Fin 1996, la scission entre Mark Greenway et Napalm Death est imminente. Se sentant de plus en plus en décalage avec la démarche artistique entreprise par ses comparses, le hurleur de Birmingham finit par être mis à la porte et trouve refuge auprès d'Extreme Noise Terror. Il sera remplacé par... Phil Vane de ces mêmes Extreme Noise Terror, un échange de vocaliste qui ne durera que quelques mois. Attristé par son expulsion, Greenway fournit tout de même une prestation de qualité sur Damage 381 avec ses camarades d'Ipswich, tandis que Vane échoue à donner satisfaction à Shane Embury qui le congédie début 1997. Greenway est donc réintégré avec le plus grand enthousiasme, cette période de rupture ayant permis d'éliminer les tensions entre lui et Embury. Si les 5 dernières années avaient été très stables pour Napalm Death en termes de mouvement de personnel, cette valse des vocalistes quelque peu tordue, bien que de courte durée, aurait pu replonger le groupe dans l'instabilité chronique qui le caractérisait durant la décennie 80, mais fort heureusement il n'en a rien été.
Tout ce petit monde fait donc son retour aux Framework Studios de Birmingham, les querelles temporairement au placard, pour enregistrer le successeur de Diatribes, qui sort en juin 1997 sous le nom d'Inside The Torn Apart. Colin Richardson étant toujours aux manettes, on peut s'attendre à la continuation du style groove/indus pratiqué sur le précédent disque.
Et cette continuation ne pouvait pas être affirmée plus clairement que par "Breed To Breathe", dont la rythmique et le riff d'ouverture ressemblent presque en tous points à "Greed Killing" qui ouvrait Diatribes. Auto-plagiat dénué d'intérêt ? Sûrement pas ! Ce titre est une vraie bombe et réussit à faire mieux que son homologue en termes de puissance, de groove et d'entrain. Et niveau riffs tranchants et rythmique de plomb, on est servi dans cet album avec "Birth In Regress", le très demanufacturien "Reflect On Conflict" ou "If Symptom Persist" dont certains riffs évoquent Becoming de Pantera. L'aspect plus aérien et hypnotique de Diatribes, partiellement présent sur les titres précédemment cités, prend encore plus d'ampleur sur des morceaux comme "Section", "Down In The Zero", "Indispose" ou "Purist Realist". Aux riffs dévastateurs et aux lignes vocales enragées s'ajoutent des sections mélodiques de très grande qualité, puisant dans les sonorités indus et post-punk des Killing Joke, Swans ou Head Of David mais d'une manière plus adaptée aux années 90. Ces intermèdes donnent ainsi une vraie profondeur aux morceaux, avec un talent et une finesse que le groupe n'avait jamais montrés jusqu'ici, bien que Diatribes ouvrait clairement la voie.
L'album ne tourne pas complètement le dos au passé du groupe pour autant. Ainsi, "Prelude" et "Lowpoint" renouent avec un style intermédiaire entre "Utopia Banished" et "Fear Emptiness Despair" par leur alliance de blasts survoltés et de passages mid-tempo tranchants, des décharges de puissance typiquement Napalm Death-iennes dont la rareté ne fait qu'amplifier l'efficacité. Au contraire, Inside The Torn Apart se démarque davantage des standards du groupe et semblerait presque sorti de Chaos A.D., ce qui ne l'empêche pas de baigner dans la même ambiance froide que le reste du disque. Enfin, en guise de conclusion, Napalm Death offre ce qui peut être considéré comme l'un de ses meilleurs titres jamais enregistrés, le somptueux "The Lifeless Alarm", sorte d'écho de "Cold Forgiveness" sur Diatribes. On y retrouve en effet cette intensité hypnotique, très killing-jokiène, ce rythme lent et ces mélodies lancinantes de toute beauté, tandis que les murmures gutturaux de Greenway rendent l'atmosphère plus envoûtante encore, un authentique bijou dont on ne se lasse pas !
Ayant parachevé sa démarche artistique sur Diatribes, Napalm Death se sublime et signe sans doute le meilleur album de sa carrière. Toujours aussi doué pour pondre des riffs taillés dans l'acier et des rythmiques dévastatrices, le groupe s'est découvert un talent pour les mélodies qu'il exploite à merveille, sans réellement perdre son identité puisque ces ambiances froides issues du post-punk font partie de ses racines, et quiconque a jeté une oreille à l'époque Justin Broadrick de 85-86 le sait bien.
Bien évidemment, ce juste équilibre de puissance, de groove et de mélodie ne sera pas du goût des oreilles les plus avides de sensations fortes qui accuseront Napalm Death d'avoir calmé sa hargne à des fins mercantiles. L'argument est cependant difficilement défendable quand on connaît l'histoire du groupe et la diversité de ses influences, et encore plus face à une œuvre d'une telle qualité ! On ne peut en revanche nier l'emprise grandissante d'Earache et de Colin Richardson sur la troupe, emprise de plus en plus mal supportée par Shane Embury et les siens. Ces tensions culmineront sur le disque suivant Words From The Exit Wound (1998), qui reviendra en partie à un grindcore plus extrême, et qui sera le dernier enregistré chez Earache avec Colin Richardson comme producteur avant le départ pour Spitfire et une nouvelle consécration avec Enemies Of The Music Business en 2000.
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