Chronique | UNLEASHED - Across The Open Sea (Album, 1993)

Unleashed - Across The Open Sea (Album, 1993)

Tracklist :

01. To Asgard We Fly - 03:54 
02. Open Wide - 03:11 
03. I Am God - 04:32 
04. The One Insane - 03:02 
05. Across The Open Sea - 02:45 
06. In The Northern Lands - 03:53 
07. Forever Goodbye (2045) - 02:27 
08. Execute Them All - 03:19 
09. Captured - 03:47 
10. Breaking The Law - Judas Priest cover - 02:13 
11. The General - 04:25

Streaming intégral :

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Le début des années 90 est marqué par l'émergence de la vague death metal suédoise, caractérisée par une plus forte composante hardcore/d-beat que les autres scènes phares du genre (floridienne ou néerlandaise notamment), ainsi qu'un son lourd et caverneux, développé dans les Sunlight Studios de Stockholm par le producteur Tomas Skogsberg, aux manettes sur les premiers albums d'Entombed, Grave, Dismember ou Merciless. Cependant, toute la Suède ne craque pas pour cet emblématique son "scie circulaire", certains groupes tels que Tiamat à partir de 1991, et surtout Unleashed, lui préférant un son plus clair. Pour ces groupes-là, la principale alternative s'appelle alors Waldemar Sorychta, producteur allemand basé aux Woodhouse Studios de Dortmund, et pouvant déjà se targuer d'un sacré palmarès à l'époque, tous genres confondus. C'est donc au cœur de la Ruhr qu'Unleashed a enregistré ses deux premiers albums, Where No Life Dwells en 1991 et Shadows In The Deep en 1992, devenus depuis des monuments du death suédois, dans un registre certes agressif et sombre, mais laissant paraître beaucoup plus de restes NWOBHM venomesque et punk hardcore que la moyenne des groupes du genre.

En 1993, les membres d'Unleashed décident cependant de s'éloigner du giron de Sorychta, en enregistrant leur prochain album dans leur ville d'origine, aux EMI Studios de Stockholm, et même en l'autoproduisant. Ce troisième album sort en 1993 sous le nom d’Across The Open Sea, et on remarque dès le premier coup d’œil sur la pochette que l'imagerie occulte typiquement death laisse place à un décor évoquant l'époque viking, le genre d'indice qui est rarement anodin. Cette impression est confirmée en jetant un œil aux titres de morceaux tels que To Asgard We Fly ou In The Northern Lands, qui indiquent un virage net vers des thèmes plus centrés sur la mythologie viking, un choix qui n'est pas sans rappeler celui effectué par les pères du metal extrême suédois, Bathory, au milieu de la décennie précédente.

En plus de ce tournant visuel et thématique, Across The Open Sea, du moins certains de ses morceaux, se distingue par ses côtés plus heavy, voire rock, à l'instar du Wolverine Blues d'Entombed sorti la même année. C'est particulièrement audible sur le "tube" The One Inside, véritable hymne death 'n' roll galvanisé par un riff redoutablement efficace et un entrain jamais entendu auparavant dans le répertoire du groupe. Autre sommet de l'album, Open Wide captive par ses riffs hypnotiques, son rythme lourd et plombant et les cris à la fois déchirants et presque épiques de Johnny Hedlund, un registre qu'on retrouve un peu plus loin sur le tout aussi excellent et presque Tiamat-esque Captured. Signalons également l'intermède acoustique Across The Open Sea, très empreint de folk scandinave, et confirmant la volonté du groupe d'intégrer, doucement mais sûrement, une imagerie viking à sa musique.

On retrouve cependant pas mal de titres plus ancrés dans le style des deux premiers albums, tels que To Asgard We Fly, I Am God ou Forever Goodbye, qui, sans atteindre la force de frappe des morceaux iconiques tels que Before The Creation Of Time ou A Life Beyond, parviennent à se montrer efficaces pour peu qu'on apprécie (comme c'est le cas de votre humble serviteur) ce type de death metal très Venom/Sodom-esque et punkisant. La seule véritable sortie de route de tout l'album est sans doute cette reprise de Breaking The Law de Judas Priest, une bonne idée sur le papier, cohérente avec l'orientation heavy caractéristique du disque, mais un peu bancale et mollassonne dans sa réalisation.

Critiqué à sa sortie aussi bien pour sa production que pour son orientation musicale, Across The Open Sea a pourtant plus d'un atout dans sa manche. Les touches doom et death 'n' roll apportées sur certains titres offrent un vrai renouveau à la formule Unleashed classique, sans non plus trop la bousculer. On peut certes reprocher à l'album une certaine linéarité à certains moments, mais le groupe se montre tout de même suffisamment captivant sur la durée pour ne jamais perdre son auditeur trop longtemps. L'introduction de thèmes inspirés de la mythologie viking n'a pas non plus tant bouleversé l'univers musical de la troupe, mais a contribué à forger son identité et celle de la scène suédoise en général, à une époque où ces références nordiques n'étaient pas aussi éculées qu'aujourd'hui.

Désormais pleinement émancipé de Waldemar Sorychta et des Woodhouse Studios, Unleashed ne bougera plus des EMI Studios de Stockholm jusqu'à la fin de la décennie, assumant la production de ses deux albums suivants, Victory en 1995, puis Warrior en 1997, malgré les critiques essuyées à la sortie d’Across The Open Sea. Ces albums seront suivis d'un silence de 5 ans qui ne sera rompu qu'en 2002 avec la sortie de Hell's Unleashed.

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Mohamed Kaseb

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