence et la mélodie se conjuguent ici pour servir cette angoisse, ce tourbillon que Evocation 招魂 fait s’abattre sur nous.
Si la fin du monde n’est qu’angoisse pour vous, Suicidal Ideation a peut-être la solution – et tout est dans le titre. Cela faisait de nombreuses années qu’un album de DSBM ne s’était pas glissé dans un de mes tops. Souvent trop larmoyant, trop « raw » – mais pas dans le bon sens du terme – juste « raw » pour masquer la faiblesse des compositions, sans réel intérêt autre que de vouloir être plus sale, plus triste que son voisin. Pourtant, Songs After Dissipation a su se faire une place non négligeable parmi mes coups de cœur de l’année. La partie symphonique y est sans doute pour beaucoup, de même que le côté gothique et baroque des atmosphères (presque castlevaniaesque). Il faut avouer que mettre fin à ses jours dans des vêtements à jabots ça à plus de classe que dans une baignoire crasseuse d’un studio miteux. Le one-man band japonais n’en oublie pas pour autant les codes du genre, avec un chant plaintif et brut, une guitare languissante, claire, presque lumineuse (et bien sûr, une boîte à rythme, qui est là... voilà… elle est là quoi).
Rien ne pourra ternir cette sophistication et cette sublime noirceur, qui nous invite à poursuivre ce sombre chemin vers les parties « goth rock » de mon top. On commence avec Lila Ehjä et son premier album, Clivota. Cette musicienne, née des caves obscures de Paris, a marqué mon année musicale, d’abord avec cet album, puis sur scène– elle est d’ailleurs la seule artiste de mon top que j’ai eu la chance de voir en live cette année.
Tout en coldwave, darkwave te post-punk l’artiste infuse dans ses sonorités goth des éléments plus rugueux, empruntés au punk mais aussi au black metal. Le résultat ? Des atmosphères envoûtantes et sorcellaires, qui résonnent parfaitement avec une autre de mes écoutes gothiques (au sens large) de l’année : Maenad & the Ravers. Là où Lila Ehjä nous plonge dans le froid et l’obscurité urbaine, la formation hongkongaise nous ouvre les portes d’une infinité psychédélique et éthérée. Plus lumineux, mais aussi noisy, HANDSHOLD nous entraîne dans un univers qui n’est pas sans m’évoquer celui de Tim Burton. L’album se fait tout à la fois coloré mais glauque, trip-hop et ethereal wave, tout en préservant une essence coldwave, occulte et diabolique porté par un chant fantomatique.
Dernier, mais certainement pas des moindres (ni même le « dernier » de mon top), Songs Of A Lost World, le dernier album des légendaires The Cure, mérite sa place ici. Je ne m’étendrai pas longuement sur cet opus : s’il n’est peut-être pas le meilleur de leur carrière, il reste néanmoins sublime. Ce retour inattendu, d’une qualité indéniable, s’écoute et se réécoute sans jamais laisser poindre la moindre lassitude. Ce n’est pas leur sommet absolu, certes, mais pour moi, c’est l’un des meilleurs. Il me replonge dans mes années gothiques du lycée, sans pour autant chercher à reproduire ou singer ce qui a été fait auparavant, ni à exploiter une nostalgie artificielle.
Cette année musicale a été marquée par une quête constante d’émotions nouvelles et d’expérimentations. Mon top, reflet de cette recherche, est le témoignage de ces artistes qui, loin des conventions, continuent de repousser les frontières des genres. Entre albums exigeants comme Infinite Window de Rika Madobe, rituels sonores comme ceux de Zaliva-D, et hommages tragiques avec Ying Shui Di Jiang, chaque œuvre a su me transporter dans des mondes fascinants et imprévisibles. Pour autant, cette exploration n’a pas éclipsé l’importance d’un ancrage plus personnel, d’une résonance intime.
1. The Jazz Avengers - 8 Steps
2. Blood Incantation - Absolute Elsewhere
3. Soraya - Soraya
4. Chapel Of Disease - Echoes Of Light
5. L'imperatrice - Pulsar
6. Cuir - Album Album
7. Calcine - Common Love Common Nausea
8. Glass Beams - Mahal
9. Houle - Ciel Cendre Et Misère Noire
10. Sordide - Ainsi Finit Le Jour
L’année 2024 passée, il est temps de faire le bilan de mes écoutes. Une année encore plus éclectique que les autres, bercée par les sons de la nouvelle scène jazz, funk, fusion, ou encore de la city pop japonaise des années 70 et 80. Peu d’albums de Metal m’ont vraiment marqués cette année, peut-être à cause d’un manque de sonorités nouvelles dans le style, une impression de déjà-vu sur pas mal d’albums. Je me suis efforcé d’orienter ce top vers un horizon Metal pour ne pas vous submerger d’albums jazzy ou funky.
C’est pourquoi je commence ce top avec un album issu de la scène Jazz/Fusion japonaise : l’album de l’octuor féminin Jazz Avengers. Des musiciennes talentueuses qui nous envoient un groove d’enfer, porté par les lignes de basse accrocheuses de Juna Serita.
Pas très original, mais comme beaucoup, le dernier album de Blood Incantation, avec son Death Metal aux douces notes de Psy/Prog des années 70/80, m’a complètement conquis. Je retourne souvent planer au son des riffs saturés et des synthés psychédéliques de cet album.
Retour au Japon avec Soraya et son premier album. Le groupe nous offre une J-pop Jazzy qui accompagne parfaitement, et avec douceur, les moments calmes de ma journée.
Un autre album Metal qui a beaucoup tourné, surtout en début d’année pendant mes voyages nocturnes en train : Chapel Of Disease. Le groupe abandonne un peu plus son côté Death et accentue le côté Prog, avec de petits passages flirtant avec le Space rock. Comme pour chaque sortie de Chapel Of Disease, le groupe se renouvelle, et c’est toujours aussi bon.
Retour au groove avec le dernier album de L’Impératrice, un mélange de Pop, Disco et Funk. Encore des lignes de basse catchy, et la voix de Flore qui nous attrape avec ses refrains entêtants. J’ai hésité à mettre cet album dans ce top, mais je voulais quand même évoquer ce dernier opus avec Flore et son talentueux travail. Ayant quitté le groupe, je vous invite à lire son interview dénonçant le machisme dans la scène musicale, ainsi que l’emprise et la destruction mentale que cela engendre.
On continue ce top avec du Punk français et le mélange Synth et Oï de Cuir, qui nous propose encore un album catchy. Un second album toujours aussi efficace, prêt à rester gravé dans votre crâne.
Encore du punk français, mais cette fois direction la bagarre avec le hardcore de Calcine. Un album qui donne la pêche et l’envie de tout cramer. On ne recherche pas la finesse ici, mais juste un gros défouloir.
Dernier album non-metal de cette sélection avec Glass Beams. Le groupe australien nous envoie encore du gros groove et de grosses lignes de basse, avec une musique mêlant Funk, musique orientale et Pop/Rock Progressif. Un voyage auditif très plaisant, qui rappelle également l’ultra-productif The Destruction Of The Cult Of The Sun, ou, dans un registre plus asiatique, les néerlandais de Yin Yin, deux formations qui nous ont offert d’excellents albums cette année également.
Avant-dernier album de ce top : Houle et son dernier album. Un Black mélo virant vers le Post, avec de jolis spoken words, des refrains qui restent en tête, et un voyage en mer fort agréable.
Dernier album de ce top : Sordide. Si le précédent album m’avait moins marqué, le groupe revient en force avec ce nouvel opus. Des riffs bien rentre-dedans et des paroles puissantes. Dès le premier single, j’avais envie d'allé scander à leur prochain concert : « La France pue la haine, la France pue le fascisme ». Une envie de tout brûler sur « Nos cendres et nos râles ». Un album qui accompagne parfaitement la rage prolétaire, prête à écraser cette bourgeoisie infâme.
Pour finir, je vous laisse avec mes mentions spéciales : d’autres albums qui auraient pu figurer dans ce top et qui m’ont accompagné tout au long de cette année : Hugo TSR (Rap FR), Bedsore (Prog Death/Psy Rock), Mountain Caller (Post-Metal/Rock/Prog), Fearless Flyers (Funk/Fusion), Molchat Doma (Post-Unk/Coldwave), Kamasi Washington (Spiritual Jazz/Fusion), Sly5thAve (Jazz/Funk), Cory Wong (Jazz/Funk), Thou (Sludge), Kinga Głyk (Jazz/Fusion), Sungazer (Nu Jazz/Fusion), Chat Pile (Noise Rock/Sludge), Tenue (Emocrust/Black), Davodka (Rap Fr), Tigran Hamasyan (Avant-Garde/Jazz), Blu-Swing (City Pop), Ghost-Note (Jazz/Funk), Krav Boca (Punk/Rap), Weston Super Maim (Mathcore)...
1. Snawfuss - The Six-Petal Rosette
2. L A N D S R A A D - The Ambiguity of Truth
3. Frostgard - Coranar
4. Umbría - The Rime Pathways
5. Ithildin - Arda's Herbarium Vol.VI
6. Sylfvr - A Tale of Forlorn Ruins & Tragic Battles
7. Ellen Reid - Big Majestic
8. Ruth Goller - Skyllumina
9. Grace Cummings - Ramona
10. Mary Lattimore / Walt McClements - Rain on the Road
Une fois n'est pas coutume, mon top de cette année ne comportera pas uniquement du dungeon synth (voir mon article sur ce genre pour celleux qui ne connaîtraient pas encore). En réalité j'affectionne la musique sous de nombreuses formes et je suis loin de ne m'en tenir qu'à ce genre de niche. Je dois avouer pourtant que les nouveautés représentent une minorité de mes écoutes de l'année. Mais je ne suis pas exemptée de top pour autant alors partons de découvrir quelques coups de cœur de l'année 2024 ! C'était une bonne année en termes de sorties. Et je ne saurais expliquer pourquoi mais sens que 2025 sera un grand cru musical. Je m'en réjouis d'avance.
C'est vivant, ravissant, épique, ça flamboie : il y a de l'âme dans le dernier Snawfuss. Ça gonfle le cœur de joie et de poésie. J'ai beau l'écouter régulièrement, je ne m'en lasse pas. « The Six-Petal Rosette » est un album plein de fraîcheur qui propose des titres variés. Il touche juste et subtile, dans des registres comme la féérie ou l'héroïsme avec un son rétro et très contemporain qui ne tombe jamais vraiment dans le kitsch. Du dungeon synth de très haute volée qui mérite bien la première place de mon classement.
On ne va pas se mentir, les albums de LANDSRAAD sont toujours incroyables. Mais celui-là il fonctionne particulièrement bien. Il a cette profondeur en plus, cette ambiguïté peut-être, cette navigation dans un paysage sonore légèrement incertain, ce brouillage des repères, ce pied sur lequel on aimerait bien danser pour fixer les contradictions. Mais on ne peut pas trancher, c'est l'album - toujours inspiré de l'univers de Dune - qui nous tranche en deux, qui nous travaille au corps, dans ce no man's land où la certitude n'a plus sa place, au-delà peut-être de la dualité. En cela cet album a quelque chose de très spirituel. La musique nous traverse en une succession évocatrice d'émotions et de visions sablonneuses ou stellaires ; c'est de l'épice !
Un très bel album de l'espagnole de Frostgard dont je vous ai déjà parlé les années précédentes. Il me fait penser à la douce lumière dorée, réconfortante d'une fin d'après-midi. « Coranar » est probablement mon album préféré de Frostgard, dans sa richesse et sa subtilité. C'est d'une douceur, d'une élégance, d'un souffle preux et valeureux ! Toujours ce fin sourire de nostalgie et de rêve qui m'emporte délicieusement dans de mystérieuses contrées, à son écoute. Comment ne pas succomber à cette délicate et puissante magie ?
« The Rime Pathways » est mon album préféré d'Umbrìa, l'un des maîtres espagnols (lui aussi) du dungeon synth. Il y a toute l'élégance et le charme coutumiers d’Umbrìa, mais avec cette pointe de lumière profonde et sereine que je trouve moins torturée que dans ses précédents opus. Cet album est un véritable ravissement pour les oreilles, et l'on sait qu'on touche là à une œuvre singulière, avec ces mélodies qui tournent comme dans un rêve ou bien un manège, ces avancées souvent imprévisibles qui tombent pourtant à pic. Chapeau bas.
Le volume six de la série « Arda's Herbarium » (herbier inspiré tout droit de la flore de l'univers de Tolkien) est à ce jour mon préféré. Il est varié, réjouissant dans ses variations poétiques, allant jusqu'à se rapprocher du black metal sur certains titres. Et le morceau « Laurelin », où s'intègre magnifiquement le chant de Catherine Laurin est juste grandiose. Beaucoup de douceur court le long de cet album.
Sylfvr est un peu ma révélation de l'année et j'en ai d'ailleurs parlé lors d'un précédent top de mi saison. Si vous voulez vous faire entraîner par un souffle épique, d'une grande puissance et d'une sincérité sans nom, alors c'est l'album à écouter. Un album aux tournants élégants et souvent inattendus, qui n’y va pas vraiment avec le dos de la cuillère et dont la force évocatrice n’est plus à prouver.
« Big Majestic » est un magnifique monument d'ambient, lumineux et organique, composé par Ellen Reid pour une œuvre interactive prenant place et jouant avec les espaces de plusieurs grands parcs urbains du monde, à commencer par Central Park à New York. Il y a quelque chose de mouvant et suspendu comme une forêt primaire, dans ces sons ; c'est vaste, varié, clair, épuré, parfois même épique.
Dans « Skyllumina », Ruth Goller nous offre des variations tribalisantes autour de textures à la luminosité feutrée, presque crépusculaire - véritables paysages organiques et forestiers - où se complètent la rondeur (basse, timbre riche de la voix) et les intonations plus métalliques (travail percussif, fines nappes aiguës), tel un humus où poussent comme des champignons des harmonies vocales éthérées, désarticulées, voire interrogatives ou lascives (évoquant un free jazz punk des plus doux et lumineux, des plus sauvages et intimistes).
C'est un très bel album studio, bien ficelé, des instrus profondes, sensibles et groovy, mais ce qui est formidable et qui rend cet album si intime, c'est cette voix fascinante de Grace Cummings et ses lignes de chant aux variations complexes et parfaitement maîtrisées, une voix parfois rauque, contenue ou énervée, et d'une puissance incroyable qui n'aurait pas à rougir devant Amy Winehouse, une voix parfois douce et cassée, avec un timbre élégant et plein d'un charme semblable à celui de Lhassa de Sela.
« Rain on the Road » est album plein de douceur de gouttes scintillantes et d'étincelles pour se retrouver avec un chat ronronnant, à ralentir et à se réjouir des petites choses, de la beauté de la nature, comme on respire et se repose dans une maison de campagne aux vitres embuées, dans la lueur pluvieuse d'une fin d'après-midi. Il y a quelque chose qui m'évoque les films de Miyazaki dans ce qu'ils ont de plus contemplatif et de bouilloires fumantes. L'album parsemé de subtiles dissonances s'éveille peu à peu, tandis que la brume semble se lever et c'est réjouissant ; on croirait sentir le matin se lever lentement sur un village de pêcheurs et bientôt nous voilà partis au large ou battant les plaines comme une bonne averse.
Mention spéciale à The Cure, Svaneborg Kardyb, Flock, Porridge Radio, Torchlight, Fief et Limbes dont les très beaux albums sortis cette année auraient bien pu faire partie de mon top.
02. Dipygus - Dipygus
03. Abhorration - Demonolatry
04. Spectral Voice - Sparagmos
05. Engulfed - Unearthly Litanies Of Despair
06. Laceration - I Erode
07. Spectral Wound - Songs Of Blood And Mire
08. Skelethal - Within Corrosive Continuums
09. Mercyless - Those Who Reign Below
10. Akhlys - House Of The Black Geminus
1. Linkin Park - From Zero
2. Judas Priest - Invincible Shield
3. Bring Me The Horizon - POST HUMAN: NeX Gen
5. Flavia Coelho – Ginga
6. Labyrinthus Stellarum - Vortex of the Worlds
7. Falling In Reverse - Popular Monster
8. Strandhem – Enlightenment
9. Eihwar - Viking War Trance
10. Thy Catafalque - XII: A Gyönyörü Álmok Ezután Jönnek
Cette année, le spectre stylistique musical s’élargit encore. Sur un panorama varié et éclectique se dévoilent des ambiances diverses et dissemblables, révélant des compositions composites et diversiformes aux mélodies multiples et versatiles se parant des couleurs bariolées et diaprées enveloppées d’airs moirés et changeants… En gros j’ai écouté plein de trucs super chouettos, que je m’en vais vous narrer.
Tout droit sorti d’un passé pensé révolu, d’une époque de construction musicale personnelle, compagnon de route inoubliable qui nous avait laissés continuer seul notre chemin de vie, nous encourageant encore de loin d’un geste presque indistinct, Linkin Park nous rattrape, inopinée mais non moins merveilleuse surprise, pour nous insuffler une nouvelle fois espoir et énergie galvanisante, fantôme ressurgissant des ombres et dissipant les ténèbres d’une musique éclatante réchauffant notre âme et illuminant un avenir nouveau et radieux ! Il n’existe probablement pas de locution ou de mots assez puissants pour exprimer cet indicible sentiment de bonheur et d’euphorie grisante qui parcourt mon être. Pour tenter de me rapprocher de l’essence de mes émotions, je m’en remets à Baudelaire qui, écrivant au sujet de la poésie et de la musique, nous confie que c’est « à travers la musique que l’âme entrevoit les splendeurs situées derrière le tombeau ; et [que] quand [une musique] exquis[e] amène les larmes au bord des yeux, ces larmes ne sont pas la preuve d’un excès de jouissance, elles sont bien plutôt le témoignage d’une mélancolie irritée, d’une postulation des nerfs, d’une nature exilée dans l’imparfait et qui voudrait s’emparer immédiatement, sur cette terre même, d’un paradis révélé ». Tout ça pour dire que je suis refait de fou que Linkin Park sorte un nouvel album !
Lui aussi égérie d’un passé, cependant non révolu encore, il est de ces groupes immortels dont le souffle infini de mélodies flamboyantes projette inlassablement des airs dévastateurs, porte-parole éternel de l’industrie du métal lourd et des armures épineuses de cuir. Quelle âme en perdition n’a jamais été témoin auditif de la grandeur d’un des fondateurs de la nouvelle vague du métal lourd britannique, vu de ses yeux l’arrivée du chevalier noir sur son destrier d’acier, bourreau de la douleur et pourfendeur de la loi, j’ai nommé Sir Rob Halford de Judas Priest ? Sir, l’est-il seulement ? Ce titre siérait à merveille au surnommé Dieu du Metal. Brandissant fièrement son Bouclier Invincible, le prêtre de l’apôtre parjure poursuit son inlassable quête d’hymnes fabuleux rivalisant de majesté, de grandiosité et oserai-je dire, d’epicness et de riffs qui cassent des briques !
Ramenons de nouveau le passé au présent, puisque cela semble être le fil conducteur de ces écoutes qui ont pavé l’an achevé. Nous apportant un horizon désormais renouvelé, se distinguant du tracé habituel par une évolution de traits, de contours et de couleurs pour dépeindre un paysage neuf et annonciateur d’un chemin pittoresque, Bring Me The Horizon, fort de ses acquis et désireux d’explorer dorénavant un panorama plus large, sort des sentiers battus, laissant là une pierre pour marquer son passage avant de dévier de son parcours. S’avançant vers un avenir aussi audacieux que visionnaire, néanmoins dystopique, il persévère toujours avec la même rage énergique que nous lui connaissons au cœur d’un univers chaotique ou violence et rébellion technologique se percutent dans un éclatant tumulte. Et en plus les refrains restent grave dans la tête !
Toutes les bonnes choses ont malheureusement une fin, dit-on. Mais telle une étoile mourante, quitte à disparaître, autant le faire en beauté dans une explosion de lumière et de son imprégnant à jamais les rétines et les tympans. C’est la fin qu’a choisie Sum 41. Une dernière œuvre pour tirer sa révérence, calculée et maîtrisée, nostalgique et émouvante, percutante et inoubliable. Une dernière histoire nous est contée, retraçant une épopée musicale depuis les prémices d’un été prometteur jusqu’à un printemps de renaissance où la fin n’est qu’un autre chemin, pour paraphraser un grand sage. Au terme de presque trois décennies de mélodies débridées, de combats intérieurs et de rédemption, il est temps de clôturer le chapitre. Du paradis à l’enfer, Sum 41 livre un adieu poignant et explosif, un testament sonore digne de son histoire légendaire. Décidément les groupes cultes des années 1990-2000 se sont donné rendez-vous 30 ans plus tard ! C’est pas pour me déplaire.
Douces mélopées venues de par delà l’océan, mélodies sucrées portées par les vents marins jusqu’à nos terres, Flavia Coehlo appelle depuis l’Hexagone les sonorités de sa patrie sud-américaine. Le rythme envoûtant de la samba, du reggae et du baile funk rayonne d’une énergie solaire faisant la part belle à la poésie urbaine, aux engagements et à l’introspection. Cette voix brésilienne nous berce avec sérénité et tendresse, la quiétude en son sein règne en maîtresse. Le langage de la musique est universel, l’harmonie de chaque note nous ensorcelle. Vous avez vu, ça rime.
Embarquez à présent pour une odyssée cosmique à travers les profondeurs de l’univers et les méandres de l’esprit. L’atmosphère est noire, la musique éternelle de ces espaces infinis tisse une ambiance à la fois mystique et chaotique. Des lumières lointaines tantôt froides et cristallines, tantôt rougeoyantes et inquiétantes sont le théâtre d’une prosodie de mélodies éthérées et de rythmes hypnotiques évoquant la puissance et l’immensité de mondes inconnus. Nous partons pour une exploration transcendantale, entre mystères du cosmos et illusion de la réalité. Labyrinthus Stellarum se révèle être une expérience sonore immersive, un passage interstellaire vers des dimensions insoupçonnées.
Véritable explosion émotionnelle à la croisée des genres, ces derniers se présentent comme les instruments exutoires de Falling In Reverse pour exorciser ses démons du passé et ses traumatismes dont le seul remède semble être la violence d’une intensité brute.
Au cœur d’une descente aux enfers intérieure, la dépression, la colère et la quête de rédemption remontent en une spirale infernale. Les émotions les plus introspectives et viscérales dépeignent une ambiance sombre et cathartique dans laquelle les voix et les cris résonnent, aussi provocants que libérateurs, où chaos et vulnérabilité s’entrelacent. On dirait pas comme ça, mais c’est bien plus profond qu’il n’y paraît.
À peine échappés d’un tourbillon que l’on plonge dans un nouvel abîme. Celui-ci s’avère d’autant plus mystérieux qu’il est fluctuant. La chute y est vertigineuse au milieu d’un décor changeant au fil de notre descente vers l’inconnu. D’abord il y fait noir, puis des lueurs scintillent de part et d’autre de notre esprit. Soudain, l’air se charge d’électricité et l’atmosphère devient tendue. La lumière côtoie la mélancolie, les compositions, riches en texture et en émotions, appellent à l’éveil des sens. L’immersion au cœur des ténèbres est envoûtante et invite à la réflexion dans un maelström d’intensité musicale. Strandhem. Si vous n’avez rien compris c’est normal, moi aussi je cherche encore à process ce que je viens d’entendre.
Quoi de plus envoûtant que des percussions tribales aux rythmes hypnotiques et des chants incantatoires aux anciens ? Eihwar en appelle à l’énergie brute et spirituelle des guerriers nordiques et délivre une mélopée qui se veut le catalyseur fantastique de batailles épiques et de rituels mystiques. La fureur fusionne à la transe dans une ambiance sauvage et ensorcelante. S’imagine-t-on un instant danser sur un champ de bataille ? Viking War Trance en fait l’expérience. Comme dirait le pigiste amateur d’histoire le plus aguerri, c’est sans aucun doute un album entre tradition et modernité.
Pour finir cet excès incessant et indécent de narration superfétatoire, je vous propose un voyage avant-gardiste à la découverte de la culture hongroise. Thy Catafalque nous la présente dans tout son éclectisme, savant mélange captivant d’éléments culturels divers créant une ambiance à la fois onirique et tumultueuse. Un jeu entre le passé et le futur a cours sous nos oreilles ébahies. Inventif dans sa présentation du pays, notre guide accorde néanmoins beaucoup d’importance à la contemplation, fût-elle conjointement complexe et poétique. Nul doute que cette excursion ne laisse pas indifférent, tant notre hôte sait la rendre unique et inoubliable. Sur ce, bons baisés de Budapest !
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