Chronique | LES CHANTS DU HASARD ‎– Livre Quart (Album, 2024)

Les Chants du Hasard - Livre Quart (Album, 2024)

Tracklist :

01. Chant I - Parmi les Poussières - 05:14
02. Chant II - La Chauve-Souris - 04:51
03. Chant III - Le Bruit du Monde - 05:11
04. Chant IV - Sous la Mitre de Fer - 04:28
05. Chant V - La Nuit échappée - 05:30
06. Chant VI - Procession du Sabbat - 09:30
07. Chant VII - Les Ombres Vagabondes - 05:28

Streaming intégral :

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Il y a des chroniques plus difficiles que d’autres à commencer. Outre le syndrome de la page blanche qui peut également toucher les chroniqueurs (quelle que soit la qualité de l’album sur lequel nous souhaitons écrire), il y a bien d’autres raisons qui font que, parfois, le premier mot ne vient pas. Et là, lecteur assidu, tu te demandes bien pourquoi je te parle de ça. Eh bien, tu as raison, j’y viens, et ce sera mon introduction, ma réflexion (mais on parlera aussi de l’album, rassure-toi, il faut juste que tu comprennes d’où je parle pour saisir ce que je ressens face à ce nouvel album des Chants du Hasard).

Il est rare, bien que cela risque de se produire à nouveau avec le temps, que je me retrouve à (plus ou moins) chroniquer tous les albums d’un projet. Pourtant, c’est le cas avec Les Chants du Hasard, un projet qui sort régulièrement des albums sans pour autant en produire trop pour ne pas pouvoir m’y pencher sérieusement. Pourquoi le chroniquer alors ? Pourquoi accepter la demande de Hasard de m’y plonger ? Eh bien, pour la même raison qui me pousse à écrire ces lignes. Les Chants du Hasard font partie de ces (trop) rares projets à posséder une personnalité et une singularité vraiment identifiable (en gros, il fait du Black Metal, mais uniquement avec des instruments dits « classiques »), et il a su garder cette identité au fil de ses sorties : Livre Premier (2017), Livre Second (2019), Livre Troisième (2021), puis une digression dans l’univers de Malivore (2023).

Alors, que faire ? Prendre mes anciennes chroniques et les soumettre à ChatGPT pour lui demander : « Réécris-moi ça différemment pour ce Livre Quart ? » C’est une solution, certes, car on retrouve tout ce qui fait que Les Chants du Hasard sont Les Chants du Hasard : romantisme, saturation, envolée lyrique, chant guttural, contemplation etc... Pourtant, comme pour les précédents livres, si la structure est la même, l’atmosphère, l’ambiance qui s’en dégage, est différente. Là encore, il aborde l’obscurité et les horreurs lovecraftiennes, mais tout comme ces dernières, sa musique se fait multiple, protéiforme. C’est « pareil », mais ce n’est pas « pareil », et cette sensation de familiarité et de dépaysement vient précisément de ma connaissance de ses différentes sorties. Je ne peux pas feindre la surprise, je ne peux pas me mettre à la place de l’auditeur qui découvre ce quatrième livre. Mais je peux te dire qu’il apporte de nouvelles choses. Même en maintenant cette identité unique, Hasard réussit à explorer de nouveaux horizons, comme avec "Chant III – Le bruit du monde", où l’on retrouve la soprano Laura. Tout comme sur le troisième livre, il ne fait plus face seul aux Grands Anciens, mais la place accordée au chant féminin se fait cette fois-ci plus importante. Il instaure, pour la première fois, un véritable dialogue, fantasmagorique et « symphonique », qui te rappellera bien plus Carmina Burana que Nightwish, tant dans la musicalité que dans les paysages sonores occultes qui nous enveloppent et s’installent vicieusement, comme une sombre folie insidieuse, pernicieuse, mais pourtant tellement onirique.

L’album n’est pas simplement un « portage » du Black Metal vers une forme de musique « classique ». Hasard nous plonge dans des atmosphères résolument cinématographiques, tout en nous offrant des passages symphoniques qui rappellent les œuvres de Chostakovitch, notamment dans leur côté moderne, angoissant, sombre et pesant, particulièrement sur "Chant V – La nuit échappée". Cette filiation au cinéma se fait d’autant plus flagrante sur le dernier titre du livre, "Chant VII – Les ombres vagabondes", où l’on retrouve le ténor Christian. Ce morceau nous plonge dès ses premières notes dans un univers bien connu, à la musique de Danny Elfman, celle de L’Étrange Noël de Mr. Jack, et le chant de Christian ne fait que renforcer cette impression.

Ouvrir ce Livre Quart, c’est retrouver un univers certes familier, mais toujours aussi déstabilisant. Et déstabiliser, c’est aussi familier pour Les Chants du Hasard, mais c’est déstabilisant… Bref, vous avais compris l’idée. Hasard reprend la recette éprouvée des précédents albums, mais loin d’être réprouvée, il y introduit de nombreuses nuances, des explorations invisibles pour le nouvel auditeur, mais qui feront se dire à l’auditeur familier : « Il y a ce je-ne-sais-quoi de différent ».

Dans ce Livre Quart, chaque note résonne comme un écho lointain d’horreurs et de beautés insoupçonnées.
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Morgan
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