Chronique | PHONOPATHS - "Sandwich, Ducks and Dishwashers: The Chronicles of Supertaste" (Album, 2019)


PhonoPaths - "Sandwich, Ducks and Dishwashers: The Chronicles of Supertaste" (Album, 2019)

Tracklist :

01. Chasing The Big Sandwich
02. Readysh
03. Down with the Over eater of Ducks Egg Omelets
04. OroNiRik
05. Trail To Trial To Hell
06. Bullyshwashers
07. Supertaste
08. AnArchik Kream Party

Extrait à écouter :



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Il y a des histoires que l'on aime entendre être contées. Des histoires, atemporelles, mythiques qui transcendent les âges et inspirent les générations. Le Metal est un témoin privilégié de cette actualisation des mythes, les histoires sur les Celtes, les Vikings sont légions, il n'existe aucune histoire qui n'y soit pas passée. Mais avec PhonoPaths nous sommes loin, très loin des épopées homériques... quoi que pas tant que ça.

L'intrigue se déroule lorsqu'un nain nommé Oro – on notera la similitude avec Ubu – abandonne son poste de gardien du Grand Portail pour se confectionner le plus merveilleux des sandwichs. Mais très vite ses responsabilités le rattrapent, et Oro va vivre une aventure pleine de rencontres avec des personnages bizarres avant de devenir Supertaste, un super-héros qui sauvera le royaume de l’injuste Ding Sinned Pin – bisous Xi Jinping – qui prive ses infidèles sujets du sens du goût...

A la lecture du synopsis, la première idée qui me vient en tête c'est encore un délire débile à la Ultra Vomit … Alors que j'allais ignorer superbement et de façon totalement condescendante le groupe, la curiosité me pris. Et grand bien m'en fit ! Sandwich, Ducks and Dishwashers: The Chronicles of Supertaste est une ode superbe à l'absurde. Les formes ne sont plus, les cadres du Metal Extrême volent en éclats, mille et un éclats qui deviennent chacun des pièces de cette fable surréaliste et initiatique. L'aventure commence lorsque qu'une voix d'outre-tombe, désincarnée nous susurre à l'oreille qu'il est temps d'aller nous faire un, non pas un sandwich mais LE sandwich. Alors que le chant se fait guttural, symbole de la détermination d'Oro la musique s’accélère, les bits électro font résonner les sonorités Black et Death Metal. Le chant est là aussi une alternance, entre chant clair et guttural, qui nous rappel ce que Kyo à fait de mieux dans Dir En Grey. Le sandwich devient une obsession. ''Readysh'' fait résonner dès ses début les influences 8 bits des vieux jeux vidéos, et l'impression d'une aventure entre le jeu de plates-formes et le film « Jeanette ». Impression renforcée avec des parties électro suivies d'un piano digne d'Igorrr. Une expérimentation violente, une immersion totale qui prend place grâce à des passages lourds, malsains et viscéraux. La psychose s’accélère avec le tempo pour s'arrêter brutalement comme si, au final, Alice s'était éclatée la tête sur les carreaux du Pays des Merveilles. Le groupe laisse place à la narration, c'est une version Christopher Lee shootée qui nous accueille sur ''Down with the Over eater of Ducks Egg Omelets'' pour finir sur un nain qui aurait pris trop de Speed, la drogue hein, pas le Metal. PhonoPaths, peint, dépeint, repeint et mange du pain (il en faut pour les sandwichs), des paysages sonores totalement abstraits, psychédéliques et fantasmagoriques. ''OroNiRik'' est la rencontre qui n'aurait jamais du avoir lieu entre un temple bouddhiste et une fête foraine des plus malaisante, qui ravira les adeptes de Scare the Children. Le carillon des manèges se noie dans les mantras le tout avec des touches électros presque Synthwave voir Techno sur ''Trail To Trial To Hell''. Le groupe pousse l'expérimentation encore plus loin, intégrant sur certains morceaux comme sur ''Bullyshwashers'' des touches jazzy ou encore Metal industriel sur ''AnArchik Kream Party''.

Milles fois contées, milles fois écrites, les histoires et les légendes prenant le cadre d'un rite de passage ne se comptent plus. En raconter une, c'est raconter celui d'Ulysse lors qu'il part de Troie jusqu'à la nôtre, c'est raconter ce qui nous construit, les épreuves et l'expérimentation au sens large. Que ça parle d'Oro et de son sandwich, de notre avancée dans la vie, lorsque l'on passe à une nouvelle réalité, qui nous fait prendre conscience de la condition futile et mortelle de notre vie, il s'agit de la même histoire. Et comme le dit si bien Neil Gaiman : « quand la légende est plus belle que la réalité, il faut imprimer la légende ». Construisons notre propre légende, pour devenir notre super héros et être acclamé comme Oro après son retour ubuesque.

PhonoPaths, nous livre un album aux nombreux sens de lecture. La splendeur de l'expérimentation s'exprime sur chaque plateau, chaque morceau. À l'image des Monthy Python, la forme absurde et humoristique regorge de profondeur. Il se pourrait que j'extrapole, que je vois du sens où il n'y en à pas, c'est vrai, mais la force d'évocation est là, même si le sens que j'y inscrit n'est pas le bon. Le groupe livre une légende, absurde certes, mais une légende, et comme toutes les légendes, une fois dans le monde, elle appartient à tous. Face à elle, nous sommes libres de prendre son sens premier, de vouloir se concentrer sur la forme expérimentale et humoristique, puis plus tard s'enfoncer dans les méandres de ce monde. Sandwich, Ducks and Dishwashers: The Chronicles of Supertaste n'est pas le fruit du hasard tant l'expérimentation est complexe et maîtrisée. La première écoute devient une porte, puis s'en suive la seconde, une troisième et on se surprend à chercher, fouiller. La question est : Quoi ? Que cherchons-nous après la première écoute ? Mais avons-nous vraiment besoin d'une raison pour se plonger de nouveau dans un univers ? Au final, aller chercher un sandwich, c'est pas plus con que d'aller jeter un anneau et en plus ça se mange au moins.

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Auteur : Morgan



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