Live Report - Ragnard Rock Festival 2016 - Jour 2


Samedi 23 juillet, deuxième journée du Ragnard ROCK, jour maudit des dieux s'il en est. Jour où devait passer Tengger Cavalry, groupe qui avait motivé mon déplacement, mais aussi jour de l'annulation de The Moon and the Nightspirit. C'est la désagréable impression de s'être levé et d'être là pour rien qui envahit mon être à l'instant où je lis le mot scotché sur la Heim Stage. Pas plus d'informations, juste la frustration. Acus Vacuum ne m'aillant pas convaincu la veille et n'étant que peu d'humeur à les revoir, nous nous partageons les groupes à couvrir avec T., nos ressentis personnels permettant de vous proposer un report plus complet. C'est ce dernier qui ouvrira la journée de ses mots, puisqu' Allobrogia n'étant pas du tout un groupe qui pique ma curiosité.

Relire : Warm-up | Jour 1 | Jour 3 



T. : Mon premier concert de la journée sera sous le signe du peuple gaulois des Allobroges avec une performance de Black Metal pagan signée Allobrogia, un quintette qui nous vient de la cité des Ducs, Chambéry. Le groupe, qui a sorti son nouvel album “Sonnocingos” (La Marche du Soleil) en avril dernier chez Asgard Hass, met en avant ses ambiances épiques, parfois mystiques, ainsi qu’un chant qui fait leur identité. Ce dernier, scandé dans une langue locale, l’Arpitan, témoigne de la volonté de faire la promotion d’une culture menacée d’oubli, ce qui s’inscrit parfaitement dans la démarche de ce genre de festival. Les paroles relatent l’histoire ancienne de la Savoie, tout en mettant en valeur l’esprit païen qui s’en dégage, ce qui se ressent durant le set des Chambériens. Des choeurs vindicatifs et des riffs saccadés ou arpégés inspirent grandeur et fierté. En début d’après-midi, ce genre de Black Metal fait bon effet et motive un public écrasé de soleil. Je retrouve effectivement les éléments qui m’avaient séduit à l’écoute des offrandes studio des Savoyards : l’âpreté du son, les leads mélodiques, la puissance des riffs, tous les ingrédients sont là pour nous plonger dans une atmosphère guerrière après avoir assisté aux joutes vikings du village médiéval.



S'appeler Griffon à 15:35 en ce samedi, c'est ouvrir ma journée de concert après de nombreuses déconvenues, dont l'annulation d'un groupe qui me tenais plus qu'à cœur. C'est aussi souffrir de la comparaison avec l'EP et l'album acheté il y a peu et grandement apprécié. Au final j'en attends beaucoup dès le début de leur prestation. Et bien j'ai pas été déçu, les parisiens ensanglantés proposent un concert puissant. Les compositions s'enchaînent avec fluidité et sans fioriture. Ils délivrent un Black Metal bestial mais mélodique, sans pour autant délaisser les parties plus atmosphériques. Bien qu'assez statique, Aharon – frontman de la formation – fait vivre la prestation et apporte une réelle présence, nous évitant l'impression d'avoir affaire juste à une interprétation basique de l'album. C'était ma principal crainte, bien vite oubliée pour apprécier passer au dessus des déception des débuts de journée. 









C'est au tour des celtes argentins de Skiltron de monter sur la scène de Thor. Mélangeant la musique folklorique celte et le Power Metal, le groupe doit convaincre un public bercé par les musiques sombres. Surprise totale, le groupe joue plus sur le côté Heavy Metal que réellement Power et offre un concert énergique et puissant, de quoi rapidement me convaincre. Les cornemuses raisonnent aux sons des guitares et nous font douter que l'Argentine ne fût jamais écossaise. Joyeux, festif et bon enfant, le groupe prend sa pleine mesure en live et trouve facilement sa place dans une affiche plus Black, comme un moment d’insouciance dans l'obscurité des anciennes divinités.








T. : Grai est l’une de mes principales découvertes du week end, puisqu’il s’agissait d’un groupe qui m’était totalement inconnu avant que je le voie fouler les planches de la Odin Stage. C’est une véritable raclée musicale que m’inflige le sextuor russe qui, à la manière des célèbres Arkona, incorpore ses influences slaves à son Folk Metal, sans pour autant atteindre sur scène le charisme de Masha en ce qui concerne la frontwoman. Les growls se mêlent au charme du chant féminin et, mine de rien, c'est une performance d’une énergie rare que délivrent les musiciens. Le concert se fait dans la joie tant du côté du public que des artistes. En osmose totale avec les spectateurs le groupe délivre ses hymnes folkloriques et festifs avec entrain. Les parties de flûtes deviennent hypnotiques tandis que la guitare tient un rôle aussi bien rythmique quand il s’agit de suivre ces mélodies, que lyrique dans les passages les plus véhéments. Les compos sont dynamiques, dansantes, joyeuses, parfaites à ce moment de la journée. De mon côté, j'ai hâte que la formation slave revienne se produire en nos contrées. Avec Arkona, pourquoi pas, tiens !







Forteresse, la surprise de cette seconde édition puisqu’ils ont remplacé au pied levé Tengger Cavalry. Ou comment être aussi déçu qu'heureux à l'annonce d'un remplaçant. Les drapeaux québécois, flottent et les chemise de bûcheron sont de sorties. Le froid canadien vient de s'abattre sur la THOR Stage. Le groupe délivre leur Metal Noir épique à la gloire de leurs terres et de leur histoire. C'est énergique et les morceaux plus violents de leur dernier album, « Thèmes pour la rébellion » sont plus que convaincants et se prêtent parfaitement aux conditions du live. Les titres plus ambiants ne sont pas en reste et font naître des moments de paix et de solitude au milieu de la foule. Les parties plus violentes galvanisent le public, plus enclin à prendre le mousquet et marcher sur les neiges québécoises. 

T. : Il va sans dire que l'annonce de Forteresse quelques semaines avant le début du festival était source d'une grande excitation pour moi qui suis un inconditionnel de Metal Noir québécois, tant en ce qui concerne les textes que la musique qui les anime. Et les fers de lance de cette scène ne m'ont pas déçu. Sans surprise, ils mettent en avant leur dernier album qui vient de sortir cette année, "Thèmes pour la Rébellion", qui a fait grand effet du côté de notre rédaction lors de sa parution. En concert, c'est la même magie qui nous ensorcelle, les Québécois sont venus faire la promotion de leur culture endémique sur le sol français et le public les accueille comme il se doit. Les nouveaux morceaux que sont 'Spectre de la Rébellion', 'Là où nous allons', ou 'Le Sang des héros' sont aussi frénétiques que poétiques et patriotiques. On se retrouve dans les affres la bataille de Saint-Eustache, résistant aux troupes britanniques aux côtés des insurgés. Un petit bémol cependant, un disfonctionnement technique de la guitare a eu raison de la justesse des lignes mélodiques en toute fin de concert, un demi-ton en-dessous du reste des instruments (de là où j'étais, ça sonnait de cette manière). Après ce merveilleux moment, j'attends le lendemain de pied ferme pour découvrir la prestation de Monarque!




C'est au tour de King of Asgard, d'honorer les dieux vikings. La formation suédoise monte sur scène et commence à délivrer un Death Metal épique, mélodique aux teintes parfois Black Metal. Leur prestation me rappelle celle que j'ai pu voir de la part d'Amon Amarth il y a quelques années, puissant et prenant en live. Musicalement rien d'original nous sommes face à un mélange d'Amon Amarth vielle période et d'Ensiferum. C'est du Death Metal, ça parle des vikings, on fait rapidement le tour mais ça reste efficace. À écouter assis dans l'herbe une bière à la main. 











T. : Khors est la deuxième horde ukrainienne de l’histoire du Ragnard Rock à fouler les planches du festival. Certes, scéniquement, le groupe dans lequel officie Jurgis est moins impressionnant que Nokturnal Mortum, mais musicalement, il m’aura plus marqué en live que la formation précitée, pour des raisons déjà expliquées dans le report de la journée précédente. En effet, le son se révèle plus authentique, et on discerne bien mieux le son des différents instruments. Par conséquent, on apprécie bien mieux la performance. Le Heathen Black Metal de Khors - qui porte le nom du dieu slave du Soleil - illumine le public de riffs catchy et de solos virtuoses, les interventions de Jurgis étant le véritable point fort du groupe, celui-ci ayant remplacé Helg avec succès voici plusieurs années. Parfois éthéré comme sur le dernier album de 2015, parfois lourd et puissant, l’art sombre des Ukrainiens fait mouche de par la finesse de ses mélodies élaborées. Bien que certains morceaux, du point de vue de leur structure, se ressemblent un peu trop et rendent le set légèrement répétitif, il s’agit là d’un très maigre défaut pour ma part puisque je ne me lasse jamais de ce genre d’atmosphère à la fois mélancolique et étincelante. Si cette critique peut paraitre dithyrambique, c’est parce que ce groupe, que j’attendais de pied ferme, est l’un de mes coups de coeur du week end, sans aucun doute. 





Voilà, on passe aux choses sérieuses. Graveland, entre polémique et attente irrésistible, est l'un des groupes qui a fait parler le plus dans cette seconde édition. Rob Darken s'avance, tambour en main et commence à taper dessus frénétiquement : c'est le début des hostilités, avec des costumes traditionnels sur scène. On remarque directement que c'est le frontman qui tient la prestation à lui tout seul, les musiciens ne sont que de session et s'effacent au profit de ce dernier. La setlist est concentrée sur les compositions vikings du musicien, mais ont une énergie bien Black Metal sur scène tant dans le ressenti que dans la façon dont elles sont interprétées. Nous avons même droit à un cracheur de feu sur scène. Folklore polonais et Black Metal sur la même scène, de quoi ravir un public conquis. Le jeu de lumière retranscrit une atmosphère assez intimiste, sans extravagance et appuie bien la démarche personnelle que l'on découvre sur album. Un face à face avec l'esprit qui anime Graveland. Même si Rob est accompagné, sur scène il demeure le principal acteur, ce qui favorise cette impression viscérale.  



Changement d'ambiance avec Heidevolk. Les néerlandais viennent nous conter des légendes vikings. Oubliez la noirceur de Hel, Heidevolk illumine la nuit de rythmes et d'hymnes festifs. Tous les musiciens occupent la scène et bougent en cœur avec le public. Ils rallument les feux et pénètrent les abîmes qui se sont levés avec Graveland. De quoi profiter de la lumière autant que des ténèbres nordiques. C'est assez compliqué d'écrire sur Heidevolk tant c'était un concert qui se vivait, certains au milieu de la foule d'autre contemplant les étoiles allongé dans l'herbes. Pour ma part je faisait partie des seconds, profitant de ce voyage porté par un double chant galvanisant. Les ambiances du groupe chantées dans leur langue natale nous transportent sur les terres gueldroises où renaissesnt autour du feu les anciens dieux. 










Bon, voilà la plus grosse claque de toute cette édition, Moonsorrow. Un concert des finlandais, c'est une ode, unique et monolitique. Leur démarche quasiment progressive dans la composition de leurs morceaux sied à merveille aux concerts. Le groupe nous prend avec lui, nous porte dans les tumultes de légendes millénaires. Violence, douceur et mélancolie se mélangent avec une alchimie singulière sous le ciel étoilé. Les chœurs s’élèvent la nuit et la lumière bleutée peignent une aura surréaliste à l'atmosphère du concert. Que dire sinon que Moonsorrow est autant une expérience à vire en live qu'en CD, prenant une ampleur nouvelle pour ceux qui savent se laisser aller dans les méandres d'un onirisme tout scandinave. 




T. : Je suis d'accord avec Morgan, il s'agissait de la seconde fois que je voyais Moonsorrow en concert, suite au Cernunnos Pagan Fest de 2015, et décidemment, le groupe des cousins Sorvali est une véritable légende, sans exagération. Cette fois-ci, les Finlandais sont de retour avec leur nouvel album sorti en avril, mais ne s'arrête pas à la promotion de ce dernier, un petit retour aux sources qui m'avait fortement convaincu sans pour autant me subjuguer autant qu'un "Kivenkantaja". En live, ces nouveaux morceaux sont redoutablement efficace, je le concède, en particulier 'Suden Tunti' qui a fait l'objet de leur premier clip. C'est simple, les musiciens scandinaves sont aussi monstrueux sur scène que ne le sont leurs créations studio. C'est une expérience encore plus mémorable lorsqu'on est en plein air, en fin de soirée, et qu'on entend des titres légendaires comme l'épique 'Jotunheim' ou le contemplatif 'Rauniollia'. Aucun regret en ce qui concerne la setlist, il y avait tellement de morceaux qui auraient mérité de se retrouver dans la sélection qu'on se console de certaines absences. Les morceaux de Moonsorrow sont tellement longs et tellement travaillés... ils ne peuvent pas tout jouer (même si on aimerait...) ! Un ultime morceau, 'Sankaritarina', et on continue à entonner les refrains mélodiques jusqu'au camping. C'est pour ces moments là qu'on aime le Ragnard Rock, au final, un grand merci à la Compagnie d'Edoras et aux groupes pour permettre aux festivaliers de vivre de tels instants. 




Revenons sur cette deuxième journée et parlons rapidement de Percival. N'aillant pu assister à tout leur concert j'ai quand même eu la chance de voir une partie de leurs reprises de la bande-son du jeu The Witcher, de quoi changer des reprises du thème de Game of Thrones. Étant un grand fan de la série littéraire et de sa version jeu vidéo j'ai été déçu de l'horaire de passage peu de temps avant Graveland. Parlons encore de ces derniers et des polémiques, j'étais devant la scène, ne faisant pas vraiment attention à la masse qui m'entoure je n'ai pas vu les fameux saluts nazis, mais je ne doute pas qu'ils aient eu lieu. Soyons honnête on s'attend très bien au public que des groupes comme Graveland ou Nokturnal Mortum attirent. Venir au Ragnard Rock avec une telle affiche puis hurler au scandale c'est se fourvoyer sur les groupes qu'on va voir. Nous ne sommes pas ici pour parler politique, mais il est nécessaire d'être honnête avec soit même, soit ne pas y aller, soit passer outre, ou encore accepter et arrêter d'être complaisant avec les faux semblants qui animent les partisans autant que les détracteurs d'une partie de la scène Metal extrême. Au final une journée en demi-teinte en ce qui concerne son début, complétée par T. qui fut à même d'apprécier des groupes hors de mon champ émotionnel. Les souvenirs de Moonsorrow berceront cette nuit.


Morgan, T.

Commentaires