Live Report | Ragnard Rock Festival 2016 - Jour 3


Dernier jour du Ragnard Rock, début des concerts à 13h avec Daemonia Nymphe... ou pas! Arrivés devant la scène, rien. Une vague impression de redite avec l'annulation de The Moon and the Nightspirit la veille. Mais c'est sans compter l'annonce des organisateurs qui nous apprennent qu'une partie des instruments à été perdue par la compagnie aérienne. Une attente de trente minutes est annoncée le temps qu'ils soient rapatriés en urgence. Trente minutes puis une heure s'écoulent et on voit arriver les musiciens, ils se déplacent sur scène sans rien dire ou faire. Une heure et trente minutes s'écoulent et ils commencent les balances, puis mettent des décors de scène. On se demande si après autant d'attente c'était vraiment utile et si la balance des instruments déjà sur place avait pu être faite avant, pour gagner du temps. 

Relire : Warm-up | Jour 1 | Jour 2






15h00 : alors que je voulais voir également Azziard, Daemonia Nymphe commence enfin. Musicalement très éthérés les morceaux s'enchaînent avec douceur, les danseuses cherchent à renforcer les effets de volupté de la musique. Sur album c’est un groupe qui a su me prendre aux tripes, et m'offrir une douceur rare avec leur instrumentation folklorique. Est-que c'est le retard, la chaleur, le soleil – le groupe se prêtant plus aux ambiances nocturnes – ou que sais-je encore mais l'alchimie n’opérera pas. Après quarante minutes de concert – soit plus d'attente qu'autre chose – la chanteuse demande s'il est possible de baisser le son de la ODIN Stage, humour ou pas quand on voit plus de deux heures de retard au compteur, c'est ce qui me décide à aller voir Sangdragon que je ne voulais pas rater, Daemonia Nymphe étant la pire déception de ce festival.



C'est donc Sangdragon qui aura pour rôle de m’immerger et de me remettre dans le festival. Pour les avoir déjà vus en salle il y a quelque temps mais aussi avoir chroniqué et interviewé Vincent le leader c'est donc en connaissance de cause que je vais voir le groupe, et avec confiance, après avoir raté quelques minutes du début à cause les raisons susnommées. J'arrive tout de même à me retrouver devant la scène car peu de monde a répondu présent à la prestation. Le groupe délivre tout de même une prestation puissante et énergique auquel le public répond avant tout autant hargne. Leur mélange Black Death symphonique, quoique classique, gagne en personnalité avec les nombreux chœurs présents sur scène. La prestation elle-même est une débauche médiévale avec une danse de l’épée et un cracheur de feu. À la foie guerrier et esthétique Sangdragon est un groupe qui prend sa pleine dimension dans ce genre de festival qui offre le cadre à leur inspiration issue de l'univers cinématographique et du jeu-vidéo. Comme tous leurs concerts ils finiront sur un morceau d'Akhenaton qui ravit les fans qui les ont découvert avec ce projet, fans dont je fais partie.



Découverts l'an dernier et directement dans mon TOP 10 des sorties, les loups italiens de Selvans étaient attendus. Déception, les instruments folkloriques sont une fois encore absent de la scène, il semblerait que l’appellation est surtout valable sur album et moins sur scène comme de plus en plus de groupes. Selvans pallie leur absence avec une prestation axée Black prenant le parti de limiter au maximum les samples pour ne pas dénaturer la prestation live et donner cette impression d'écouter l'album et ne pas avoir réellement l'impression d'assister à un concert – comme ce fut le cas de Nokturnal Mortum. Le groupe oublie un peu le côté atmosphérique de l'album et c'est un concert plus violent et puissant qui a lieu. Loin d'être déplaisant ce choix permet d'avoir une vraie découverte en live même lorsque l'album a tourné plus d'une fois. J'aurais aimé voir le chanteur avec le masque qui a marqué l'esthétique du groupe, mais ce dernier est resté accroupi dos à la scène avant de l’enlever, mais là c'est le coup cœur que j'ai eu pour l'objet qui parle, ça n'a rien changé à la prestation des Italiens qui nous raviront d'une reprise de 'Goat Horns' de Nokturnal Mortum.


T: N'ayant pu assister à la prestation de Percival le deuxième jour du festival, je ne pourrai pas le comparer à son pendant Metal, Percival Schuttenbach, qui s'est produit le dimanche sur la Odin Stage. D'abord éloigné de la scène puis intrigué par l'agitation des festivaliers massés devant cette dernière, je  me rapproche et prends la pleine mesure de la puissance de la musique des Polonais, qui dispose de tous les ingrédients pour fonctionner en live. Leur Folk Metal slave enrichi de plusieurs instruments dont un violoncelle électrique donne à la formation son grain d'originalité, mais ce qui m'a le plus impressionné et surpris, c'est la puissance des growls féminins de Joanna Lacher : j'étais loin de m'attendre à une telle démonstration technique. Ce spectacle énergique aura raison d'un public qui, bien qu'auparavant plongé dans une certaine torpeur, se montre très réceptif à cette musique à la fois festive et guerrière. 


Autre formation de québécoise mise à l'honneur cette année, Monarque, projet éponyme de son très charismatique frontman. Le groupe ne laisse aucune place au doute, chaleur ou pas le concert sera froid, les vents canadiens se lèvent sous les riffs sépulcraux et le lys noir. Monarque enchaîne les titres, à la fois mélancoliques et violents, c'est un paysage hivernal qui tombe en ce début de soirée sur l'Ain. On en vient a oublier la chaleur, le monde, pour se laisser prendre complètement par leurs hymnes hérétiques. Nous faire ressentir la solitude et la nuit alors que le soleil brille et qu'on est entouré de la foule est un exploit qui fera de Monarque l'un des concerts les plus marquants de la programmation Black Metal du festival. Ils auront rallié le public sous la bannière du lys noir.







Il est l'heure de (re)découvrir Rotting Christ en festival après les avoir vu eux aussi en salle il y a quelques années, avec la claque que ce fut à l'époque. Et que dire à part que ce concert fut juste excellent. Occulte à souhait, Rotting Christ nous offre une ode blasphématoire et diabolique. Loin de la violence, le groupe pose lourdement un Black à tendance Dark Metal, la voix devient un cantique aux forces infernales, prenant et hypnotique. Le concert ne semble n'en plus finir tant l’atmosphère nous a drapés et fait oublier le reste. Tout autant que la première fois que je les ai vus Rotting Christ savent ce qu'ils font et ils le font avec classe en l'honneur d'un Satan qui n'est jamais loin. Un groupe qui a su me marquer à chacune de leurs prestations, de leur empreinte si particulière ...


T : Månegarm, ce n’est pas un groupe qui me transcende sur CD, mais par curiosité j’ai assisté à toute leur prestation, frétillant déjà d’impatience pour le groupe suivant, ce qui n’est pas non plus une bonne manière d’apprécier pleinement ce concert. Sans nul doute, les musiciens de la terre froide de Suède font preuve d’un réel enthousiasme, mettant en avant les morceaux de leur nouvel album, éponyme, qui me convaincront moins que leurs titres plus anciens. Månegarm est un groupe pour ceux qui aiment chanter des refrains à l’unisson, une chope de bière à la main, et leur Viking Metal flamboyant et mélodieux a su se faire apprécier parmi les fidèles du genre, même si la fosse ne s’est pas pour autant transformée en champ de bataille. 
T : La horde de Folk Black Metal des Carpathes prend place sur la Odin Stage. Que dire, si ce n’est que Kroda représente le plus parfaitement ce qui me plait dans l’art sombre d’Ukraine? Des riffs aussi massifs que la musculature de son frontman, la rudesse des vocaux éraillés de dernier, un claviériste qui remplace aisément les instruments folkloriques utilisés sur les albums… on est scotché devant cette performance efficace, que j’ai trouvé particulièrement mystique. Les sombres forces des montagnes viennent se déchainer dans la vallée du Suran. L’identité païenne du combo se trouve mise en avant dans le décor scénique avec ces banderoles estampillées  “Die With Your God!” qui veulent tout dire quant à l’esprit qui anime les musiciens. 

La setlist s’est révélée exhaustive. c’est le moins que l’on puisse dire; naturellement, le groupe met à l’honneur son dernier-né “Ginnungagap Ginnungagaldr Ginnungakaos” paru en 2015, avant d’enchainer sur des titres d’albums plus anciens, nous offrant également une reprise de ‘Werwolf’ de Temnozor issue de son EP “Varulven”. Et, point d’orgue de ce show, une fantastique interprétation du légendaire ‘Jesus Dod’ de Burzum, totalement inespérée. Le Ragnard Rock nous aura gavés de moments inédits. 




T : Pour avoir déjà vu God Seed à plusieurs reprises, j'espérais que la setlist fût renouvelée avec des morceaux du nouveau projet de Gaahl, sobrement nommé Gaahl's Wyrd. Malheureusement, c'est un peu le contraire qui s'est passé avec cet éternel mélange de morceaux de ses anciens groupes que sont Gorgoroth, God Seed et Trelldom. Certes, le musicien norvégien est toujours aussi impressionnant sur scène avec la froideur et la gestuelle qui ont fait sa réputation, mais mis à part l'irruption de deux invités sur scène (Kati Ran de Leaf et Animae de Darkend) qui d'ailleurs n'ont pas apporté grand chose de sensationnel, je n'ai pas été grandement convaincu par ce concert et me suis un peu ennuyé, trouvant le set prévisible et sans surprise. Un concert un peu terne par rapport à mes expériences précédentes puisqu'il leur était sensiblement identique.






T : C'est privé d'une grande partie de son matériel de scène à cause d'une erreur de la compagnie aérienne (encore!!) que devra jouer Nargaroth, ultime tête d'affiche de cette deuxième édition du RRF. Étant donné qu'on m'a souvent dit beaucoup de mal de ce groupe pour son côté caricatural mais que je n'ai jamais détesté ses albums, je voulais me faire ma propre idée de ce que valaient les Teutons sur scène. 


Il est vrai que Nargaroth propose parfois des morceaux qui donneraient raison aux détracteurs du groupe, avec ce morceau d'ouverture nommé 'Black Metal Ist Krieg', ou encore 'The Day Burzum Killed Mayhem', des titres un peu "clichés" qui me laissent assez insensible au contraire de pièces plus travaillées comme le magnifique 'Sommer' issu de l'avant-dernier-né du combo, "Jahreszeiten" (2009). Sur le plan de la setlist, je suis donc déjà un peu partagé entre désintérêt et réel plaisir : rien qu'en raison du choix des morceaux proposés, le concert m'a paru inégal, mais ce n'est là que pure subjectivité. Ce qui est moins subjectif en revanche, c'est la manière dont le groupe se comporte sur scène, avec un frontman à l'état douteux (alcool?) qui délivre tantôt des discours sur son organe sexuel, tantôt des "conseils" pour sauver une Europe agonisante, un blabla sans consistance qui décrédibilise beaucoup cette prestation.

On est loin de la magie spirituelle de Graveland et Kroda, bienvenue au club des poseurs, et je pèse mes mots. La gestuelle un peu maladroite (la faute à la bibine?) et la négligence presqu'assumée d'Ash ne m'ont pas du tout plu, et c'est dommage quand on mesure le potentiel de sa conséquente discographie. 


EN BREF :

Morgan : Rotting Christ marquera la fin du festival au niveau musical pour ma part, les trois derniers groupes ne m’intéressant pas le moins du monde. Il est l'heure d'aller faire un dernier tour dans le village Viking, et assister au spectacle de feu qui clôturera ces quatre jours de festivité. Les danses de feu auront fini de me ravir avec leur poésie et leur onirisme, de quoi passer la fin de la soirée avec douceur, loin du tumulte des scènes. Un peu de repos et d'évasion à la lueur enchanteresse des flammes, et aux combats d'épées enflammées. Quatre jours c'est long, d'autant plus quand on est pas un aficionados des festivals. Loin des craintes des débuts le Ragnard Rock a de quoi continuer à marquer le paysages des festivals français tant pas son originalité que sa personnalité. Bien qu'ayant passé un excellent Festival avec des découvertes plus importantes que les déconvenues, il ne me ralliera certainement pas à la cause des pratiques festivalières et je ne passerai pas mon été à la tournée des grands ducs. On attend donc la prochaine édition sous le drapeau norvégien!

T. : Que retenir de ces quatre jours? Eh bien, cette deuxième édition du Ragnard Rock aura été encore une fois une expérience unique parmi les différents festivals proposés dans l'Hexagone, tant dans la démarche que l'affiche proposée. Bien sûr, l'organisation n'a pas toujours été au top, et on regrette toujours le concert raté de Nokturnal Mortum en ouverture du week end, mais pour le reste, cette édition a su tenir ses promesses, nous offrant des moments à la fois inédits et inoubliables (je pense à Monarque, Kroda, Moonsorrow...). Le Ragnard Rock rend désormais possible un véritable apport  autant musical que culturel, c'est en tout cas ce qui fait sa force et son intérêt. Sur ce plan, d'énormes progrès se sont fait sentir cette année. 

Morgan, T.


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