ULTRA VOMIT face à E. Macron ou « l’apolitique » politisé

Ultra Vomit à l'Elysée devant Macron avec McFly et Carlito, voilà un nouveau fait venu balayer le peu de crédibilité que représentent les arguments autour du caractère prétendument apolitique du Metal et de l'art en général, tant en ce qui concerne les artistes eux-mêmes que la scène au sein de laquelle ils évoluent. Bien sûr, cet « évènement » se rajoute aux innombrables sorties d'albums contenant des paroles au contenu politique et aux organisations de festivals néo-nazis, c'est pourquoi il aura peu de chances de convaincre davantage ceux qui sont rompus à ce débat épuisant, celui de savoir si le Metal peut avoir ou non un caractère politique, la réponse étant bien évidemment OUI, comme l'ont très bien montré Metalorgie dans leur article "Le Metal est Politique". En ce moment, la question n'est pas de déceler dans les paroles ou la symbolique d'une œuvre musicale des signes de l'engagement politique de l'auteur, mais de voir comment une œuvre qui n'est porteuse d'aucun de ces signes d'appartenance peut quand même, dans une certaine mesure, acquérir une signification politique.

Ultra Vomit ont ceci de particulier de pouvoir nous faire aller encore plus loin dans ce débat, puisqu'ils ont prouvé par leurs actes que des artistes ayant le rapport le plus lointain à tout ce qui s'apparente à la politique, ont pu se retrouver associés à... Emmanuel Macron ! Quoiqu'ils pensent de sa politique par ailleurs. Ils l'ont montré à leurs dépens cette semaine en jouant le jeu d'une représentation politique du pouvoir qui ne dit pas son nom. Inutile de rappeler le caractère humoristique de leurs titres légers qui  font toujours plus d'émules dans les festivals. Alors que les paroles de leurs chansons sont pour le moins apolitiques, le fait que ce soit ce groupe et non un autre qui vienne se produire devant le chef de l'Etat et politise ainsi son apparition permet d'illustrer la réalité, à savoir qu'une représentation artistique d'une œuvre ou cette œuvre elle-même peuvent acquérir un sens politique sans que cela soit initialement le cas. Cela peut être le cas involontairement, puisqu'à partir du moment où l'oeuvre est publique, sa situation dans l'espace public n'est pas toujours sous le contrôle de son auteur, surtout lorsque l'oeuvre n'est pas plastique (comme la musique, justement). Par exemple, la chanson "Nothing to my name" du groupe de rock Cui Jian n’était pas politique puisqu'elle raconte une histoire d’amour, mais elle est devenue un slogan de Tienanmen et elle est aujourd'hui connue pour cela. Mais la présence d'Ultra Vomit à l'Elysée relève d'un autre cas de figure, puisque c'est bel et bien volontairement que les membres de ce groupe ont décidé de donner un caractère politique à leurs créations, qui jusque là et à ma connaissance, n'en avaient jamais eu. 

Jouer "Une souris verte" devant le président de la République dans le cadre d'une vidéo d'humoristes qui a pour but de redorer son image auprès des jeunes, c'est de la part d'Ultra Vomit une participation à une opération de propagande politique, et non un concert quelconque. Les paroles ne présentent pas un caractère politique particulier, mais c'est en revanche le cas de la présence du groupe lui-même dans les jardins de l'Elysée à ce moment-là. Ultra Vomit est venu donner un caractère bon enfant à une rencontre avec l'homme qui a pendant son mandat détruit le code du travail et a été confronté à plusieurs mouvements sociaux d'ampleur pour protester contre sa politique. C'est bien en tant qu'artistes que le groupe a choisi de se rendre dans le palais présidentiel pour un moment de complicité avec celui qui dans la même semaine croyait bon de rappeler à un SDF qu'il n'avait pas à se plaindre puisqu'il a « des devoirs avant d'avoir des droits ». En fait, soit ce groupe est frappé d'inconséquence et d'une stupidité qui n'a d'égale que celle (revendiquée!) des paroles de ses chansons et a participé à cette opération de communication politique sans penser à ce que cela signifiait pour eux, soit il l'a fait en toute connaissance de cause; dans les deux cas, cela revient au même: cette face sinistre du chef de l'Etat qui a envoyé les CRS éborgner des manifestants des classes populaires est tenue à l'écart de l'entretien avec Mcfly et Carlito, qui ont tout fait pour donner une image décontractée et même comique de l'homme, notamment grâce à Ultra Vomit. De quoi gerber du contraste entre ce spectacle et la morgue habituellement affichée par ce Macron en campagne auprès des jeunes. 

Dans un autre registre, relevant plus de l'attitude passive assez répandue dans le milieu des chroniqueurs, influenceurs, et bien sûr dans le public de la scène Metal, un autre fait hautement problématique fut l'interview de Baptiste Marchais, un sportif s'étant à plusieurs reprises illustré par des propos xénophobes et racistes, par Hubert de Metalliquoi. Inviter une telle personne – qui n'avait d'ailleurs rien de très intéressant à raconter musicalement parlant – peut déjà s'apparenter plus ou moins une volonté de buzzer dans le mauvais sens. Le vidéaste nous explique qu'il mène cette interview dans le cadre d'une série de rencontres avec des personnalités appréciant le Metal. Mais n'y avait-il pas d'autre choix que d'inviter celui qui récemment affirmait vouloir quitter la France, quitte à y revenir pour y faire la guerre, car on donnerait trop aux « associations LGBT, aux migrants, etc. »? Mais ce qui est tout aussi grave, au-delà de cet aveuglement irresponsable, c'est le fait de préparer son interview d'une manière si désastreuse qu'à aucun moment on n'y retrouve la moindre mention, même au détour d'une question, des opinions politiques de l'athlète, alors que celles-ci sont à la fois sur sa chaine YouTube et dans des interventions télévisées. Au lieu de ça, on retrouve un intervieweur béat devant son invité, le laissant montrer une facette totalement lissée de lui-même. A aucun moment quelqu'un qui ne saurait pas qui est Baptiste Marchais n'aurait la curiosité d'aller se renseigner sur cela, alors que cette personnalité revendique des idées et en fait une part de son engagement. C'est notamment du fait de ce genre de traitement de l'information et d'une telle mise en scène d'elle-même que l'extrême droite a aujourd'hui le vent en poupe. Pas plus que dans d'autres milieux, le Metal n'échappe à cela, et une partie de ceux qui en occupent la sphère médiatiques sont visiblement aussi compétents qu'un Pascal Praud lorsqu'il s'agit de donner une image respectable de ceux qui ne la méritent pas. 

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T.

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