Chronique | N.A.N (Not A Number) - Euterpe (Album, 2022)

N.A.N (Not A Number) - Euterpe (Album, 2022)

Tracklist :

01. Saint Fidèle - 04:59
02. My Reflection - 05:59
03. In Summertime - 05:32
04. Run again - 05:04
05. Get Away From Her - 04:10
06. Kathy - 05:59
07. Euterpe - 01:57
08. The Prodigal Son - 06:12
09. Black Water - 04:46
10. The End Of The Fire - 06:46

Extrait à écouter :


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Alors que l’année 2022 m’a marquée pour les sorties doom sludge et black de très bonne qualité et que je m’apprêtais à m’engouffrer dans le côté obscur de la force, voilà qu’une sortie estivale, de chez North Shadows Records, m’a totalement happée ! 

À vrai dire, cela faisait quelques temps déjà que le nom N.A.N. n’arrêtait pas de "poper" dans les threads de mes différents réseaux virtuels et je n’avais pas encore eu le temps de m’y pencher vraiment. D’une part, par manque de temps avec la pléthore de musique à écouter, la vie, mes chats, mes battai… heu... tout ça ; et d’autre part, à cause de mon manque d’affinité avec le genre post-punk en général (que voulez-vous, personne n’est parfait, pas même moi !). Mais tout cet ordre cosmique a été chamboulé un soir d’été, quand j’ai eu l’occasion de voir N.A.N. sur scène, qu'ils m’ont littéralement hypnotisée et transportée dans leur univers musical, où l’onirisme des mélodies côtoie allégrement la poésie rayonnante des textes. Il est naturel donc, que j’aie fait main mise sur leur tout premier album, fraîchement sorti le 13 août dernier !  

N.A.N. (non, ils ne sont ni indiens, ni informaticiens !) est avant tout le projet solo que Bernard Collot (compositeur, chant, guitare, clavier, machineries) a initié à l’aune de l’apocalypse tiède mondiale, soutenu par Renaud Mielcarek à la basse. Tout cela est très bien, mais il faut savoir qu’il ne s’agit pas là de leur tout premier méfait ; quand on est talentueux, il y a toujours des antécédents à l’excellence. Ce duo est derrière le projet post-metal/post-rock GeuleNoire, que je vous recommande vivement. Mais je vous reparlerai de GueuleNoire une prochaine fois, pour l’heure, découvrons ensemble Euterpe

L’album démarre sur les chapeaux de roues avec "Saint Fidèle", petit bijoux post-punk de très bonne facture  qui nous propulse directement dans une ambiance très 80's avec son rythme dynamique et ses arpèges imprégnés de la magie froide des soirées sous les néons colorés. Tout cela dégénère rapidement avec un autre des morceaux phares de l’album, "My Reflection", morceau que Renaud porte merveilleusement bien au bout de sa basse, complété par la magnifique voix de velours de Bernard, véritable point d’orgue de ce projet et c’est ce qui rend N.A.N. si unique ! Ce morceau constitue du miel pour l’âme, avec son flot de musique qui coule si harmonieusement et si naturellement, aussi doux et lumineux que la voie lactée. "My Reflection", c'est de la poésie auditive à l’état pur.

L’ambiance devient un peu plus mélancolique avec "In Summertime", on pourrait se méprendre, confondre cette belle épaisseur de la mélodie accompagnée d'un tempo moins rapide avec de la tristesse... Mais il n’en est rien de la tristesse, c'est juste un spleen qui se déploie comme les ailes d’une muse, qui vous emporte avec elle, dans les cieux couleur de miel d'un crépuscule d’été.

Et la nuit arrive après ce crépuscule doré. Avec "Run Again", nous voilà dans une course au ralenti, dans une ville sans nom et sans âge, sous la lumière des réverbères, la mélancolie toujours lourde dans le cœur ; courir pour fuir ses sentiments, pour fuir sa souffrance aussi, et peut-être pour se fuir soi-même, car quelques parts, dans un coin de ce cœur si lourd, on pense qu’on n'en vaut pas la peine ? Et puis on se laisse porter par le flot de guitare et de clavier qui nous soulève de l’asphalte, qui nous enveloppe dans ses voiles exquis et qui nous dépose délicatement sous la lumière d’un réverbère afin que l’on réalise que «after rain comes fair wheather». Et c’est ainsi qu’on continue l’aventure Euterpe avec le très dynamique et incisif "Get Away From Her" pour vaincre ce montre de morosité qui a trop longtemps pesé sur les parois du cœur.

Avec "Kathy", troisième morceau phare de l’album, c’est le retour de la tendresse. Ce morceau nous enveloppe dans son ambiance feutrée, avec la nappe de clavier planant, le chant doux et lancinant, les riffs aériens et hypnotiques qui nous plongent loin, très loin, dans un voyage onirique intérieur, voyage qui se poursuit sur les ailes de la muse "Euterpe", petit morceau instrumental aux vibes post-rock sorti des étoiles.

Revenons ensuite dans le monde de la nuit pour le reste du voyage, où le froid mord délicieusement la peau sous les néons colorés, à commencer par "The Prodigal Son" et ses arpèges planants, ses boucles de claviers hypnotiques et ses riffs de basse singuliers qui entraînent chaque cellule de l’épiderme à se mouvoir au rythme de la musique : tout dans ce morceau transpire une romantisme à la fois sombre et froid, mais particulièrement flamboyant.

"Black Water" nous immerge encore un peu plus profond dans cette nuit où le ciel flamboie et croule presque sous les étoiles. Avec ce morceau, la musique se dilate, s’amplifie et habite totalement l’espace ; désormais tout est mélodie : le ciel, les étoiles, l’asphalte, l’herbe, les arbres, les réverbères, les lumières dans le ciel... Tout tournoie et danse au rythme effréné de la musique, tout est aspiré vers les profondeurs du ciel étoilé, «the lake is dark»…

Et au bout du chemin, il y a "The End of Fire", comme la lueur d’un feu de camp dans la nuit, le morceau démarre lentement avant de s’étendre sur toutes les ondes de l’univers et coule allègrement dans les moindres interstices de l’espace. C’est un morceau éthéré, il est fait pour ça, il est là pour soulever les âmes alourdies par la peur, par la tristesse, par toutes les souffrances de la vie et les transporter, les faire planer dans les airs ; et au rythme du clavier scintillant, de la basse caressante, les faire tournoyer légèrement au dessus du feu, comme des petites étincelles crépitant joyeusement face à la nuit avant de se fondre dans les airs, ne faisant plus qu’un avec l’univers. C’est là la réalisation totale car tous, nous vibrons au même rythme que l’univers, réaliser cela, c’est s’élever au dessus du feu des tourments quotidiens.

Là s’achève le voyage Euterpe, un album lumineux qui demande à l’auditeur de se laisser porter, de se laisser immerger totalement, afin d’être transporté dans cet univers à la fois particulier et réconfortant. On s’en sort comme réveillé d’un rêve, un rêve agréable et lumineux dont le goût de miel résonne longtemps au bout de chaque synapse neuronale. On se sent bien. 

Je vous invite donc à toucher du doigt ce rêve avec l’excellent "Saint Fidèle" qui ouvre Euterpe, un premier épisode auquel j’espère et souhaite de nombreuse suites.  

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Dee Cooper

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