Interview | DRACHE (Black Metal Atmosphérique - Belgique)


Comme un présage des jours pluvieux et orageux de ce début de semaine, De Mauvaise Augure, premier album de Drache, est sorti dimanche dernier. Ce tout dernier projet de Déhà fait déjà sensation dans le milieu des connaisseurs du black metal de par ses mélodies enveloppantes, froides et son atmosphère unique.


Nous avons eu l’occasion de discuter avec Déhà sur cette création, projet qui lui tient très à cœur. Un entretien intimiste et émouvant où il se livre à cœur ouvert sur le processus de création de Drache, sa démarche, son envie pour ce projet, ses expériences de vie, son rapport à la musique et sa vision du black metal. Une entrevue unique en toute simplicité.

____________________________

Bonjour Déhà.

Bonjour !

Nous sommes là pour parler de Drache. Alors pour commencer, je voudrais te demander depuis quand as tu eu envie de faire cet album, de créer ce projet, et combien de temps tu as mis entre le moment où l’envie s’est fait ressentir et sa sortie dimanche ?

Je pense que ça faisait depuis des années que je voulais vraiment faire un album du genre. Le black metal étant mon style de prédilection… Pour moi, faire un album de black metal, c’est pas juste faire un album de black metal, je veux qu’il sonne vraiment comme ce que j’ai envie de faire. Faire quelque chose qui tient la route et qui a vraiment quelque chose à raconter, et pas que sur un seul album mais en tant qu’entité qui existe, ça fait vraiment un moment que je voulais le faire.

Finalement, je n’avais que Merda Mundi en tant que vrai projet de black metal. Donc, je pense honnêtement que ça fait... peut-être cinq, six ans que j’ai vraiment envie de faire quelque chose comme ça...

Maintenant, arriver à trouver quelque chose qui me donne envie de créer, ça prend forcément du temps de pouvoir déposer quelques chose, de trouver un style de jeu. J’ai dû aussi continuellement m’entraîner pour arriver à avoir des skills qui me permettent de bien jouer ce que j’ai envie de jouer.


Finalement, Drache est venu assez naturellement quand j’ai commencé à travailler sur certaines idées, sur certains sons en particulier. Et je pense que c’était en début 2021 que j’ai enregistré ce qui est devenu Averses, qui est un album que j’ai sorti sous le nom Déhà, et qui est pour moi un «pré-Drache», beaucoup plus mélancolique, beaucoup plus mélodique, très mid-tempo, un peu facile, comme ça… Même si j’adore cet album. Mais justement, c’est après avoir sorti tout ce truc que j’ai vraiment dit: « OK, j’ai d’autres idées » et j’avais commencé par un morceau que je n’ai pas retenu sur l’album parce qu’au final, il n’était pas aussi bon que les autres. Et après, tout le reste est venu assez naturellement, au point où là, maintenant tout de suite, je sais que le deuxième album est déjà composé et presque terminé.


Ah ! On a du tease ! *Rire*

Disons que… Ce n’est pas que je travaille vite, mais à partir du moment où j’ai vraiment une humeur en particulier, je veux aller jusqu’au bout et voir ce que je peux retenir comme chansons. Et finalement, celles que j’ai retenu pour le premier album sont exactement ce que je voulais retenir, et les autres sont venues peu après que j’ai terminé ces 4, 5 chansons, et c’est venu très naturellement.

À partir de là, j’ai commencé l’enregistrement, en été 2021, d’un point de vue guitaristique, la composition, etc. Et j’ai fait les batteries en décembre 2021, puis j’ai mixé jusqu’à plus ou moins le mois de mars et j’ai terminé au mois de mars 2022 en gros.


Du coup, j’aimerais savoir, en tant que musicien, tu as forcément ta propre manière de travailler. Donc pour Drache, est-ce que tu as une démarche de travail particulière pour composer le son final ? Un rituel de travail, une méthode de composition particulière, etc ?


Drache, c’est plutôt une idée, un feeling et une sensation que j’ai ressentis à un moment donné. Et à partir de là, je dois prendre la guitare, je ne peux pas prendre autre chose. Si ça marche, ça marche. Si ça ne marche pas, je n’essaie même pas pendant 50h.

Ceci dit, il y a eu une fois où, effectivement, j’ai eu simplement envie de quelque chose à partir d’une guitare acoustique, je m’étais surpris en train de jamer dans le vide et là, je m’étais dit: « Oohh putain ! C’est exactement ce que je veux ! » C’est une chanson qui ne sera pas sur le 2ème et qui sera sur le 3ème album que je suis entrain de composer lentement. * rire *

Tu es en train de nous lâcher plein de teasers là. * rire

* rire * Je ne compte pas arrêter Drache tant que je n’ai pas terminé de dire ce que j’ai envie de dire. Et je ne sais pas jusqu'à quand, ou quoi que ce soit, mais j’essaie de travailler pour proposer quelque chose d’intéressant. Je ne vais pas garder toutes les chansons, tout ce que je fais. J’ai vraiment une idée en particulier de ce que je veux que Drache soit musicalement parlant, et dans les paroles aussi. Les paroles sont ultra importantes !

Et dans la production aussi. La sensation que je veux donner à travers la production, c’est ça... J’ai vu, par exemple, quelqu’un qui a écouté l’album aujourd’hui et qui disait que c’était incroyablement froid comme son. Tu vois, je n’avais pas composé Drache pour être froid, mais ça s’est fait naturellement et c’est vrai que plus j’écoute, plus ce premier album a, pour moi, des tonalités très froides et finalement, ce n’est pas plus mal…

D’ailleurs, là maintenant de suite, il drache, très drôle.



Chez nous aussi, il drache. C’est de mauvaise augure. C’est sorti dimanche, lundi, il drache !

Je n’ai rien à ajouter ! :)

Dans nos précédents échanges, tu me disais que tu voulais composer un son de black metal qui est propre à toi, à ce que tu avais vécu, à la Belgique, à la grisaille, au ciel, au temps, aux mines de charbon, j’aimerais que tu nous en dises un peu plus sur ça ; Car quelque part, tu es belge, mais tout ce que tu évoques ça me parle, car ce sont des choses que je retrouve aussi dans le Nord de la France. Du coup, je voudrais savoir si c’est tout ce « Nord » là que tu voulais englober ou si c’est juste ton expérience vis à vis de ta région, de la Belgique ?

Forcément, c’est plutôt ce que je connais, égoïstement, c’est logique. Mais je suis certain que d’autres personnes peuvent se représenter cette vision qui est complètement personnelle.

Si tu veux, un truc qui est pour moi très choquant, mais quand tu vois les personnes du sud, la France, l’Italie, etc... Ils ont le soleil, et ce n’est pas une question qu’ils soient plus chanceux que nous. C’est juste que si eux se retrouvent avec deux jours de grisaille ou de pluie, ça va être immense comme impact psychologique sur eux. Alors que, effectivement, quand on arrive en été, et qu’on on a du soleil, les gens sont un petit peu plus gentils. Et c’est vrai, ça joue !

Mais nous, on a pris l’habitude et on peut fonctionner avec ça alors que d’autres personnes pas, ou alors plus difficilement.

Donc cette habitude au froid et à la grisaille, à la pluie… Quand on a l’habitude, quand il pleut, on se dit : « bah… tant pis ! »

Tu vois ? C’est ça aussi que j’essaie de représenter, c’est à dire qu’on peut l’interpréter de plein de manières différentes comme, par exemple, si tu considères une analogie de la drache comme les obstacles horribles qui se passent sur ta vie, tu apprends à vivre avec et tu apprends à grandir, à les accepter, et de là, à évoluer, à accepter ces problèmes pour que tu puisses sortir après et faire Franck Sinatra et « dancing in the rain. »

Quand j’étais gosse et quand on avait des pluies battantes, j’en avais peur.

Et ma mère me disait : « Mais pourquoi t’as peur ? »

Je lui ai dit : « Je ne sais pas, c’est bruyant, voilà, ça me fait peur »

Et elle me disait : « Mais c’est parce que tu ne comprends pas. Elle essaie de te parler mais tu n’arrives pas à comprendre. »

Et je trouve ça tellement beau qu’au fil des années, c’est devenu vraiment quelque chose !


C’est pour cette raison là aussi que tu décides de baptiser ton projet Drache?


C’est un hommage, forcément, au patois de chez nous, un hommage à ce qu’on est censé détester. On n’aime pas la drache ! Mais il y a des fois où tu te réveilles et que c’est dimanche et t’as rien à faire, tu ne dois pas sortir et t’as une drache monumentale dehors. Tu ouvres ta fenêtre, tu écoutes et tu fais : « mais putain, en fait, ça fait du bien ! » Écouter cette espèce de bruit blanc qui court, et personne n’est dehors ou presque. Il n’y a rien hormis le bruit de la nature, ça fait du bien. Pour moi, c’est un hommage à ça évidemment et j’ai insisté sur le fait de le faire en français. C’est quelque chose que je veux : que Drache soit en français.


Justement, j’allais te le demander. Pourquoi en français ?

Parce que je le fais rarement en français. Je voulais rendre ce black metal beaucoup plus personnel et je voulais vraiment renouer avec mes racines francophones, d’où je viens, sans pour autant aller dans le patois de chez moi.

Au final, je voulais simplement sortir de ma bouche et de ma tête du français, pouvoir travailler un petit peu plus les textes. Je souhaite qu’ils soient en rimes, je souhaite qu’ils puissent être classieux dans certains mots, et en même temps presque « de rue » par moments. Je recherche vraiment ce mélange des deux. Et le français peut parfois être « trop innocent »… Tu sais, dans la manière dont tu peux lire certaines paroles traduit d’anglais en français et c’est un peu niais, je veux aussi jouer là dessus. Le contraste entre ça et la musique qui est très violente, l’émotion que je sors, et la voix, qui sont aussi très violentes.

Il m’a fallu un peu de temps pour me dire, par exemple, la chanson « Laissez-moi Seul », je voulais que ça s’appelle « Laissez-moi Seul » et je sais très bien que c’est un peu un cliché, mais j’assume 100% la chose.


Il fonctionne très bien ! Simple.

Justement, je cherche à ce que ce soit compris. J’ai pas envie de rentrer dans un mysticisme ou des métaphores, je suis assez direct dans ce que je dis dans l’album parce que ce sont des choses qui me concernent maintenant. Je ne me base pas sur mon passé ou sur des choses que j’ai vécu à un moment donné. Là, c’est ce qui se passe actuellement, et comme Drache est sorti, on va dire que c’est un passé très récent.

« Laissez-moi seul », c’est un peu ce sentiment de "bittersweet". Une solitude qu’on recherche, mais en même temps on n’est pas dupe, on ne va pas s’enfoncer dans une misanthropie complètement fabriquée. Nous n’aimons pas être seuls d’une part, et d’autre part, nous ne sommes jamais seuls. On a la famille, on a des amis et on a des gens, on a internet, on a plein de choses. Nous ne sommes pas seul. Je veux assumer cette espèce d’entre deux et « Laissez-moi Seul », c’est vraiment ça. C’est ce qui se passe des fois où je ne peux plus, mes batteries sont sèches, elles sont à zéro, je n’ai plus envie de parler ou d’exister en société. Vraiment, là la solitude est un "blessing" absolu.

Du coup, en parlant d’être seul, de solitude, Drache est un projet qui t’es très personnel tant au niveau musical qu’au niveau des paroles, mais sur lequel on voit la participation de pas mal de gens comme Corvus de Wolvennest, qui chante sur “Une Cellule Vide”, ou la participation de Brouillard qui chante sur “Extinction”, et avec qui tu as fait l’artwork ainsi que le split qui a précédé l’album un peu plus tôt cette année, le tout sorti via Transcendance. Du coup, on voit bien que Drache n’est pas du tout le projet d’un misanthrope, on revient à ce que tu expliquais tout à l’heure, tu es très bien entouré et on voit que c’est hyper important pour toi. Est-ce que ce tissu de collaborateurs et amis est essentiel à ce qui rend Drache unique pour toi ? Ou est-ce juste des circonstances qui se sont trouvées comme ça, qui viennent naturellement dans le processus de création, comme avec la musique ?

Tu sais, Corvus et Brouillard sont des personnes qui me sont très très très chères et très très très proches. Ce sont des personnes que j’aime d’amour véritable, ce sont des personnes qui me connaissent et que je connais. Travailler avec eux est naturel.

Quand j’ai composé l’album de Drache, la deuxième chanson, puisque l’autre je ne l’ai pas gardée, c’est Extinction, la chanson sur laquelle Brouillard apparaît. Quand je l’ai terminée, quand je l’ai réécoutée la première fois, je me suis dit « celle-là, elle n’est pas pour moi, elle est pour elle (Brouillard) ». Ne me demande pas pourquoi, je pourrais te donner 40 raisons, mais au fait, c’était évident que cette chanson soit pour elle et elle l’a transformée à sa propre manière comme si Drache était à elle ! Et Corvus a fait la même chose ! Il a compris le concept musical et extra-musical du projet. Je n’ai même pas eu besoin d’expliquer un texte ou de dire « tiens, essaie de parler de ça », etc. Ça s’est fait naturellement.

C’est pour ça que je suis très content, l’entité de Drache existe. Ce n’est pas juste un énième projet, c’est un groupe avec une identité sonore et extra-sonore et je cherche à garder ça.

Donc le fait d’avoir deux personnes qui me sont extrêmement proches, avec une intégrité aussi chiante que la mienne, ça me fait du bien.

Si j’ai envie de les réinviter dans l’album prochain, je le ferai. Si j’ai envie d’inviter d’autres personnes, je le ferai, c’est ma décision, forcément. Mais ici, d’une part, (c’est personnel) c’est une fierté de les avoir sur mon album ; et d’un autre côté, c’est une manière de montrer aux gens que là aussi, on est bien entouré. C’est pas juste quelqu’un que tu ramènes, que tu fais chanter juste ça ou ça. C’est différent. Tu rentres dans la chanson, tu écris ton propre texte et quand tu le fais, tu le fais avec ton âme, avec ton cœur, avec ton intégrité, avec ta dévotion et souvent en "one shot". Parce qu’on fait du black metal et justement, c’est primaire et j’ai pas besoin d’expliquer tout ça parce qu’ils le savent. Parce que le black metal, pour moi, ça ne s’explique pas, on n’en parle pas, ça se vit, ça se ressent. Et eux deux, c’est le black metal. Autant que Maxime Taccardi, c’est le black metal, eux, c’est le black metal. Et moi, ça me renforce dans l’idée que Drache, c’est du black metal.


Merci, j’ai une dernière question pour toi. Pendant nos échanges, tu as mentionné Judas Iscariot pour le parallèle avec le fait de réaliser toute la musique tout seul. J’y entends aussi certaines similitudes musicales dans les longues suites de riffs plutôt simples mais très efficaces, mais le son de Drache est bien plus dense et plus riche. L’ambiance est fidèle aux 90s mais, à l’opposé du son décharné et d’une prod claquée, Drache est “épais”, enveloppant, les nombreuses couches instrumentales jouent toutes leur rôle et la voix en particulier est très bien rendue : lointaine, mais centrale au milieu des tornades de riffs. Est-ce que c’est ce son, ce genre de rendu que tu avais en tête dès le début pour ce projet ou est-ce que c’est quelques choses qui est sorti, naturellement, pendant le processus de création ?

Comme je l’avais dit au début, c’est que le processus a quand même été très long. Après avoir enregistré, je n’avais pas du tout aimé la production que j’avais faite, qui était encore plus dégueulasse, encore plus épaisse que ça, parce que je voulais aller autre part. Et finalement, je me suis rendu compte qu’en reproduisant la chose, je voulais arriver à ce parfait entre-deux, entre quelque chose qui est raw, on va dire, et sans vouloir faire du black metal atmosphérique, je voulais arriver à ce qu’on puisse triper facilement. De toute manière, pour moi, le black metal, c’est ça.

Justement, l’exemple de Judas Iscariot, même si c’est beaucoup plus sale, beaucoup plus sec, où je plonge directement dès les 3 premières secondes ! Drache, c’est aussi simple finalement, c’est deux guitares, une basse, une batterie et des voix, point ! Tout le reste, c’est la production que je voulais chercher par dessus. Il n’y a aucun rajout, il y a un peu de clavier qui est un hymne à la scène norvégienne, forcément. Mais ça reste plus un gros clin d’œil qu’autre chose.

Pour Drache, je voulais qu’on entende tout, mais en même temps, je voulais que ça reste assez évasif, je ne voulais pas de prod’ moderne, qu’on entende la batterie ultra devant. Je voulais qu’on comprenne les paroles, mais en même temps qu’on soit intrigué, et il y a un côté « Putain ! Je comprends pas tout, attends, je vais prendre le livret ! » Je voulais que les personnes qui écoutent Drache se retrouvent comme avant, à prendre l’objet, à l’ouvrir, à le lire. Et en écoutant les chansons, tu lis les paroles, et tu anticipes déjà, tu continues déjà à lire, et tu fais « putain, comment il va chanter ça ? », comme moi quand j’étais gosse, que j’avais une cassette, que je l’ouvrais et que je voyais les paroles et je les épelais, et je faisais : « putain j’avais pas compris ! » Rewind !! Moi même, j’ai envie de retrouver cette sensation et si je peux la donner aux gens, c’est tant mieux.

A l’ère actuelle où tout est très disponible, je voulais garder ce petit côté sacré du black metal forcément, dans la production, à travers mes moyens et mon studio, etc. Je suis très content de la production, d’être arrivé à ce résultat là.

Et je voulais aussi vraiment mettre un point d’orgue sur le fait que Drache, c’est du black metal, ça doit être pris comme du black metal. Étonnamment, je sais que Drache n’est qu’une copie d’une copie de ce qui a déjà été dit dans le black metal, mais au moins, je pense que c’est ça que j’aime, que je fais avec conviction, avec mon âme tout ce que j’ai envie de dire et de cracher. Mais je le fais aussi avec mon cœur, avec tout mon amour.

Et finalement, c’est ça. C’est entièrement véritable et c’est ce qui donne l’identité à Drache. Et encore une fois, la manière dont j’écris pour Drache et la manière dont je chante, qui sont pour moi uniques, je ne fais pas ça dans d’autres projets et c’est aussi ça qui apporte l’identité, faire quelque chose qui repousse mes propres limites sans pour autant partir dans l’ultra technique.

C’est vraiment ce qui s’est passé aussi dans les 90s, mais à ma propre échelle, toute proportion gardée, bien entendu. Mais le black metal a apporté quelque chose de nouveau et d’unique au paysage metal extrême. Ils ont fait un tour de force absolument incroyable qui persiste et qui évolue encore aujourd’hui.

Moi, je voulais le faire pour moi, et c’est pour ça que ça a pris autant de temps parce que Merda Mundi a pris une tournure grosse production que j’aime beaucoup et que j’assumerai sur le prochain album, tout en restant du black metal. Mais ce n’est pas ce que j’avais envie de dire pour Drache. D’où le fait que Drache est né. Il est devenu un groupe et il est devenu ce que je voulais : une entité bien unique.

Drache, c’est ma représentation du black metal. C’est la représentation d’où je viens, avec cette espèce de fierté bien placée, de où je viens, de ce que j’ai vécu, du pourquoi, forcément de qui je suis, mes sentiments, mes ressentis, mes putains de struggles de con, que ce soit physiques ou moraux et ça me permet d’exister aussi. C’est un moyen d’expression que je ne pourrais plus m’imaginer sans. J’ai fait des années sans, mais maintenant j’ai un outlet en plus qui me permet d’exprimer des choses que je ne pouvais pas exprimer avant et c’est ça aussi le black metal.


Donc, si je résume, Drache, c’est tes tripes toutes nues !

Oui. C’est pour ça que ce n’est pas si facile de le donner aux gens. Mais finalement, ce n’est pas grave. Ceux qui ne comprennent pas, j’espère qu’ils continueront à ne pas comprendre. C’est tout. Ils écoutent autre chose et ça me conviendra très très bien comme ça.

Je crois en l’élitisme, je crois cruellement au fait que certaines musiques, certains styles de musique ne sont pas faits pour tout le monde. Et là, on retourne à cette optique de musique « dangereuse », parce qu’effectivement, si quelqu’un a une humeur particulière et que tu lui fais écouter un album en particulier, cet album peut être le déclencheur de quelque chose de grave. Et au final, pour les personnes qui ne comprennent pas ce que je veux dire à travers Drache, qu’ils ne l’écoutent pas, qu’ils n’imaginent pas quoi que ce soit, qu’ils écoutent autre chose qui va leur faire du bien aux oreilles plutôt qu’ils me cassent les pieds. J’ai autre chose à faire.

Merci beaucoup pour ton partage. Une dernière chose, j’avais vu passer votre communication sur l’édition limitée de « De Mauvaise Augure », la manière dont cette édition a été faite était très… black meta l ! Du coup, comment vous avez fait pour retirer toutes les plumes de ce corbeau que vous avez trouvé devant les bureaux de Transcendance ?

Écoute, d’une part, ce n’était pas moi et ça m’embêtais de ne pas être là à ce moment là. Mais c’est Marie de Transcendance, Brouillard, avec qui j’ai fait cette sortie d'album. On venait de presque tout terminer et je lui avais dit que j'allais appeler l’album « De Mauvaise Augure » parce que ç'était très représentatif, que ce soit au niveau de la pochette, du visuel qu’on voulait mettre ou au niveau de la musique. Et au moment où on venait de décider que c’est bon, on n’y touche plus, elle est sortie et elle s’est rendue compte qu’il y avait un corbac qui était mort, elle le retrouve et elle me dit : « Il n’y a pas de coïncidence. Il est impossible qu’il n’y ait pas un signe ». Et vu que nous avons tous les deux un fort attrait pour ce genre de choses, elle l’a prise, elle en a pris soin. On peut même voir le bec actuel sur une des photos de promo qu’elle avait fait pour l’album.

Je me souviens car on en avait parlé et moi, dans ma tête c’est : « il n’y a pas de putain de coïncidence ! » et elle m’a dit : « il faut absolument... » et j’ai dit « d’accord, on y va ! » tout de suite. Je n’ai même pas réfléchi à quoi que ce soit.

Il est clair que la signification de ce qui s’est passé à travers tout ça est énorme. La manière dont on a fait tout le reste de l’édition limitée tous les deux, c’était ultra significatif, c’est fait à la putain de main ! On ne s’est pas fait chier pour rien. Mais de base, quand elle avait vu ce corbac mort, elle m’avait dit « mec, il faut absolument qu’on fasse quelque chose. » Et la manière dont ça s’est fait naturellement par la suite, on n’avait pas passé 45 ans à discuter, ça a été tout de suite OK, oui oui, next scène et puis voilà. C’est complètement évident et "inéchappable" et c’est tant mieux !


Je trouve ça vraiment génial !

Carrément. Ça nous avait fait une claque dans la tête, c’est incroyable.

Merci beaucoup d’avoir pris le temps de nous parler de manière aussi détaillé de ton projet. Je sais à quel point ce n’est pas évident quand c’est à ce point personnel pour toi.

Merci à toi. C’est quelque chose de très personnel comme tu dis, donc le peu que j’ai à dire, je veux que ce soit bien compris. Ça me tient énormément à cœur. Je veux que ça se sache, que Drache est à appréhender comme du black metal. Donc il y a une manière certainement ritualiste de pouvoir comprendre et d’écouter cet album. C’est ce que je cherche aussi, à faire un peu comme un "disclaimer" pour les gens, même si je ne devrais pas avoir à le dire. D’un autre côté, ça me fait du bien aussi de dire que j’ai sorti cet album, il est là et j’en suis fier, sa mère ! Alors merci à toi pour ton temps et pour l’interview.
____________________________
Questions : Dee Cooper

Commentaires