Dans les précédents Focus, nous nous étions attardés sur ce qui faisait l'unité de certaines scènes dans le milieu du Metal Extrême, en particulier le Black Metal... ce qui, d'ailleurs ne devrait pas tarder à changer, l'éclectisme étant quelque chose qui nous tient particulièrement à coeur. Cette unité transparaissait dans les particularismes inhérents au passé culturel des lieux de développement de ces scènes (l'Ukraine, le Québec) mais aussi dans l'idéologie politique (le RABM). Notre projet initial, qui était de se concentrer sur les scènes de chaque pays, s'est donc élargi, au final, afin d'attirer l'attention des lecteurs sur des enjeux de différentes natures, portés de diverses manières par la musique extrême... ce qui n'est qu'un prétexte pour faire (re)découvrir des groupes que nous apprécions. Aujourd'hui, focalisons nous sur la place problématique qu'occupent les Etats-Unis dans le développement du Black Metal.
Pourquoi donc problématique? Cela vient-il du jugement parfois hâtif de certains amateurs de Black Metal qui rejettent purement et simplement l'intérêt des scènes US, réduisant les groupe américains à de simples patchworks sans âme de la musique de leurs voisins européens?... on entend la même discours dédaigneux à propos des scènes asiatiques, et pourtant la Chine a formidablement bien su associer les codes du Black Metal à l'imagerie et les sonorités de son folklore, sa culture. Un jugement sans fondement, donc? On va voir que cela est compliqué.
D'un côté, il est vrai que la scène américaine, apparue au début des années 1990, n'a pas proposé grand chose de nouveau par rapport à la Seconde Vague scandinave. Mais est-ce à dire que la qualité était moindre? C'est contestable. Tout ce qu'on peut dire à ce sujet, c'est qu'assurément, la scène semble avoir peiné à se construire de manière aussi riche qu'en Europe, pour la simple et bonne raison que peu de projets, par ailleurs disséminés sur un immense territoire, ne permettent pas une émulation liée aux échanges et une recherche de créativité aussi importante. Cela explique le fait que la scène américaine ait eu au départ du mal à affirmer une identité qui lui était propre. Que doit-on aux Etats-Unis des années 1990? Une démo fondatrice, "Satanic Blood" de Von, parue en 1992, qui a permis au Black Metal de prendre une direction plus brutale et bestiale, à l'instar des Canadiens de Blasphemy, et l'influence notable de Profanatica... Mais l'apport est faible et en général on assiste à une ré-exploitation tels quels des codes originels du Black Metal, comme on peut le voir chez Judas Iscariot. Pas de qualité moindre, tout n'est pas à jeter, simplement la scène US a quelque peu eu du mal à se démarquer des foyers européens en ce qui concerne le développement du style aux Etats-Unis.
D'un autre côté, on remarque que les nouveaux fleurons du Black Metal américain prennent au tournant des années 2000 leurs distances grâce à l'intégration de nouvelles sonorités, qui ne définissent toujours pas l'identité de la "scène locale" - qui au vu de l'espace qu'elle englobe n'est absolument pas locale - mais qui font des Etats-Unis un foyer pour de nouvelles expérimentations inédites. Un tournant que monsieur Hunt-Hendrix, dans son livre Transcendantal Black Metal, et en des termes assez hégéliens, qualifie de deuxième moment du Black Metal : un genre davantage hybride, "moderne", qui intègre au Black Metal de nouveaux rythmes et de nouvelles sonorités par opposition à une Seconde Vague qualifiée d' "atrophiée, nihiliste, lunaire", que le Black Metal Transcendantal (américain) aurait désormais dépassé :
Cette analyse du leader de Liturgy est à relativiser étant donné que, d'une part, les Etats-Unis n'ont évidemment pas le monopole de l'évolution du Black Metal et qu'une théorisation de ce genre, académique et philosophique, parait un peu prétentieuse lorsqu'il s'agit d'étudier une culture populaire (même si son intérêt esthétique demeure immense) qui est encore en plein développement. Comment, à ce moment là, parler d'aboutissement d'une sous-culture? Est-ce que cela a un sens? Sachant qu'appliquer une vision dialectique de l'Histoire à un champ aussi restreint qu'un style musical recèle de nombreux écueils, parfois insurmontables. Mais là n'est pas le sujet.
Cette parenthèse fermée, on comprend qu'il est difficile de parler d'une scène américaine, même si l'on observe qu'à l'échelle de certains Etats (la Californie par exemple), ou de certains collectifs comme l'Atrum Cultus (que nous verrons en fin d'article), le terme est plus approprié. On se focalisera dès lors sur une conséquente sélection d'albums qui ont suscité notre intérêt et qui témoignent de l'influence grandissante du Black Metal made in US.
Les USA sont plus connus pour leur scène Cascadian et Black/Death que leur scène au Black occulte hormis quelques groupes dont Nightbringer qui au fil des albums aura sur se forger une identité propre, reconnue et reconnaissable entre toutes. Une ambiance pesante, des riffs qui lui sont propres, dégageant une passion sans fin, des guitares envoûtantes et dévorantes avec un chant qui saura vous percer l’âme et vous initier à l’univers impie de Nightbringer. Il faut noter que les musiciens restent une des références de la scène US même si le groupe est récent, tout ça grâce à son travail de qualité, son intégrité et son investissement dans les arts noirs, ce qui fait beaucoup trop défaut de nos jours… Avec quatre albums, le groupe aura su asseoir son hégémonie sur la scène internationale, notamment en partageant des splits avec des formations telles que Serpentinam, Temple of Not, Saturnalia Temple, Aluk Todolo etc… le groupe est un des fleurons et piliers de la scène Black Metal actuelle.
Difficile de parler de Nightbringer sans évoquer Akhlys et Bestia Arcana (sujet suivant). Projet personnel de N.A qui est aussi le guitariste dans Nightbringer, sa musique se veut être dans la continuité de son projet collectif. Sauf qu’on lui reconnait une patte plus personnelle dans son approche, même si le style est reconnaissable, les riffs se veulent être plus lancinants, plus pesants et guidés par un chant plus éthéré, permettant ainsi à Akhlys d’avoir sa propre identité. « The Dreaming I » est une œuvre démoniaque dans le sens où à son écoute elle saura s’emparer de vous et s’immiscer dans les tréfonds de votre être afin de vous ouvrir à sa Lumière. Ce second opus est une œuvre plus mature qui saura ravir les férus de Black Metal aux ambiances captivantes et hypnotiques.
Cette analyse du leader de Liturgy est à relativiser étant donné que, d'une part, les Etats-Unis n'ont évidemment pas le monopole de l'évolution du Black Metal et qu'une théorisation de ce genre, académique et philosophique, parait un peu prétentieuse lorsqu'il s'agit d'étudier une culture populaire (même si son intérêt esthétique demeure immense) qui est encore en plein développement. Comment, à ce moment là, parler d'aboutissement d'une sous-culture? Est-ce que cela a un sens? Sachant qu'appliquer une vision dialectique de l'Histoire à un champ aussi restreint qu'un style musical recèle de nombreux écueils, parfois insurmontables. Mais là n'est pas le sujet.
Cette parenthèse fermée, on comprend qu'il est difficile de parler d'une scène américaine, même si l'on observe qu'à l'échelle de certains Etats (la Californie par exemple), ou de certains collectifs comme l'Atrum Cultus (que nous verrons en fin d'article), le terme est plus approprié. On se focalisera dès lors sur une conséquente sélection d'albums qui ont suscité notre intérêt et qui témoignent de l'influence grandissante du Black Metal made in US.
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Nightbringer - "Death and the Black Work" (Album, 2008)
Akhlys - "The Dreaming I" (Album, 2015)
Bestia Arcana - To Anabainon ek tes Abyssu" (Album, 2011)
Comme sus cité, au tour maintenant de Bestia Arcana, duo qui reste relativement anonyme dans son line-up. Ce qui pour la peine nous permettra de nous focaliser sur un aspect intéressant de leur œuvre, LEUR ART ! Tout comme les deux projets précédemment présentés on reconnait bien la patte de N.A et K qui à travers ses riffs marque une nouvelle fois de son empreinte une œuvre intemporelle. A la différence près que celle-ci se veut plus chaotique et virulente que ses prédécesseurs. Chaotique dans son atmosphère et non pas dans son œuvre qui reste parfaite ! Avec des claviers sonnant comme un instrument venu des enfers pour annoncer l’arrivée sur terre de Sa Majesté, des riffs lacérant votre âme, une batterie vous écrasant sous le poids de sa violence et de sa lourdeur, et un chant dénué de toute sensation humaine…. Il faut reconnaitre à ce projet une folie non dénuée d’intérêt, apportant à cet album une identité propre offrant à l’auditeur un support parfait pour ses longues nuits de cauchemars. Dédicace à S. qui aura su m’immerger dans cet univers incroyable.
Leviathan - "The Tenth Sublevel of Suicide" (Album, 2003)
Il aura été difficile de faire mon choix dans la disco impressionnante du groupe, mais si mon choix s’est porté sur celui-ci (qui n’est pas forcément mon préféré) c’est parce que c’est la première œuvre du groupe qui a su me marquer lorsque je l’ai découvert. Assimilé à la scène DSBM, ce one man band est en réalité bien plus que ça, tant on retrouve différentes influences au fil des albums/demos/splits. Leviathan est un groupe complexe, froid, ténébreux et solitaire. C’est un groupe qui est voué aux âmes torturées. Avec cet album Wrest a su créer une oeuvre intemporelle et qui aura marqué de son empreinte une scène Black US qui se cherchait un leader, à son insu. Des mélodies froides, des riffs acérés et accrocheurs et un chant complètement saturé. Cette pièce reste une œuvre majeure de la scène US, mais je ne saurais que trop vous conseiller aussi : « Massive Conspiracy Against All Life », « Tentacles of Whorror », « Scar Sighted » et la compil « Verräter ». Après je vous invite à fouiller et découvrir en profondeur la discographie du monstre.
Black Funeral - "Moon of Characith" (Album, 1998)
Voilà un groupe dont je ne suis pas du tout fan, avec une discographie très inégale (bien que le nouveau, paru chez Iron Bonehead, s’annonce de qualité) mais que je me devais de mettre dans cette liste, pourquoi me direz-vous ?
Cet album est une œuvre noire comme j’en ai rarement eu entre les mains, dédiée aux forces occultes et démoniaques, avec des musiques à l’intégrité et au sérieux rarement égalé. Cet album n’est pas du Black Metal mais de l’ambient, mais il a largement sa place ici vu le ridicule de beaucoup de groupes dans leur manière de traiter les arts occultes. Pourquoi cette véhémence ? Tout simplement parce que l’instigateur de ce projet solo n’est autre que Michael Ford, un nom qui parlera à ceux qui auront compris que le Black Metal n’est pas qu’une musique mais aussi un style de vie, une vision (et là on enlève 80% des fans). Michael Ford est un auteur ésotérique émérite, s’investissant corps et âme dans son art. Même si la qualité n’est pas toujours au rendez-vous, l’investissement se veut sans égal, et « Moon of Characith » reste une œuvre introspective qui se doit d’être découverte. Encore merci à Ishk pour cette découverte incroyable et à mon frère pour la découverte de ses écrits.
Black Witchery - "Upheaval of Satanic Might" (Album, 2005)
Voilà, un exemple supplémentaire comme quoi les USA sont bien un pays où la violence est coutumière au style de vie. Né des cendres d’Irreverent, Black Witchery est un des leaders du War Metal et nous délivre après chaque nouvelle offrande un peu plus de violence, repoussant les limites de la bestialité. Des riffs directs, une batterie complètement folle au tempo atomique et un chant totalement possédé, voilà la recette de ces maitres en barbarie sonore. Il est clair que ce genre musical n’est pas fait pour les âmes sensibles, mais il représente un exutoire parfait pour laisser ressurgir toute la haine que l’on a en nous et la laisser exploser à l’écoute de ces œuvres blasphématoires. À noter, le travail incroyable réalisé par le maitre Chris Moyen pour les pochettes. Difficile d’approche au premier abord car dénué de mélodies gays et soporifiques, de chant clair alcestien et de claviers « summominguien », la musique du groupe se veut intense, brute de décoffrage et dédiée au Malin. En fait c’est juste un groupe pour les bonhommes. (Hommes et femmes, pas de misogynie).
Demonic Christ - "Punishment for Ignorance" (Album, 1995)
Et justement pour rebondir sur la dernière aparté faite, parlons de Demonic Christ mené par Dana Duffey qui avec cet album paru en 1995 a fait l’effet d’une petite bombe. Comme quoi être une femme et jouer du Black sans montrer ses miches n’est pas incompatible, bien au contraire. Il a toujours été difficile pour les femmes de percer dans ce milieu, mais celles qui y sont parvenues ont montrés leur mérite à force de travail et dévotion. Cet album de Raw Black est une pierre angulaire de la culture Black Metal. Avec ses quelques influences Death (n’oublions pas qu’elle jouait dans Mythic) elle aura su donner à son Black une lourdeur qui n’était pas forcément présente à l’époque. Il faut bien remettre cet album dans son époque, que ce soit niveau son ou niveau compo, comme quoi être une femme et frontman est compatible lorsque l’on choisit bien ses priorités artistiques et que l’on fait passer sa passion avant une quelconque imagerie. Total Respect.
Von - "Satanic Blood" (Démo, 1992)
Groupe mythique de la scène US s’il en est, Von se veut être une des influences majeures dans le Black Metal. Un des premiers groupes à avoir délivré ce genre de Black Metal primaire, abrupt et dont les titres dépassent rarement les 2min30… Véhément, putride, bestial, voilà des adjectifs qui correspondent bien à ce qui définit Von. Le groupe est présent sur la scène US depuis 1987 et aura su offrir une discographie bien maigre en comparaison de son temps d’activité. Ayant même créé en parallèle le projet Venien avant de ressortir en 2013 son "Dark Gods: Seven Billion Slaves album", avec une musique plus évoluée, n’oublions pas qu’il s’est passé onze années depuis la sortie de sa dernière démo. Le groupe aura inspiré un florilège de groupes laissant une empreinte indélébile sur une scène qui était en manque de repères à une époque où le Black Metal se voulait être européen.
Profanatica - "Profanatitas de Domonatia" (Album, 2007)
Profanatica, un groupe qui parlera aux fans de Black Metal. Groupe culte de la scène US, connu aussi bien pour sa musique que pour son approche de celle-ci (nudité, jouant habillé en none etc…) un des piliers de la scène qui aura su donner au mot « blasphème » ses heures de gloires dans un pays où la parole de Dieu est le centre des convictions du pays. Certains diront basiques et d’autres dont moi diront efficacité. La formation crée débat, mais ne laisse pas insensible. Le groupe a une histoire maudite, entre les bandes perdues de leur premier album, le décès d’un des membres fondateurs Aragon Amori … Tout a été fait pour que Profanatica ne continue pas à verser sa bile, mais c’était sans compter sur la conviction de ses membres. Il faut reconnaitre que la pugnacité du groupe a payé, aux vues de l’évolution de leur musique pour parvenir en 2016 avec son nouvel album « The Curling Flame of Blasphemy » à une musique plus mature tout en gardant cette véhémence et sa personnalité. En fait le groupe à la recette qui fait mouche, jouant sur la provocation et en s’appuyant sur une musique de qualité. A noter que Ledney a été un des premiers a évolué dans ce registre de chant à l’époque offrant à Profanatica une primeur qui n’était pas présente à cette époque. Allez-vous délecter de titres comme « Mocked scourged and spit upon », maintenant !
Grand Belial's Key - "Kosherat" (Album, 2005)
On va faire simple et couper court à tout débat, car je m’en branle, pour ceux à qui ça ne plaira pas, tournez les talons. J’adore ce groupe qui a su marier à la perfection Black Metal avec des passages heavy apportant à leur musique un côté épique juste incroyable et qui hérisse le poil. Ne serait-ce qu’avec des titres comme ‘On A Mule Rides The Swindler ‘, ‘The Beared Hustlers’ ou encore ‘The Reid Heifer’ qui sont des titres qui réveillent en vous ce sentiment de révolte et qui vous font taper du pied de par leurs côtés épiques. Il ne faut pas oublier non plus que le fondement de leur musique reste le B.M, ce qui veut donc dire qu’un sentiment de haine et de révolte se dégage de leur musique, que ce soit par les passages blastés ou bien les passages plus lourds. Mélodique, héroïque, enivrante, agressive… La musique de GBK se veut être guidée par un seul fil conducteur, la haine véhiculée à travers leurs compos. Il faut reconnaitre à GBK que leur travail de composition est juste incroyable, tant on se laisse emporter à travers leur musique et qu’on se voit instinctivement secouer la tête. On retrouve tout genre de mélange dans la scène US, avec leurs qualités et leurs défauts, pour parfois parvenir à des pépites comme cet album.
Ash Pool - "For Which He Plies The Lash" (Album 2010)
Âmes sensibles, s’abstenir. Atypique et unique, voilà comment définir Ash Pool, un groupe où il n’existe aucune barrière pour laisser exprimer toute la haine de son géniteur. Berçant aussi dans la noise notamment avec son groupe Prurient, Dominick Fernow a aussi fondé son propre label, Hospital Records. Un homme aux différents talents: tous ses projets sont guidés par un même leitmotiv, haine, noirceur et ténèbres. Passant sur une même piste du Raw Black, aux passages plus catchy accompagnés de chœur clair, on peut explorer tout un panel émotionnel à travers une même compo pour au final arriver à une seule conclusion, Ash Pool est un projet barré mais cohérent ! Après selon les supports auxquels vous serez confrontés vous pourrez être surpris, car le groupe n’a pas de barrière et peut vous offrir des demos Raw Black, retirant ses chœurs ou encore ses mélodies catchy… Ash Pool reste un ovni à part entière sur la scène US.
Warwulf – "In the Glare of a Dying Horizon" (Album, 2015)
La scène française, notamment toulonnaise aura su créer des émules aux USA avec un groupe comme Warwulf, one man band influencé par des formations telles que Seigneur Voland, Kristallnacht etc…. Veuillez comprendre par là un Black Metal épique fondé sur la mélodie, avec des compos qui ne seront pas sans rappeler les groupes sus nommés. A noter que les fans de Black australien retrouveront une petite touche Drowning The Light dans les compositions. Après le petit point négatif reste la prod et par moment le jeu de batterie un peu trop basique… Mais bon, on se laisse aisément captiver par l’ambiance du projet pour oublier ces quelques petits défauts. Une musique empreinte d’une certaine nostalgie pour moi, me replongeant dans mes débuts dans le B.M… Pas le projet le plus connu des US mais il faut bien lui reconnaitre son charme avec ses riffs aux mélodies accrocheuses et nobles. Et bon, il faut aussi lui reconnaitre que les passages belliqueux donnent juste envie de tout brûler. Une recette simple et efficace qui a su faire mouche.
Ipsissimus - The Way Of Descent (Album, 2011)
Tu aimes les groupes comme Absu ? J’ai une très bonne nouvelle pour toi lecteur, Ipsissimus, formation américaine, est faite pour toi. Un Black teinté de sonorités épiques avec un chant venimeux qui saura vous immerger dans un univers personnel et peu souvent exploré. Malheureusement méconnue dans nos contrées, cette formation n’a jamais eu la reconnaissance qu’elle méritait. N’étant pas féru du genre, je me suis laissé subjuguer par leurs mélodies envoûtantes et aux influences heavy. Les passages mélodiques sont somptueux, apportant un peu de douceur dans cet univers de bestialité, offrant un contraste saisissant entre douceur et violence. Autre point positif, la thématique des textes qui reste atypique, permettant ainsi d’explorer de nouveaux horizons et de se plonger un peu plus dans les arts obscurs, mais encore faudrait-il pour cela s’intéresser à autre chose que seulement la musique, suivez mon regard.
Morbosidad - "Cojete a Dios por el culo" (Album, 2004)
Groupe quelque peu maudit avec deux batteurs décédés, un line-up relativement instable, une tournée annulée par un complot antifa/vegan, Morbosidad aura connu quelques péripéties dans sa carrière. Au-delà de ça, le groupe a atteint son statut culte grâce à sa bestialité, sa musique primaire qui transforme ton cerveau en bouillie et des shows violents et intenses. Des riffs assassins, catchy et juste putain de jouissifs accompagnés d’une atmosphère dédiée à l’antéchrist, la mort, la guerre. Il n'en faut pas plus pour se laisser subjuguer. Ce qui est génial dans Morbo, ce sont les textes qui sont chantés en espagnols, offrant un exotisme incroyable à leur musique, mais c'est aussi ce qui fait que leur musique se veut être aussi violente, car le chant hispanique dégage une intensité incroyable. Cet album est une pure décharge d’adrénaline, de haine, de blasphème. Le genre de groupe que tu te dois de posséder si tu te dis fan de Black/Death.
Kommandant - "The Draconian Archetype" (Album, 2014)
Pourquoi pas le dernier album en date me direz-vous ? Tout simplement car j’ai découvert avec celui-ci et qu’il a une saveur particulière pour moi. Groupe récent mais qui a su se forger sa propre identité, Kommandant offre un Black Metal martial et haineux à la fois. Avec ses chœurs envoûtants et un batteur qui se veut être un vrai artilleur mais aussi des riffs tranchants et incisifs, il n’en faut pas plus à la formation américaine pour nous entrainer dans son monde guerre et de violence. La lourdeur qui se dégage de certaines pistes est captivante et contraste avec la violence des autres, offrant un mélange d’atmosphère plongeant l’auditeur dans cet univers belliqueux sans qu’il en sorte indemne. La puissance qui se dégage de leurs compos est juste impressionnante, peu importe la forme qu’elles prennent, une fois plongé dedans on ne peut en décrocher. Tel un panzer, le groupe ravage tout sur son passage. Agrémenté d’une imagerie qui ne laissera pas les férus de guerre insensibles, Kommandant aura su trouver la recette pour faire mouche dans une scène qui se veut être plus épique, voir traditionnelle dans son approche. Le groupe sort de ce carcan stéréotypé. Cet album est comme un tir de mortier dans ta gueule, toi l’auditeur qui est habitué à la musique léchée, soignée, mélodique… Pas le groupe le plus connu de la scène US certes, mais une des valeurs sures.
Caveman Cult - "Savage War Is Destiny" (Album, 2016)
Alors à la sortie de sa première démo Caveman Cult avait su créer le buzz dans l’univers underground par la barbarie de sa musique. Il m’a rarement été donné d’écouter un groupe si intense. Un War Metal comme il devrait se faire plus souvent. Ici pas de poésie ou autres conneries, juste un album qui en l’espace de 30 minutes saura te retourner le cerveau. Simple, efficace, direct, virulent, haineux, sombre… tous les adjectifs en rapport avec ces termes s’appliquent ici. Le tout accompagné d’une prod’ qui se veut crade mais audible, laissant ressortir tout le malsain qui se dégage de leur musique et permettant à votre esprit de se laisser envahir par cette œuvre de haine pure. Comme quoi la beauté peut se décliner sous différentes formes. Pour beaucoup cet album ne sera que du bruit, ils n'arriveront pas à percevoir l'aura qui se dégage de cet album, étant trop habitués aux productions sclérosées de ces dernières années et à ces formations lorgnant vers un Black romantique et poétique… Des chansons intenses, brutales sans aucune concession accompagnées de passages harsh/noise ? Putain, cet album est le coup de pied dans la fourmilière qu’il manquait. Rarement un opus m’aura filé la trique comme ça. De la musique de bonhomme pour les bonhommes, donc si tu n’aimes pas, pose toi des questions !
Veil - "Sombre" (Album, 2008)
Ok, je tape souvent sur les groupes mélodiques etc… à leur décharge, ça n’est pas leur faute mais plutôt à cause de leur fanbase immature. Des groupes comme Veil ont accompagné ma jeunesse, me permettant de me calfeutrer dans un univers hermétique et dénué de contacts humains. Me plongeant dans une sphère d’isolement totale et me permettant de me retrouver coupé de la masse. Des mélodies hypnotiques, dévorantes, des riffs lancinants et éthérés avec un chant qui vous envoûte. Des claviers désespérés qui vous feront partir très loin de ce monde pourri en s’imprégnant dans votre esprit, vous permettant de vous poser, écouter et partir loin. Même si la musique parait monotone, elle offre une uniformité qui permet à l’auditeur de ne pas décrocher de son univers le long de son écoute. Un des fers de lance du DSBM.
Vegas martyrs - "Vancouver Missing Women" (Album, 2010)
Là c’est plus pour le coup de cœur, j’avoue, d’un artiste évoqué plus haut, Dominick Fernow. Plongé dans un monde réunissant Noise et Black Metal, il aura créé Vegas Martyrs, un projet réunissant ses deux univers offrant une musique asphyxiante, impénétrable. Le genre de projet ou ça passe ou ça casse, mais une fois plongé dans cette musique dérangée et malsaine on part dans un voyage perturbant ne laissant entrevoir aucune issue, aucun ray de lumière. Le Black Metal aura connu différentes fusions/mutations musicales, c’est pour ça aussi que je voulais présenter ce projet qui lui est totalement personnel. Le nombre de sous-genres n’a cessé de fleurir ces dernières années, mais dans une direction aseptisée et mélodieuse, pas forcément ce que je recherche dans une musique qui prône l’anticonformisme. Difficile d’accès certes, mais une fois que vous en aurez percé toutes les subtilités vous vous laisserez subjuguer, sinon, vous retournerez écouter Dark Funeral…
Xasthur - "Nocturnal Poisoning" (Album, 2002)
Je me suis demandé si placer cet album dans notre sélection serait une insulte à nos lecteurs férus de Depressive Black Metal. En effet, Xasthur et sa tête pensante Malefic règnent sans partage sur ce sous-genre aux Etats-Unis, c'est un fait difficilement contestable, tant l'influence de l'artiste est grande et dépasse largement le cadre national.
Des sonorités voilées comme si nous les entendions de notre cercueil, des mélodies lointaines et inquiétantes, des vocaux dissimulés sous la souffrance existentielle et la haine, tels sont les éléments qui m'ont séduit presqu'immédiatement à l'écoute de cette pierre angulaire du DSBM. "Nocturnal Poisoning" est une éternelle marche funèbre à la mélancolie poignante et à la production volontairement négligée pour renforcer l'impression de malaise qui nous ronge dès le morceau d'ouverture, 'In The Hate of Battle', et qui fait mouche lors de la reprise de 'Black Imperial Blood' (Mütiilation). Les claviers spectraux associés à des riffs à la noirceur inextricable sont le mélange addictif pour vos nuits d'insomnie.
Jute Gyte - "Perdurance" (Album, 2016)
Parmi les groupes de Black Metal, Jute Gyte est certainement, à ma connaissance, le projet qui est allé le plus loin dans la dissonance, donnant à son art un côté étrange, insupportable, agressif et surtout fatigant (je croyais que c'était Skáphe, manifestement je m'étais trompé). Extrêmement prolifique, Adam Kalmbach a sorti 26 albums depuis 2006, et celui-ci est le dernier en date à l'heure où nous rédigeons cet article. Dans "Perdurance", l'artiste peaufine sa technique de composition centrée autour des micro-intervalles à la guitare, et cela à grands renforts de boîtes à rythme endiablées. Cela donne des morceaux longs, éprouvants, mais très bien structurés.
Cette musique expérimentale est une redoutable curiosité que seul le Black Metal pouvait enfanter. Hypnotique, cet album aux rythmes alambiqués et aux sonorités torturées exige une oreille endurante et attentive afin de s'aventurer dans les méandres de son univers chaotique.
Cobalt - "Gin" (Album, 2009)
Parmi tous les albums mentionnés dans ce Focus, "Gin" est sans doute l'un de ceux qui m'ont le plus marqué dans mon bref parcours musical. Alliant démence, sauvagerie et ritualisme, cet album de Cobalt, duo du Colorado mené par Erik Wunder, est un manifeste en la matière. À rebours des stéréotypes, l'Art Noir de ce groupe n'en est pas moins sulfureux, et son efficacité est principalement due au groove des passages les plus dynamique, par contraste avec des moments mystiques remarquables.
Le morceau 'Dry Body' est une parfaite illustration de l'esprit à la fois lancinant et halluciné de cette oeuvre, la longue introduction incantatoire devient une montée en puissance aboutissant à des riffs glaciaux. Quant à haine et le désespoir, ceux-ci transparaissent aisément dans le morceau-titre avec cette voix et ces riffs acérés qui m'avaient tant fasciné lorsque j'avais mis la main sur le CD. Cette description étant vouée à ne pas être exhaustive, je conseille vivement de foncer y jeter une oreille :
Nachtmystium - "Assassins: Black Meddle Pt.1" (Album, 2008)
Pour le coup, c'est vrai que Nachtmystium est un groupe qui joue beaucoup sur la dérision des codes du Black Metal, ce qui fait dire à beaucoup d'amoureux du genre que les States dénaturent cette musique, par exemple en l'associant à du Stoner, ce qui est le cas ici. Pour ma part, je trouve que la sauce prend remarquablement bien, apportant au Black Metal une dimension psychédélique et floydienne qui a le mérite de nous dépayser, nous introduisant dans un paradis articifiel au sein des Enfers. Le paradoxe est là, et il demeure pertinent car ça fonctionne très bien !
Les synthétiseurs apportent à l'album sa dimension psychédélique, tant dans les passages les plus ambiants et planants que dans les moments les plus agressifs où le chant Black Metal de Blake Judd permet d'inscrire "Assassins" dans le registre du Metal extrême, avec quelques blast beats ici et là. Les instrumentaux relèvent davantage du Prog que du Black Metal, même si les gammes utilisées et les arpèges qui parcourent l'opus sont un lointain rappel de la tradition Seconde Vague. On a même le droit à du saxophone sur la deuxième partie de 'Seasick' !
Que dire, si ce n'est que Blake Judd donne au Black Metal un nouveau look avec cette oeuvre hybride et unique, ouvrant de ce fait la voie à des groupes tels Oranssi Pazuzu ou Hail Spirit Noir !
Sapthuran - "Hildegicel" (Album, 2015)
Sapthuran, un projet très peu connu malgré sa collaboration avec Leviathan, mais qui propose pourtant dans cet album un Black Metal d'excellente qualité, tout à la fois radical, direct, mais également varié, efficace et mélodique. On voit difficilement ce qui pourrait manquer à "Hildegicel" tant l'oeuvre donne cette impression de maîtrise et de perfectionnisme qui justifie les sept ans d'attente qui séparent ce quatrième opus de son prédécesseur "Wanderer".
Patrick Hall a opté pour privilégier une ambiance primitive inspirant le respect de la nature et une réflexion sur notre place dans le cosmos, les samples de cris d'animaux, de bruissements de feuille et de clapotis étant fort à propos dans cette démarche. Transcendante, sa musique dégage une pureté salvatrice et un sentiment épique dans cette soif de solitude et d'accord avec les Éléments. "Hildegicel" est une petite pépite qui s'érige en barrage contre le monde moderne et qui, une fois introduite dans notre conduit auditif, devient sublime.
Inquisition - "Nefarious Dismal Orations" (Album, 2007)
Bon, OK, on le sait: à l'origine, Dagon est colombien. Mais le musicien, on s'en doute, au vu du temps passé aux Etats-Unis qu'il a rejoints dès la fin des années 1990, a sa green card depuis longtemps. Passé cette futile précision, attardons nous sur cette pièce de Black Metal occulte et immersive qu'est "Nefarious Dismal Orations". Difficile de faire un choix parmi la discographie presque sans-faute du duo (on va dire que depuis deux albums ça s'essouffle un peu), le mien s'est porté sur cet album, un peu arbitrairement je l'avoue.
Cohérente et inspirée, cette oeuvre mérite que l'on s'y attarde si l'on se prétend amateur d'Art Noir satanique et brutal en recherche d'expériences hypnotiques. Un changement subtil dans le son du groupe se fait remarquer avec davantage de présence des vocaux de Dagon, qui deviennent un peu moins monotones sans délaisser ce côté incantatoire qui fait tout leur charme, et les musiciens franchissent un nouveau palier en terme d'agressivité. Du reste, tous les ingrédients qui ont fait le succès du groupe se retrouvent dans cet album : des paroles sataniques reliées à une réflexion cosmologique autour des anciennes civilisations (les Sumériens, par exemple), et pour certaines inspirées de traités de magie rituelle, voient leur sens renforcé par des mélodies envoûtantes. Les riffs de Dagon, qui regorgent d'arpèges dissonants, ont vraiment ce caractère captivant et dense qui nous fait entrer dans une sorte de transe, peu de groupes me font cet effet là à ce point, et pour le coup, je trouve que les compositions de cet album se révèlent bien plus homogènes que ce que le groupe avait proposé dans ses précédents chefs d'oeuvre. 'Where Darkness Is Lord and Death the Beginning' est un bon avant-goût de ce à quoi l'album ressemble, avant bien sûr de l'écouter dans son intégralité. Une bonne introduction pour être possédé par le Démon une bonne fois pour toutes !
Krohm - "A World Through Dead Eyes" (Album, 2004)
Malsain et étouffant, c'est ce qui décrit le mieux l'atmosphère du premier album de ce one-man-band qu'est Krohm. Le musicien nous fait subir un univers morne, empli de tristesse, avec des passages des plus inquiétants et sinistres. Au final, la musique de Numinas, lente et monotone, colle à merveille avec le titre donné à l'oeuvre.
Tout est agencé pour que nous ayons cette impression, ou la confirmation cauchemardesque de ne jamais faire partie du monde, de ressentir une impression d'étrangeté à chaque parole et chaque action, recrachant cette rancoeur à la face d'un monde glacial et insensible. On vous laisse avec ces mots, l'album fera le reste du travail pour vous faire vivre cette expérience des plus traumatisantes.
Ash Borer - "Cold of Ages" (Album, 2012)
Ash Borer, une référence du Black Metal d'aujourd'hui! Depuis 2008, le groupe a pondu deux albums et le troisième, "The Irrepassable Gate", ne saurait tarder à l'heure où nous écrivons cet article. Avec ce second opus baptisé "Cold of Ages", le quartette propose un Black Metal cru, lugubre et atmosphérique, parfois progressif, renforcé par le côté hypnotique et horrifique des claviers qui restent par ailleurs assez discrets. Les vocaux, lointains dans le mix, renforcent cette impression de perdition.
On ne reniera pas les touches progressives qui sont bien mises en avant dans le dernier morceau, 'Removed Forms', un titre qui porte bien son nom tant il nous fait voyager et nous perd dans les méandres de sa structure complexe. Ces quatre longues compositions combinent passages furieux et ambiants avec une aisance déconcertante. Très riche, cette oeuvre ne laissera aucun auditeur indifférent.
Absu - "The Third Storm of Cythrául" (Album, 1997)
Les Texans d'Absu sont une valeur sûre dans la mouvance du Black/Thrash. Proposant une musique survitaminée, sauvage et brutale, le groupe fait montre des ses influences Thrash old-school, mais la subtilité des ambiances et des arrangements range cet album à part dans le panthéon du sous-genre. Leur batteur/vocaliste, en la personne Proscriptor, maîtrise ses deux rôles à la perfection, tout en frénésie et à une vitesse folle.
Cet album énergique dégage des atmosphères occultes qu'on peut trouver rares dans le Black/Thrash , grâce à l'utilisation de synthétiseurs, de gongs et de cloches, et de choeurs incantatoires, qui se révèlent discrets pour ne pas non plus dénaturer la violence et le côté brute de décoffrage inhérentes au style et à ses codes. Les intermèdes acoustiques, très travaillés, provoquent en nous un sentiment épique et onirique qui rend cette oeuvre incroyablement riche. L'intensité de ce troisième opus auquel succèdera le non moins fabuleux "Tara" est son attrait principal, ravira les auditeurs en quête de sensations fortes.
Obsequiae - "Aria of Vernal Tombs" (Album , 2015)
Un groupe de Medieval Black Metal, genre assez peu développé aux Etats-Unis et qui fait preuve d'un onirisme à toute épreuve dans ce second album d'une finesse et d'une sensibilité qui résisteront à l'épreuve du temps, telles les vieilles pierres des églises en ruine qui nous contemplent depuis des siècles. Le fait que ce genre de site soit absent du sol des États-Unis provoque une inspiration propice à la rêverie et au fantasme d'une ère révolue.
L'apport de la harpe médiévale donne à cet opus sa douceur et nous abreuve de mélodies addictives et poignantes. Il s'agit globalement d'un sans-faute, même si on pourrait lui reprocher certaines longueurs dispensables. À la fois délicate et majestueuse, cette musique diffère grandement du contenu du premier album, qui était plus Metal dans l'approche. Ici, le côté folklorique est davantage mis en évidence, ce qui rebutera certains fans de la première heure et ravira ceux qui se plaisent à se noyer dans un passé idéalisé.
Judas Iscariot - "Heaven in Flames" (Album, 2000)
Judas Iscariot, un one-man-band légendaire dans le paysage Black Metal américain, qui s'est illustré par des albums au son cru et primitif, dans la veine de la seconde vague norvégienne (l'influence de Darkthrone est pour le coup extrêmement audible) et finlandaise dans une certaine mesure. Avec ce cinquième et avant-dernier album paru en 2000 (Akhenaten ayant annoncé la fin du projet en 2002), le musicien innove tout en gardant les éléments qui ont fait son identité et défini son univers: une musique qui inspire le déclin, la ruine, la dépression, la vacuité, transcendant notre esprit insignifiant en un esprit misanthrope.
La tristesse et la froideur qui se dégagent de ses riffs acquièrent ici une nouvelle dimension, avec un caractère léger qui transparait ici et là, comme dans le fameux 'From Hateful Visions'. Les vocaux crus et écorchés d'Akhenaten contrastent avec cette apparente légèreté, qui rend l'ambiance encore plus macabre et inquiétante. On sent un concentré de haine qui peine à s'exprimer mais se diffuse quand même en musique avec une frénésie et un génie indéniables. Les claviers apportent à l'oeuvre sa dose de mysticisme et d'émotions négatives, sublimant cet art fascinant et mortifère. Les passages mid-tempo rendent particulièrement bien sur cet album, et on sent que l'artiste a cru bon de prendre son temps pour déployer toute son imagination au service d'une progression tragique qui finit dans un ciel étoilé et calme, épuré de toute présence humaine, en un instrumental bouleversant.
Weakling - "Dead As Dreams" (Album, 2000)
C'est un euphémisme qu'affirmer que le seul et unique album des Californiens de Weakling m'a totalement traumatisé et accablé la première fois que j'y ai jeté une oreille. Dans son genre, "Dead As Dreams" est une véritable punition pour votre âme qui finira par se complaire dans une noirceur abyssale, inextricable et surtout, épaisse et étouffante, comme si on vous coulait dans du béton et que vous vous entendiez de l'intérieur, criant de désespoir et de douleur. Sauf que c'est les affres que subissent l'âme qui sont décrites et suggérées dans cette oeuvre typique du terroir californien, aux côtés de Xasthur et Leviathan, les patrons de la musique neurasthénique pour l'un, névrotique pour l'autre. Weakling combine les deux à la fois. Les plages de synthétiseurs sont là pour apporter à la musique sa dimension spectrale, tandis que les vocaux burzumiens expriment une haine et une souffrance qui défient les lois de l'entendement. Le morceau d'ouverture, 'Cut Their Grain and Place Fire Therein', donnera une idée de ce périlleux périple au sein d'un esprit victime d'un mal incurable.
Krieg - "The Black House" (Album, 2004)
Krieg, une sorte d’ovni sur la scène US. Présent depuis la moitié des années 90 lorsqu’il s’appelait encore Imperial, le groupe aura su exploiter différentes facettes du Black Metal dans son approche, avec un fil d’Ariane qui aura toujours été présent, la destruction. Ça se ressent tant de la musique que dans les atmosphères du groupe. Cet album réunit un panel non négligeable de ce qui définit Krieg, mélancolie, violence, un son rugueux, de la rage. Quarante minutes de furie pure, qui se verront agrémentées de passages plus calmes, offrant comme une accalmie dans ce déchainement de haine., notamment avec la piste « Without Light » vous laissant pendant un court instant reprendre vos esprits pour mieux vous détruire par la suite. Des riffs incisifs, joués en boucle, piégeant l’auditeur dans une musique frénétique, et que dire de ce chant, l’apogée de ce qu’a pu nous offrir Imperial. Et ce titre ‘Fallen Princes Of Sightless Visions’… juste une œuvre d’art. Vraiment rien n’est à jeter dans cet album. Mention spéciale au titre ‘Venus in Fur’ du légendaire groupe Velvet Underground, mes préférés restants 'Destruction Ritual' et 'Patrick Bateman', mais j’estime les auditeurs trop sensible pour pouvoir en apprécier toutes les subtilités, mais au cas où, allez y jeter une oreille. Mais toute la discographie est à écouter tant chaque album marque une évolution d’une sortie à l‘autre.
Atrum Cultus (AC//13)
Faisons un détour, pour nous concentrer sur un petit groupuscule nord américain qui, même si il comporte des membres relativement connus désormais, reste dans l'ombre. Cette « association musicale » nommée AC//13 (AC pour Atrum Cultus, ou Costume Noir en latin) regroupe cinq - et bientôt six – groupes actifs. Si l'on se base sur les modèles existants en matière de groupuscule (avec par exemple la Church Of Ra), il y a toujours cette patte commune aux groupes, que ce soit à travers l'idéologie, ou bien musicalement. C'est ce que je tenterai de faire ici, en examinant les productions de chacun des groupes (sauf Raven Mocker dont je ne reparlerai pas, étant donné que c'est un projet de Funeral Doom), tout en essayant d'être assez bref pour vous laisser la joie de fouiller un petit peu.
Commençons par le plus connu, le plus gros morceau. Young And In The Way a fait sacrément parler de lui, notamment pour son dernier opus « When Life Comes To Death » qui est (pour moi en tout cas) l'album modèle du style. Parce que oui, avant cet opus, YAITW pratiquait une sorte de Black Grind un peu Hardcore/Crust bien rutilant, gras et très sombre. « When Life Comes To Death » c'est un peu l'accomplissement de leur discographie, un blend parfait entre le son gras et obscène du Crust et l’ésotérisme sauvage du Black Metal. Créant ainsi ce genre bâtard nommé « Blackened Crust », les américains nous délivrent un skeud monstrueux, peignant un mysticisme « satanique » sale et à la fois très vicié. Sur cette musique chaotique vient un chanteur possédé débitant des textes tous plus nihilistes et noirs les uns que les autres. L'album comporte même de très belles parties éthérées à la sauce DSBM, avec des textes encore une fois vraiment parfaits. Je n'en dirais pas plus, car si vous ne le connaissez pas déjà, il est URGENT d'écouter encore et encore cet album tant c'est un « game breaker » parfait.
Bon alors ici, c'est les mêmes gus que dans YAITW. On ajoute juste un nouveau chanteur (avec une voix et un talent quasi similaire à celui de Kable Lyall, le chanteur de YAITW qui fait ici la basse), pour faire un truc encore plus violent que le groupe précédent. Votnut n'a sorti jusqu'ici qu'un EP éponyme en 2012, avec une recette simple mais diablement efficace. Étiquetés comme Grindcore, les quatre musiciens œuvrent dans un Grind Black aux relents hardcore et crust solides. D'ailleurs, leur éponyme n'est rien d'autre que six titres (pour neuf minutes) d'une violence imparable, qui ne laissent aucun moment de répit. Des riffs rutilants aux parties Grind/Black blastées ultra-violentes, on passe neuf minutes dans un rouleau compresseur toujours affublé de cette touche nihiliste propre à AC//13. On est proche de la musique d'un YAITW, mais le côté succinct et « je pack toute la violence en très peu de temps » ajoute à Votnut une ambiance bien moins mélancolique que l'autre formation. L'élément qui m'a le plus marqué sur cet opus est l'espèce de break apocalyptico-chaotique (quel vilain néologisme) bien Crust de « World We Kill », ou la seule envie que t'as c'est de fracasser ton voisin à grand coup de marteau. Somme toute, c'est le nihilisme poussé de AC//13 amené à son maximum de violence.
Worsen
- "Blood" (EP, 2014)
Le cas de Worsen est différent de celui de Votnut où l'on voyait clairement la liaison entre les deux formations. Ce One-Man Band tenu par Rick Contes (Young And In The Way, Ayr) est un projet de Black Atmosphérique très, très sombre. La marque AC//13 ne loupe évidemment pas, l'EP « Blood » sorti en 2014 est affublé d'un logo en rune (chaque groupe possède la sienne, à l'exception de Ayr) et d'une esthétique mystique et épurée. Musicalement c'est un Black parfois très ambiant et parfois très bourrin, aux solides touches Crust, mais aussi avec des blasts très solides. On conserve la noirceur et le nihilisme des textes qui vient évidemment noircir le tout. Aux longues parties violentes et dissonantes succèdent les riffs gras d'un crust très sombre, avec une fois de plus ce côté si mélancolique et presque fataliste qui ressort. Il vous suffira d'une seule écoute pour entrer dans les quatre titres (c'est vraiment pas assez pour une telle dose de noirceur), car "Blood" est - tout comme l'album dont nous avons parlé précédemment - d'une sincérité et d'une conviction étonnante. Worsen a sorti cette année un split avec Whitewurm, où l'on peut constater des changements en nombre dans la musique du OMB. Plus mélancolique, voire DSBM, on a oublié le côté crusty pour toujours plus de noirceur dans un seul long titre de 13min20. Avec un énorme travail sur les voix et les mélodies, Worsen prend une tournure particulière et plutôt inattendue, c'est donc avec impatience que j’attends leur prochaine sortie.
« Last but not least », Ayr. Le trio (avec deux membres de YAITW/Votnut et un inconnu au synthé) est lui beaucoup plus porté sur un Black Ambiant super mélancolique, avec des tracks vraiment psychédéliques. Je parlerais majoritairement de leur dernier EP en date, « Nothing Left To Give », même s'ils ont sorti deux excellents EP avant celui là, ça reste pour moi le meilleur. Si je devais décrire simplement et rapidement la musique d'Ayr, je vous dirais surement que c'est un Leviathan en moins malsain. Les trois Américains nous font un mélange entre du Doom (avec les grosses nappes de synthé à l'arrière) et du Black Metal lent et super mélancolique, avec notamment des accords post black de ci de là. C'est sombre et plein de brume, avec des textes brefs mais précis, toujours teintés de ce nihilisme propre au groupuscule. Je retiens surtout la track « Hallucination » pour ses 4min40 d'une musique caverneuse mais envoûtante et hypnotique, le genre de morceau qui fait plaisir à voir sur un album de cette trempe. Cet EP a un côté très conceptuel, chaque musique représentant une phase précise de la mort naturelle, de « Thirst » au dernier et ultime « Expiration ». Chaque titre aura donc son ambiance personnelle, entre un « Starvation » très énervé (parsemé de riffs dissonants et de blasts percutants bien qu'étouffés dans la) ou bien un « Hallucination » désespérément ambiant, « Nothing Left To Give » est une sorte de voyage morbide très bien orchestré.
C'est en arrivant au bout de ces quatre mini-chroniques que je me rend compte du fil rouge dans la musique d'Atrum Cultus. Les quatre ou cinq membres permanents déclinent un nihilisme misanthropique à toute les sauces, du plus extrême (Votnut, vous l'aurez deviné) au plus calme et spirituel (Ayr), mais avec une dose de mélancolie fataliste bien prononcée. Le groupuscule obscur et très discret de Caroline du Nord fait malgré tout parler de lui, avec un nombre de (très bonnes) sorties important, et certains groupes relativement connus. Le concept derrière cet ensemble de musiciens est plus profond qu'une simple alliance musicale, tant les croyances aussi bien philosophiques que spirituelles sont fortes et intenses dans la musique d'AC//13. Avec un nouveau groupe dans son roster, il semblerait que les quelques grimmés du Nord soient encore plus productifs, malgré un Ayr « On hold », autrement dit inactif pour l'instant. L'avenir nous en dira plus, mais il sera sans aucun doute prometteur pour l'Atrum Cultus.
"We are not many, but few.
We are not strong, but weak.
We Are Nothing.
We are not constant,
but transient & built for decay."
AC//13, Origins In Descent.
Les USA ne sont pas non plus en reste niveau label, avec Daemon Worship Productions, Fallen Empire, Hell’s headbangers ou bien encore Nuclear War Now. Les deux premiers sont certes les plus récents mais ont un impact considérable sur la scène mondiale, se démarquant en offrant un Black Metal aux facettes différentes, plus occultes et éthérées, tandis que les deux suivants sont présents sur la scène depuis bien plus longtemps et offrent une imagerie plus traditionnelle et bestiale. Ils se complètent parfaitement pour offrir à la scène un vivier riche et de qualité incroyable. Ces labels restent des références absolues dans le domaine du Black Metal, tant par la qualité de leur support que par la qualité des groupes offerts. Pas forcément le pays dans lequel on aurait pensé retrouver autant de qualité du fait de l’histoire du Black Metal, mais assurément des labels chez qui vous pouvez aller vous fournir les yeux fermés ! Comme quoi quand on se donne les moyens et qu’on s’investit à fond, peu importe les barrières, on peut faire aboutir les projets.
Pour compléter cet article, voici un lien vers notre huitième focus sur le Black Twilight Circle, un collectif identitaire mexica localisé en Californie !
Et si jamais vous êtes en vacances aux States au moment propice, n'oubliez pas de faire au saut au Maryland Deathfest, qui comme chaque année propose des affiches éclectiques dans le registre du Metal extrême :
Voilà, on ferme la boucle de ce douzième focus dédié au Black Metal des Etats-Unis, en espérant avoir convaincu nos lecteurs de sa richesse et de son intérêt. Un grand merci à Alice pour l'illustration!
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KhxS - T. - DopeLord
Illustration: N.M.
Illustration: N.M.
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