Les 10 albums de Black Metal japonais à connaître selon... Sakrifiss (ENTERRÉ VIVANT, PEURBLEUE)

Qui ne connait pas Sakrifiss, personnage francophone incontournable du paysage Black Metal, masqué de sa cagoule en jeans, il nous parle de Black Metal au sens large au travers de sa chaîne YouTube. Pour autant il ne fait pas que parler, puisqu'il est aussi un prolifique chroniqueur de l'art noir sur les pages de nos confrères de Thrashocore ! Il écrit beaucoup... Tellement qu'il a fini par écrire un livre Sakrifiss, une Vision du Black Metal, sorti aux éditions Flammes Noires, où il décrit à sa manière les principaux courants du black metal, à commencer par le trve black metal, le black symphonique, le black atmosphérique, le dépressif…
Mais, car il y a toujours un mais (mais qui n'est pas forcément négatif hein ! Il s'agit juste d'un mais), il ne fait pas qu'écrire et faire de la vidéo, il a de nombreux talents dont celui de faire aussi de la musique ! Il a lancé en 2019, en compagnie d'Erroiak le projet Enterré Vivant, mélange de sa passion pour le Black Metal et pour le Japon, pays dans lequel il vit caché dans l'ombre depuis de nombreuses années et dont il parcourt assidument la scène underground. Mais (voir plus haut), il a aussi rejoint le groupe de JcEx, PEURBLEUE, Black Metal ambient froid, minimaliste, horrifique, urbain. Vous retrouverez dans le top suivant de nombreux groupes qui font écho aux caractéristiques qui définissent ces projets.

Plongez dans la psyché tourmentée de l'homme au jeans !

 "Comme tous ceux qui tentent de créer des top 10, Sakrifiss s’est retrouvé face à un dilemme classique : Doit-il présenter les albums cultes ou alors les albums qui ont marqué son parcours personnel ?

 Parce que s’il faut présenter les albums cultes, il serait nécessaire de citer des vétérans tels que ABIGAIL ou SABBAT, qui ont ouvert la voie du black metal au Pays du Soleil Levant. Le second a même été formé par Gezol, un musicien fou qui a également fondé dans les années 80 son propre label : Evil Records. Mais voilà, il y a l’Histoire et il y a les goûts. Et pour Sakrifiss, ces deux groupes ont toujours été trop trempés dans les influences de leur génération et ils font donc trop appel au thrash, au punk et au death pour lui convenir. Je comprends donc tout à fait ceux qui souhaiteraient rajouter les premiers albums de ces formations à mon classement.

 Ensuite, il y a le cas « SIGH ». Le groupe est évidemment l’un des plus importants et l’un des plus populaires dans le monde. Important parce qu’il avait été repéré à ses débuts par Euronymous lui-même et avait pu signer sur son label Deathlike Silence pour son premier album Scorn Defeat, en 1993. Populaire, mais surtout pour la suite, pour sa musique qui garde des airs black metal mais qui incorpore surtout beaucoup d’éléments avant-gardistes. Ce serait donc là aussi trop facile de le mettre dans le top, alors je le mets de côté…"

POUR ÉCOUTER : Enterré Vivant & Peurbleue

10. NO POINT IN LIVING - « Snowstorm » (2021)


Connaissez-vous Yusuke HASEBE ? Non ? Eh bien lui, il vous connaît sans aucun doute. Parce qu’il sait tout. Il est omniscient. J’exagère ? Oui, sans doute un peu, mais en tous cas vous pouvez lui demander ce que vous voulez sur le black metal, il est pratiquement incollable. Et surtout en ce qui concerne le DSBM ; le black metal dépressif et suicidaire a été sa spécialité et surtout sa passion à tel point qu’il en a sorti une encyclopédie. Ce qu’il a appelé Depressive Suicidal Black Metal Guidebook. Elle date de 2018 et répertorie et commente un nombre surprenant de groupes et d’albums. C’est un spécialiste, mais aussi un artiste. Et il a donc créé son one man’s band NO POINT IN LIVING en 2015. Mais c’est à partir de 2017 qu’il a commencé à sortir ses morceaux, et il a appliqué ce qu’il avait étudié, analysé, décortiqué et bien digéré. Mais à foison ! Il ne s’arrête jamais et il a sorti 6 albums en 2017, 7 en 2018, 5 en 2019, 6 en 2020, 3 en 2021, 4 entre janvier et juillet 2022. Impossible de tenir la longueur ? Certes, et pourtant il maintient toujours un bon niveau de composition. Il a même su évoluer et proposer plus récemment du black metal plus dynamique et envolé, comme sur Snowstorm, sorti en 2021.

9. TYRANT – « Under the Dark Mystic Sky » (1997)



Est-ce une bonne idée de s’appeler TYRANT ? Non. Déjà ce n’est pas pertinent parce que c’est très commun, et l’on constate même qu’en 2022, il y a 25 groupes qui portent ce nom qui sont référencés sur Metal-Archives. Et puis surtout, cela ne collait pas du tout à l’identité de ce groupe japonais. Formé en 1994, la formation opérait dans le black metal symphonique et orchestral. Ils étaient en quelque sorte les CRADLE OF FILTH nationaux, avec tous les ingrédients qui allaient avec leurs aspirations. Un visuel gothique qui convenait à l’époque, de l’agressivité joliment équilibrée avec des mélodies au clavier… La recette n’était pas originale mais bien appliquée. Leur souci a été une activité trop tardive. Ils ont sorti un album très prometteur en 1997, mais se sont ensuite réveillés trop tard, sortant le deuxième album en 2002 avec des trains de retard sur ce que la « concurrence » proposait déjà, puis leur troisième album est sorti en 2005, alors que le black sympho était devenu l’ennemi has-been à abattre. S’il était sorti plus tôt, il aurait pu avoir une meilleure carrière…

8. HURUSOMA – « Sombre Iconoclast » (1998-2000)



Je comprends que beaucoup attendent d’un groupe de black japonais qu’il ajoute des éléments... japonais. C’est-à-dire des touches de sa culture ou des instruments de son folklore. Mais finalement, ce serait réclamer que les groupes français fassent du « Bal musette black metal » avec l’accordéon et la voix à la Piaf... Il en existe quelques-uns, des groupes nippons, qui ajoutent leur couleur nationale au black metal, mais ce n’est pas celui-là. HURUSOMA n’a de japonais que son nom, emprunté à un yôkai qui s’amuse à tourmenter les humains en imitant le bruit du bois en train d’être découpé, et celui d’un arbre qui tombe. Bon, on avouera qu’on a connu plus inquiétant comme pouvoir... Mais par contre la musique du groupe et surtout de son unique membre Woods (décidément...), sont parfaitement possédés. C’est du black metal bien classique, mais qui montre justement que ce pays aussi est capable d'en faire du VRAI qui tache ! L’homme a en plus marqué la scène deux fois, puisqu’il était aussi derrière l’entité GNOME, active à la même période, dans les années 90.

7. MANIERISME – « Manierisme » (2006)



Jekyll a la classe : il a un chapeau haut de forme ! Peut-être l’a-t-il emprunté à Stian Aarstad, le claviériste de DIMMU BORGIR qui avait été renvoyé pour avoir pompé un air de jeu-vidéo ? Oh, je ne pousserais pas trop la taquinerie si j’étais vous, parce qu’en fait Jekyll est, comme son surnom le fait comprendre, particulièrement tourmenté. Il pourrait bien venir vous dépecer et manger votre chair si l’envie lui en prenait. Sans aucun doute. Sinon il ne pourrait pas jouer une musique aussi malsaine et chaotique que dans MANIERISME. Il a créé son one man’s band au début des années 2000 et a enchaîné deux démos en 2003 et 2004. Elles ont été compilées en 2006 sur une compilation qui est un bijou d’horreur. Son intérêt pour les Légions Noires est manifeste, mais il parvient à s’en approprier l’univers pour le remodeler à son image, principalement en ajoutant des déclamations en japonais et en s’amusant à déconstruire systématiquement toutes les mélodies. C’est le raw à son extrême, c’est une musique qui semblera sans sens et bien trop déstructurée pour le néophyte... et par beaucoup de fans de black aussi d’ailleurs... Par contre ceux qui apprécieront pourront aussi tester les autres groupes auxquels il participe : AHPDEGMA en compagnie des membres de ARKHA SVA et KANASHIMI, et son nouveau bébé immonde : INFERIOR WRETCH.

6. YVONXHE – « De Praestigiis Daemonum » (2012)



Bien entendu, l’argent ne fait pas le bonheur... Mais il y contribue ! De même, le visuel d’un album n’en fait pas la réussite... Mais il y contribue ! Et c’est une des forces de ce groupe japonais : choisir des images fortes de son folklore à chaque sortie. YVONXHE est un nom qui ne veut pas dire grand chose, il a été choisi un peu au hasard, parce que l’assemblage des lettres leur avait plu. Et puis ils ont changé la graphie en cours de route, ne respectant même plus la prononciation d’ailleurs, puisque Ψυονξηεest plutôt équivalent à « Psyonxie ». Mais ils sont libres, c’est leur choix, et c’est bien ce qui les caractérise de toute façon. Ils officient dans un black metal bien trve et emporté par des mélodies déchaînées, et ils vont droit au but. Mais tellement droit au but qu’ils n’arrivent pas souvent à dépasser les 2 minutes par morceau ! Du coup ils tabassent et laissent une impression très nerveuse ! Certes, c’est aussi frustrant... Cet album contient par exemple 13 morceaux mais il ne cumule que... 23 minutes ! Remettez-le tout de suite une deuxième fois si vous auriez aimé qu’il en atteigne 40. 

5. INFERNAL NECROMANCY – « Infernal Necromancy » (2008)



Je vais le dire tout de suite parce que je sais que certains amateurs de black japonais qui lisent l’article l’attendent : « Désolé, il n’y a pas HAKUJA dans ce top. ». Sa demo sortie sur le label français de Noktu valait vraiment le coup mais il a fallu faire des choix... Je ne l’ai pas retenu, ni même son autre groupe, plus ancien : FUNERAL ELEGY... Tout simplement parce que dans un top 5 il fallait absolument que je mette les albums que j’ai poncés à mort et que dans un style assez proche, aux mélodies acérées, c’est bien INFERNAL NECROMANCY que j’ai le plus écouté. Ce groupe a près de 25 ans de carrière, et il continue son parcours, à un rythme particulièrement décevant puisque c’est au compte-goutte qu’il propose de nouveaux sons. Ceux qui ne le connaissent pas peuvent le découvrir grâce aux trois compilations sorties en 2011, mais elles contiennent beaucoup de doublons, de triplons, de quadruplons puisque toutes les démos y figurent, avec les mêmes titres proposés dans plusieurs versions studio ou rehearsal. Je conseille alors plutôt le seul véritable album sorti, en 2008. Sa pochette a aussi l’originalité et l’efficacité de proposer une photo véritablement liée au Japon.

4. KANASHIMI – « Romantik Suicide » (2009)



KANASHIMI signifie tristesse en japonais. Le groupe est un one mans band formé par O. Misanthropy en 2007, après que 彷徨 (Samayoi, signifiant Errance) s'en soit séparé. L’une de leurs dernières démos s’appelait d’ailleurs Kanashimi, et contenait 4 compositions dont l’une nommée « Misanthropy ». Tout cela pour dire que la création du groupe KANASHIMI a été tout simplement logique, et découlait de l’envie de l’artiste de rester seul pour créer sa musique. Il a sorti une demo en 2007, très courte, puis a enchaîné avec son chef d’œuvre en 2009 : Romantik Suicide. Comme avec tout grand album, il y a bien des détracteurs qui ne le supportent pas, mais ceux qui ont été agrippés par les mélodies mélancoliques de ce DSBM n’en sont jamais revenus. La musique est pourtant extrêmement épurée, portée par un piano et des vocaux pleureurs. On regrette que la formation ne sois pas plus active…

3. ANGUIS DEI – « Angeist » (2021)



Charade en quatre parties : 
Mon premier se fait appeler U.:È.:Œ.: et il chante dans des groupes qui ont échappé de peu à ce Top 10 : ARKHA SVA, AHPDEGMA, AVSOLUTIZED…
Mon deuxième se nomme Juno et il a été très influencé par ANOREXIA NERVOSA lorsqu’il a enfanté son propre groupe JUNO BLOODLUST.
Mon troisième est Hakuja, celui-là même que je présentais un peu plus haut, dans le rôle du bassiste.
Mon quatrième est italien et batteur, connu sous le nom de Summum Algor.
Mon tout est la somme de leurs efforts ensemble. C’est effectivement ANGUIS DEI, formation qui remet au goût du jour le black metal symphonique.
Ce qui est fou avec ces 8 morceaux, c’est qu’ils combinent réellement les compétences de chacun de ces 4 protagonistes. Les vocaux sont malsains, avec des poussées inattendues vers les aigus. La batterie tabasse dur et accompagne idéalement les riffs envolés. Et puis les claviers se lancent dans des orchestrations destructrices. 
Un album unique, et qui se paie même un guest de chez nous… Hreidmarr d’ANOREXIA NERVOSA, GLACIATION, BA’A etc…

2. ENDLESS DISMAL MOAN – « Lord of Nightmare » (2006)



Comment savoir à quel point ce qu’exprime un artiste est vrai ou fantasmé ? La majorité des groupes qui font de la musique violente et torturée se créent un monde, et il y a un fossé entre leur « eux » en tant qu’artiste et leur « eux » en tant qu’ « individu ». Cela provoque d’ailleurs souvent des débats ou des polémiques, comme si dans ce cas-là ils n’étaient pas sincères, comme si en quelque sorte ils mentaient en présentant ce qu’ils ne sont pas. Mais même dans la sphère privée, parfois, il y a aussi ce qu’ils montrent d’eux et ce qu’ils sont réellement à l’intérieur de leur esprit. Là où je veux en venir, c’est que ce ne sont pas toujours ceux qu’on imagine qui mettent à exécution leurs pulsions suicidaires, et que Chaos 9 est passé à l’acte, en 2008. Dans sa musique, tout laissait pourtant comprendre qu’il était torturé. Le black metal de l’homme était chaotique et dérangé, sans aucune issue possible. Lord of Nightmare est mon favori des trois réels albums, le quatrième étant en fait la sortie posthume de titres inachevés. Très désagréable à l’oreille avec des cris stridents, des mélodies bancales, des sons grésillants, mais tellement évident !

1. MAGANE – « Mortes Saltantes » (1999)



Aucune surprise pour ceux qui me connaissent, la première place ne pouvait revenir qu’à MAGANE, le seul groupe japonais à avoir idéalement ajouté sa culture dans le black metal. On pourra dire que d’autres formations ont essayé, mais elles n’ont jamais eu le même goût que les compositions de ce Mortes Saltantes. Le groupe s’est formé en 1994 sous un autre nom et c’est en 1999 qu’il a lâché cette bombe intemporelle. Ce ne sont pas uniquement les thèmes abordés qui ont un lien avec le Japon, mais beaucoup d’éléments vocaux ! C’est bien ce qui surprend beaucoup de « non-Japonais », qui s’attendaient à ce que ce soit les instruments qui donnent des saveurs « orientales ». Ça arrive mais seulement par petites bribes, car ce sont bien les déclamations venues du monde du théâtre qui donnent cette forte identité nippone. Le deuxième album sorti en 2003 a les préférences de ceux qui voulaient un chant moins marqué, mais il a été à mon sens un cran en-dessous, perdant le charme passé…


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Descriptions : Sakrifiss De Transylvanie
Article : Morgan

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