Chronique | Saor - "Aura", 2014


Saor - "Aura" (album, 2014)

Tracklist:

1. Children of the Mist
2. Aura
3. The Awakening
4. Farewell
5. Pillars of the Earth

Extrait en écoute:



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De tous les groupes de Black Metal atmosphérique écoutés tout le long de ma courte existence, Saor est sûrement l'un des plus marquants. En deux ans d'existence, d'abord connu sous le nom d'Àrsaidh,ce one-man-band écossais créé par Andy Marshall en 2012 a produit deux excellents opus, dont ce magistral album qu'est "Aura". Il faut déjà admirer une pochette splendide nous plongeant dans la brume des vallées verdoyantes d'Ecosse, instaurant d'emblée des ambiances folkloriques et celtiques. Si vous avez déjà admiré les montagnes brumeuses, les vertes prairies de cette contrée (en fait, elles sont peut-être plus luxuriantes que partout ailleurs), des moutons et de vieux cercles de pierres, alors vous savez de quoi je parle.

Si on peut étiqueter Saor comme du Black Metal atmosphérique, le son et les instruments utilisés nous incitent à le ranger aux côtés de quelques groupes de Folk/Black tels que ses voisins anglais de  Wodensthrone ou encore ses compatriotes de Falloch, groupe qu'Andy Marshall a co-fondé avec Scott McLean. Le résultat final rappelle vaguement des formations comme Nokturnal Mortum et Drudkh, en Europe de l'Est avec ses cordes frottés et sa section de bois… tout en se démarquant de ces deux formations majeures de la scène ukrainienne.

En bref, voilà un groupe d'Atmospheric Folk/Black Metal très inspiré de cette scène parfois intéressante mais malheureusement peu variée, souvent répétitive qui nous force à être un tant soit peu, sélectif… même si c'est en général plus recherché que les groupes de Folk festif et leurs chansons à boire. Point de thème semblable chez Saor qui ne tombe cependant pas dans un déjà-vu trop prévisible et apporte vraiment sa touche de personnalité et d'originalité, avec des sonorités aux frontières du Post-Rock, nous faisant ainsi, encore mieux saisir la contemplation d'une nature puissante, indomptable mais indéniablement libératrice.

Bien que les parties typées "Metal" soient, considérées en elles-mêmes, très prenantes, ce sont vraiment les autres instruments, plus folkloriques, ainsi que les parties de guitare acoustique, qui rendent cette musique grandiose et vraiment intéressante. "Aura" est vraiment très atmosphérique, mais il ne s'appuie pas sur des riffs ou des mouvements rythmiques percutants pour rendre sa musique vivante, et donne l'impression de couler comme une rivière tranquille. Cela fournit la couche de fond de ces cinq longs morceaux à multiples facettes, à laquelle Saor ajoute des mélodies simples mais non sans incidences, des mélodies portées par une variété d'instruments - guitare acoustique et électrique, flûtes, cordes synthétisées avec parfois quelques solos de violon, chorus…-.

Finalement, le schéma des compositions d'Andy Marshall, qui joue à fond sur les contrastes d'ambiance et de rythme, n'est pas si difficile à comprendre. Les motifs mélodiques sont répétés inlassablement, comme des refrains, étirés et remaniés tout le long des morceaux, repris de nombreuses fois par des parties instrumentales à chaque fois différentes. L'artiste les transforme à sa guise, c'est d'ailleurs ce que faisait Haydn au XVIII. siècle avec ses symphonies. Et j'ai envie de dire "tant mieux", vu le sens de la mélodie dont dispose Andy, qui a vraiment du talent dans ce domaine. Il n'y a rien de niais dans ce qu'il crée, danger principal lorsqu'on s'intéresse au Metal folklorique qui peut rapidement devenir… hum… chiant, lassant voire pénible. Saor, ce n'est pas du tout ça: avec ce groupe, on rentre vraiment dans un univers à la fois connu et étranger, le monde des légendes écossaises et de l'emprise de la nature sur le monde. L'image d'un homme en paix, avec les oiseaux qui chantent et les feuilles qui poussent, qui tombent, et qui repoussent. Bref, si vous cherchez le calme et la tranquillité, voilà l'album idéal, même si l'ensemble est parfois secoué par quelques moments de tempête auditive qui ne durent jamais bien longtemps.

Ne perdons pas non plus de vue les influences Post-Rock qui donnent un caractère aérien aux cinq chansons, en particulier sur les intros d' 'Aura' et de 'Farewell', et sur les passages au chant clair, qui apportent une richesse supplémentaire à cet album. Cela suggère l'immensité des espaces parcourus, en un mot la liberté. L'exaltation. Oui, c'est une musique exaltée, au sens propre. Saor te galvanise de sa musique passionnée, qui malgré certains passages typés 'Black', serait semblable à un velouté Bio. Au naturel, comme on dit. Tout s'écoule sans encombre, c'est ce que l'on pourrait appeler un art voluptueux.

Vous l'aurez compris, j'aime. Beaucoup. Peut-être pas passionnément. Mais j'apprécie énormément. "Aura" est l'une des perles que j'ajouterais volontiers à mon collier estampillé 2014. En espérant avoir permis de bonnes découvertes pour ceux qui nous lisent.

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Tom



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