Chronique | LOTH - 616 (Album, 2023)

Loth - 616 (Album, 2023)

Tracklist :

01. La Douleur Tombée du Ciel - 05:08
02. La Vie Avant la Mort - 08:25
03. Ad Libitum - 06:59
04. S.E.U.M. - 10:57
05. Cœur Caligula - 09:45

Streaming intégral :

____________________________

Voici le troisième album du projet français Loth. Après deux albums coup sur coup, Loth (2016) puis Apocryphe (2017), Loth a décidé de se donner du temps pour ce troisième chapitre. Bien que sortant en 2023, l'album a été bouclé il y a déjà plus d'un an, mais cela ne change pas grand-chose au fait qu'ils se soient accordé ce temps. Si j'insiste sur cette idée dans ces premières lignes, ce n'est pas pour montrer que j'ai fait le b. a.-ba du chroniqueur en allant voir quand sont sortis les albums précédents (je les ai chroniqués, donc je m'en souviens assez bien). C'est surtout pour souligner le fait que je l'ai attendu (car j'adore ce projet), mais surtout mon étonnement sur plusieurs aspects de ce 616.

Loth a toujours innové, s'est toujours réinventé, de la version purement médiévale de "Douce dame jolie" de Guillaume de Machaut en introduction du second album à leurs concerts plus punk que black metal, les musiciens n'ont pas attendu le nombre des albums pour interroger leur identité musicale. Une identité musicale changeante. Ces deux albums, Loth et Apocryphe, se complétaient autant qu'ils se répondaient, pochette noire et blanche pour le premier, en couleur pour le second, mais toujours une forêt, toujours un black metal profondément enraciné dans des atmosphères naturelles. Alors, lorsque la pochette de 616 se dévoile, avec cette silhouette vaguement féminine, vaguement reconnaissable, vaguement abstraite, où la nature même de celle-ci reste à déterminer, cela m’intrigue et m’interroge : Est-ce une statue ? Si oui, d'une tombe ou simplement une statue qu'on trouverait dans n'importe quel musée local ? Une gravure ? Etc.

Le titre de l'album lui-même décide d'explorer une voie « autre » que celle tracée par la majorité des groupes de black metal. Délaissant la notoriété du nombre de la bête 666, Loth lui préfère le chiffre 616. Faisant ainsi référence aux manuscrits anciens de l'Apocalypse, où le nombre 616 est également mentionné comme une variation du nombre de la bête.

Un choix, symbolisé par ce non-choix du 666 au profit de 616 ? Un refus de Loth de s'inscrire dans un black metal traditionnel, sans pour autant renier son origine diabolique ? C'est en tout cas ce qu’inspire l'écoute de 616. Loth a fait un choix, celui de se plonger plus profondément dans ses racines punk, de faire de ce nouvel opus un reflet du Loth live et non plus du Loth studio. Pas de douce instruction acoustique comme sur Loth, eni de balade médiévale, c'est la violence et la souffrance qui nous accueillent avec "La douleur tombée du ciel", puis après de rares apaisements, "La vie avant la mort", avec plus toujours de vitesse et de fureur. Leur musique a toujours été violente, tel un maelström de désarroi fataliste qui nous emporte avec de légères accalmies grâce à la nature. Mais là où cette violence diffère, c'est la direction. Alors que sur les précédentes errances de Loth, il y avait cette violence romantique – au sens littéraire du terme, c'est-à-dire plutôt intériorisée – celle de 616 explose, comme un trop-plein. Cette explosion n'est pas dirigée contre un élément en particulier, c'est une explosion toute à la fois sublime et chaotique. Il faut attendre (le) "S.E.U.M." pour trouver un fragment de « calme » significatif, mais relatif. Le titre porte bien son acronyme (?) puisque le morceau se fait plus dépité, résigné sans oublier pour autant ce que nous avons souligné plus haut. Il illustre la relation au monde extérieur, Loth n'est (malheureusement) pas seul. Sa haine bien qu'informe, tumultueuse n'est pas confuse, elle est contre le monde, mais ce monde peut répondre. "S.E.U.M." est la réponse à cet échange avec le monde, et cette réponse est le dépit face à un monde qui ne change pas, même lorsqu'il doit répondre au chaos et à la violence, il ne nous reste qu'une longue mélancolie… Pour autant, il ne s'agit pas de la dernière réponse de Loth.
Face à cette mélancolie, ils ne retournent pas à leurs errances romantiques. Ils éveillent leur cœur, un cœur corrompu, fou, un "Cœur Caligula" qui viendra répandre destruction et mort sur le monde et qui clôture ce chapitre en reprenant l'atmosphère plus « calme » des précédents chapitres tout en gardant cette puissance punk désormais palpable, plus seulement en concert.

616, c'est entendre la nuit, les ténèbres briller d'une lueur noire destructrice.
____________________________
Morgan

Commentaires