Chronique | Atavisma - "Where Wolves Once Dwelled", 2014


Atavisma - "Where Wolves Once Dwelled" (Demo, 2014)

Tracklist

1. The Savage One
2. Forsaken
3. Where Wolves Once Dwelled
4. Nature's Warfare

Extrait en écoute



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"HOMO HOMINI LUPUS EST"
(Plaute, La Comédie des Ânes, 195 av. JC)



Avez-vous déjà entendu parler d'Atavisma? Il s'agit d'un duo francilien de Doom Death formé en 2013, qui n'a pas trainé en sortant sa première démo intitulée "Where Wolves Once Dwelled" en 2014. J'en avais découvert l'intégralité lors de la date organisée avec Suden Promotion en partenariat avec Scholomance le 14 décembre dernier, mais je n'avais pas été convaincu outre mesure, le show ayant été relativement redondant vers la fin. Mais ce premier effort studio paru chez Nihilistic Holocaust propose un Doom/Death vraiment intéressant, et la production est vraiment décente pour une démo. 

Comme la pochette le suggère, nous allons axer notre réflexion sur les loups. J''aime cet animal qui est peut-être le plus représentatif de ce que nous pourrions appeler la férocité, la bestialité, la cruauté, mais aussi la domination et le pouvoir qui font partie des thèmes abordés par le groupe. C'est en tout cas ce qu'on peut ressentir à l'écoute de la musique d'Atavisma.

Ma première impression vient de la voix, puissante et caverneuse, comme on peut logiquement s'y attendre de la part d'une formation plutôt typé Death old-school; cette hargne, cette détermination vocale est l'un des principaux points forts de la formation. Mais chez des groupes de la trempe d'Atavisma, donnant beaucoup d'importance aux paroles de leurs chansons, le sens de l'adjectif "caverneux" prend parfois autant de sens que la célèbre allégorie platonicienne. En effet, les hommes sont comme des loups féroces dont la puissance de volonté mène au désordre et à la ruine. Alors, quand un philosophe vient leur rendre visite pour les faire progresser un peu, ils s'en débarrassent très vite ou l'ignorent, pour se vautrer dans la fange sensible et matérielle, et la ruine… le règne des loups, redoutablement bien organisés, peut se perpétuer.  

Dans 'The Savage One', Homo Lupus s'attaque aux Amérindiens, qui sont aussi des Homo Lupi. C'est que l'homme est un loup futé… Il n'utilise pas ses crocs mais des bassines pleines de microbes tuberculeux, les bacilles, qu'il envoie sans scrupule aux populations martyrisées. Une thématique qui s'associe vraiment bien avec le côté à la fois crasseux, sinistre, mélancolique et rampant de la musique de ce duo francilien. Ma lecture de ce morceau serait tout simplement celle d'une domination culturelle et despotique de certains groupes d'individus sur d'autres, une vision d'une humanité décadente. Un jour, les hommes-loups sont nés et se sont installés une bonne fois pour toute. Ils ont colonisé les terres, les ont exploitées de manière outrancière, se sont massacrés entre eux et ont par la même soumis la nature à leurs lois arbitraires jusqu'à ce que celle-ci n'ait plus d'autres choix que d'accélérer la mutilation de leur âme et d'augmenter leurs souffrances. C'est ce qui se passe en ce moment avec les vagues de suicides, la pauvreté et les nouvelles guerres qui s'annoncent. Adieu, homo lupus qui ne regardait jamais son passé dans les yeux! Quand on a eu une frayeur pareille et qu'on a les moyens de se défendre, on sait ce qui est important: ne pas réitérer les erreurs passées, c'est d'abord en prendre conscience et donc savoir d'où l'on vient, afin que la route devienne plus droite; connaitre son passé sans toutefois l'idéaliser…

Les paroles d'Atavisma traitent donc de thèmes relatifs à l'humanité, à la nature, mais également à l'atavisme, théorie assez connue selon laquelle on peut retrouver dans nos gènes des caractères, des aptitudes, des qualités propres à un ou plusieurs de nos ancêtres qui avaient disparu depuis plusieurs générations… Je ne sais quoi penser de cette idée, mais celle-ci est indéniablement originale et spirituelle; elle est par ailleurs connectée à la réflexion des musiciens sur le passé et les temps anciens. Bref, vous l'aurez compris, ces deux artistes sont très cultivés et proposent des textes intéressants, en plus de composer des morceaux vraiment aboutis, ce qui, bien sûr, est loin d'être évident et demande une énorme quantité de travail. 

Sur le plan purement musical, des mélodies de lead guitare qui se répètent sont souvent incorporées dans un Death Old-School massif et lent. Cette identité du son d'Atavisma m'a énormément fait penser à un groupe de Black Metal américain de Pennsylvanie, Labyrinthine. Bien sûr, les deux formations n'ont rien à voir l'une avec l'autre, mais le jeu de guitare soliste du morceau éponyme de cette démo rappelle dans une certaine mesure celui d' 'Enshrined In Death', extrait de l'album "Ancient Obscurity" [2014], en écoute ci-dessous. Au niveau des riffs, on se retrouve avec quelque chose de plaisant et d'inspiré: Atavisma échappe au danger qui guette tout musicien se lançant dans le Doom Metal: ce n'est pas parce que c'est lent que c'est mou et chiant!! Réfractaires aux sous-genres dits "lents", foncez tête baissée, car Atavisma sait  varier les mélodies et les atmosphères, avec des petites concessions bien trouvées pour les oreilles sensibles, comme l'introduction acoustique du morceau éponyme, sans doute la meilleure des quatre compositions proposées dans cette démo, ou encore les quelques soli de guitare qui parsèment "When Wolves Once Dwelled".


env. 2:30/50


Que demander de mieux pour un jeune combo de Doom/Death Metal, que de se retrouver sur la même affiche qu'un groupe aussi immense qu'Ataraxie? C'est en tout cas ce qu'aura la chance de vivre  le 17 avril prochain Atavisma au Venom Fest. Il est clair que vu la qualité de sa première démo, ce duo n'a sûrement pas à rougir de ses premiers balbutiements et mérite amplement sa présence à l'évènement nantais qui les fera sans doute encore progresser. On arrive à la fin de cette chronique canine, et je termine en vous conseillant de vous procurer cette démo qui en vaut vraiment la peine, en plus d'être proposée à un prix décent.

N.B.: les musiciens ont récemment dévoilé 'Subterranean Life', un long morceau de 10 minutes extrait d'un split avec Maur, un groupe de Doom Death indonésien, intitulé "Buried in the Ethereal". Celui-ci, que nous attendons avec impatience, sortira au format cassette le 2 mars prochain via Atavism Records. Retrouvez le morceau en rejoignant le Bandcamp du groupe, dont le lien est disponible sous la photo des musiciens (ci-dessous).

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Tom



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