
Ce que vous allez lire n’est pas vraiment une chronique à proprement parler, mais plutôt une rétrospective de la période 1986-1994, avec de courts avis sur chaque album, sans entrer dans le détail des morceaux. Je ne sais pas, je le sentais comme ça : c’est quasiment du premier jet, pas vraiment poli… mais quelque part, ça colle plutôt bien à l’esprit de Sodom !
L’énigme Sodom
De tous les groupes de la vague thrash 80s, Sodom est vraiment un des plus énigmatiques, et en même temps un des plus captivants. Leur discographie est pour le moins chaotique, sans trop de cohérence si ce n'est une fidélité sans faille à leurs racines hard/heavy/punk motörheado-tanko-venomesques, de sorte qu'en balayant leur carrière, on se demande parfois s'ils ne se sont pas volontairement sabotés tant ils ont souvent été à contre-temps de tout.1986 – Obsessed By Cruelty : l’accident cosmique
Dès 1986, alors que la plupart de leurs homologues aussi bien allemands qu'étasuniens signaient des classiques intemporels du genre, le trio de la Ruhr s'empêtrait dans des sessions bordéliques et accouchait d'un Obsessed By Cruelty boiteux et cradingue, loin derrière la qualité d'autres sorties pré-black/death comme Pleasure To Kill (Kreator), Morbid Visions (Sepultura) ou Under The Sign Of The Black Mark (Bathory), et ne parlons pas des Peace Sells (Megadeth), Master Of Puppets (Metallica) ou Reign In Blood (Slayer), c'est à peine si on est dans la même galaxie.
1987–1989 – La résurrection : Persecution Mania et Agent Orange
Fin 1986, l'arrivée du guitariste Frank Gosdzik et de Sa Majesté Harris Johns à la production a remis le groupe à l'endroit, ce qui a abouti à deux énormes classiques coup sur coup, Persecution Mania en 1987 et Agent Orange en 1989, deux disques tellement loin du marasme d’Obsessed By Cruelty qu'on croirait que 15 ans les séparent.Certes, le départ de Gosdzik pour Kreator en 1989, remplacé par Michael Hoffmann, a marqué la fin de cette époque, mais Sodom a parfaitement réagi dans la foulée en signant peut-être son meilleur album, un Better Off Dead toujours très thrash/speed, âpre mais avec une coloration plus hard rock ’n’ roll sur certains titres qui lui donnait un charme franchement irrésistible.
1992 – Tapping The Vein : retour au chaos
À partir de là, c'est à nouveau le bordel, et pourtant, par un procédé qui m'échappe, leurs albums fonctionnent toujours. Après le remplacement de Hoffmann par Andy Brings en 1990, Sodom retombe dans ses travers avec un Tapping The Vein (1992) qui sape pas mal des acquis des trois précédents albums pour revenir à un style clairement plus brutal et sauvage, inspiré par la récente émergence du death metal. Très critiqué, cet album est quand même sauvé par la prod toujours impeccable de "Kaiser" Johns et un entrain à toute épreuve qui rend chaque morceau ultra accrocheur malgré d'évidents défauts.1994 – Get What You Deserve : suicide artistique… qui marche quand même
Mais le sabotage ne s'arrête pas là ! En 1993, le groupe décide d'autoproduire son prochain album Get What You Deserve (sorti début 1994), et se passe donc des services de Johns. Qu'est-ce qui pourrait mal se passer ? Le côté death de "Tapping The Vein" s'estompe et laisse place à une sorte de thrash-punk sans queue ni tête, sans la moindre variation, et avec une prod immonde (qu'est-ce que je disais) qui laisse à peine entendre le vrombissement continu qui sert de riffs. ET POURTANT, ça fonctionne !Encore plus détesté que "Tapping The Vein", à juste titre, ce "Get What You Deserve" fait pâle figure à côté des sorties beaucoup plus maîtrisées et créatives des autres cadors du thrash à la même période (ceux qui ont survécu à la grande purge de 91-92 du moins), mais il sonne si spontané, si honnête, si authentique, que ses rythmiques bourrues, ses riffs bancals et ses braillements ursins se révèlent être hyper addictifs.
Encore aujourd'hui, je me demande si j'aime vraiment cet album, tant je le trouve affreusement mal foutu, et en même temps redoutablement efficace.
Épilogue – La force de Sodom : ne jamais suivre personne
Si Kreator est vite sorti de ce bordélisme typique des débuts du thrash allemand pour endosser le costume du maître incontesté du pays en la matière, Sodom est resté cette excroissance primitive de la NWOBHM, bravant les modes et traversant les âges en brinquebalant mais sans jamais tomber.Le groupe aurait pu enfoncer le clou et devenir une valeur sûre après Agent Orange et Better Off Dead. Il a choisi au contraire de faire n'importe quoi, mais en y croyant sincèrement. Grand bien lui en a pris : on serait passé à côté d'une des discographies les plus prodigieusement cabossées de l'histoire du metal sans cela !
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Auteur : Mohamed Kaseb
Image d'intro : Alcide Nathanaël

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