Chronique | MISCELLEN - Blue Ruin (Album, 2021)




Miscellen - Blue Ruin (Album, 2021)

Tracklist :

01. Your Lucky Day
02. Chemical Bonds
03. Scream All Your Want
04. No Saints Allowed
05. Sneer
06. EDIAC
07. Dive
08. Aphotique
09. Cold Comfort
10. Shadow Blind
11. Happy Ending


Streaming complet  :

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La période estivale est toujours une période de suspension, entre la chaleur nonchalante et les choses qui semblent tourner au ralenti, elle donne l'impression que le temps passe lentement et que rien ne se passe. C'est sans compter sur la créativité des artistes, qui eux, créent par tous les temps. Et une des sorties de l'été qui m'a hypnotisée et m'a littéralement mise à terre à la première écoute, c'est Blue Ruin de Miscellen

Miscellen, trio international mystérieux, composé de trois musiciens venus de Washington DC et de Bristol dont on ne sait pas grand chose d'autre, nous propose ici une musique généreuse, multiforme, qui s'installe et évolue dans l'espace, espace qu'ils ont posé dès les premières notes de l'album. 

Beaucoup plus sombre et plus agressif que leur premier opus Lurid Orange, sorti l'année dernière, Blue Ruin, sans être totalement audacieux, pose l'ambiance, s'y installe et y évolue, comme des nuées de brouillards qui s'immiscent subrepticement dans chaque coin de rue sombre d'une ville industrielle sans âge et hors du temps. Vous l'aurez compris, on ne peut apprécier la musique sans entrer dans l'ambiance, sans se plonger dans cet univers que le groupe propose, entre lignes de basse épaisses, voluptueuses, pluies de guitares tantôt légères, tantôt comme les averses âpres, le tout soutenu par les vagues ondulantes de synthé et une batterie discrète mais solide ; avec les deux voix qui alternent, tantôt éthérées, tantôt râpeuses, ou chuchotant, comme venant des profondeurs des machines immémoriales, autant d'éléments qui vous propulsent directement dans les rues sombres d'un Dark City, ou en plein milieu de cette nuit sans fin d'Inland Empire, ou encore, entre les rideaux et les lumières tamisées du Bang Bang Bar, ce bar spectacle interlope et onirique de Twin Peaks. 

Entre rêve et réalité, les titres s'enchainent de la même manière que se déroulent des scènes d'un film. Pour un peu, je serais aussi tentée de comparer l'ambiance de l'album à celle d'un Neon Demon ou d'un Under the Silver Lake. Un monde à la fois connu, mais truffé de secrets ; des scènes à la fois étranges et parsemées d'impression de déjà vu. C'est d'une beauté sombre, profonde et incroyable, comme cette plongée hypnotique et cathartique de "Dive", suivie par le charme terriblement sirénien de "Aphotique", porté par une voix envoûtante sur une musique éthérée, qui vole votre âme et l'emporte dans les profondeurs, cachée sous le secret des flots argentés, pour toujours ; l'âme de Beth Gibbons n'est pas loin dans ce timbre de voix. Et tout cela, sans parler de "No Saints Allowed", très belle reprise du groupe EBM Indus Mindless Faith

"Cold Comfort" et "Shadow Blind", sombres et dramatiquement romantiques, renouent avec la tradition coldwave/gothique, l'aventure approche de sa fin, c'est la nuit, la ville est toujours poussiéreuse, immuable avec ses tours et ses dédales de béton ; le ciel est toujours d'une profondeur ténébreuse, seules les étoiles éclairent la surface des fenêtres, sur lesquelles la pluie tapote de ses dards cristallins. 

Il est temps de rentrer à la maison. 

Blue Ruin, avec ses mélodies tantôt rapides et agressives, tantôt éthérées et sensuelles, est sombre et beau. C'est l'histoire d'une ville sans nom et sans âge, c'est l'histoire de quelqu'un qui, un jour, se réveille en plein milieu de la nuit et découvre soudain les secrets du monde par le truchement des rêves dans les interstices de la réalité, et depuis lors, erre sur le bord du temps.

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Dee Cooper


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Nom du groupe en gras:

 

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