Chronique de livre | Black Metal : The Cult Never Dies, Volume I (2016)

Black Metal - Into the Abyss, Dayal Patterson
(traduit de l'anglais par Emilien Nohaïc)

Black Metal - The Cult never Dies premier volume fait partie des oeuvres de référence du désormais très célèbre auteur Dayal Patterson, qui consacre sa vie à l’étude du genre et à l’écriture d’ouvrages généraliste et/ou spécifiques sur un genre, un groupe ou une esthétique musicale avec une volonté de faire état de ce qu’est, ce qu’a été ou ce que sera la scène Black Metal. Selon ses dires, cet ouvrage fait suite à Black Metal - Evolution of the Cult, premier tome de la série. Petit aparté : ce premier ouvrage est consacré à la genèse du Black Metal et son ascension au cours des trois dernières décennies. Revenons à The Cult Never Dies dont un exemplaire m’a été offert par Emilien Nohaïc, à qui on doit la traduction française de cet ouvrage, et que je tiens à remercier pour ce présent.

Pour commencer, il ne faut pas considérer cet ouvrage comme encyclopédique sur le genre Black Metal. La volonté de Dayal Patterson est de proposer une étude la plus précise possible tout en étant aussi exhaustive que lui permet le format papier. C’est donc davantage la restitution d’un travail de recherche précis qu’une base de données sur un sujet plus général. 

Au regard du sommaire, cet ouvrage aborde trois lignes d’études distinctes : la scène norvégienne, la scène polonaise et le DSBM. Le premier chapitre est consacré à Satyricon et on comprend très vite par quel moyen Dayal nous conte l’histoire. Tel un roman dont le héros est l’auteur lui-même (la narration se fait par l’emploi du “je”), Dayal nous fait vivre ses interviews des figures éminentes de la scène étudiée, à l’image de Satyricon, choisi pour ouvrir l‘ouvrage. L’interview en question est guidée de sorte à ce que l’histoire et l’évolution du Black Metal soit racontée au travers du vécu du groupe et notamment par les liens connexes établis avec les formations proches de ce dernier. Ce moyen d’écriture est judicieux. Il permet à la fois immédiatement d'illustrer le sujet traité, mais aussi de rendre la lecture agréable et facile. Sans partir sur une écriture proche de la fiction, l’alternance entre description, annonce de témoignage et le témoignage en question varie l’expérience de lecture et les pages défilent rapidement sans que nous n'en perdions une miette. 

Sans en dévoiler trop pour ne pas gâcher le plaisir de la lecture, abordons un instant le chapitre de Satyricon dans le but d’illustrer la manière dont Dayal construit son ouvrage. La carrière même de Satyricon n’est qu’une façade. Une frise chronologique permettant de situer des événements parallèles importants au sein de la scène norvégienne. Interview de Satyr oblige, la majorité de ces événements concernent l’implication du frontman dans divers projets annexes ou pour le compte d’autres éminentes formations (tels que Darkthrone) grâce à son label Moonfog. 

A l'instar du chapitre sur Satyricon, le chapitre suivant aborde directement la carrière du groupe Manes en faisant quelque peu abstraction au monde qui l'entoure, du moins après l'introduction. À la lecture de ce chapitre, je trouve un peu dommage de changer brusquement d'univers, sans lien connexe avec le long chapitre consacré à Satyr. Ayant tout d'abord pris ce livre comme un ouvrage uni, je pense au final qu'il faut y entrevoir une série de nouvelles, divisées en trois style (la Norvège, la Pologne et le Dsbm) et indépendantes les unes des autres. Et le troisième chapitre sur Kampfar ne déroge pas à la règle. Arrivant un peu comme un cheveu sur la soupe, on regrette le manque de transition ou au moins de conclusion nette à chaque fin de chapitre. Pour moi qui ai choisi de lire une grande partie du livre d'une traite, je restais à chaque début de chapitre dans l'ambiance du précédent. Jusqu’à la fin de la première partie consacrée à la Norvège, le même schéma se répète avec tour à tour la présentation de Solefald et Wardruna. S’ensuit un chapitre consacré à Theodor Kittelsen qui apporte enfin un véritable élan de fraîcheur dans le livre : l’étude d’un peintre dont les oeuvres ont été largement reprises par - ou ont inspiré - les formations de Black Metal. 

Ce chapitre, dernier de l’épisode sur la Norvège, casse (enfin) le rythme trop biographique instauré dans cet ouvrage avec une réelle problématique qui unit deux formes d’arts. Malheureusement, cette évasion est de courte durée car la suite de l’ouvrage reprend le schéma instauré avec la focalisation sur les groupes de la scène polonaise, puis la scène DSBM.

Voici d’ailleurs la liste des chapitres du livre qui rend compte des différents sujets d’études abordés :

  • La Norvège, une introduction
  • Satyricon et l’histoire de Moonfog
  • Manes
  • Kampfar
  • Solefald
  • Wardruna : la tête dans les étoiles, les pieds dans le black metal
  • Theodor Kittelsen et l’esthétique du black metal
  • Pologne, une introduction
  • Xantotol
  • Mastiphal
  • Arkona
  • Evilfeast
  • Mgla & Kriegsmaschine
  • DSBM, une introduction
  • Strid
  • Bethlehem
  • Silencer
  • Forgotten Tomb
  • Total Negation

Si prometteur dans le titre, je reste néanmoins sur ma faim avec cet ouvrage. Malgré l’ajout de beaucoup de citations recueillies auprès des groupes par Dayal Patterson qui enrichissent le propos, la majorité de l’ouvrage reste à mon goût trop enfermé dans une structure biographique avec un parcours de la carrière du groupe sans quitter le sentier chronologique.

Dommage, car le premier chapitre partait bien avec une ligne directrice originale et une facette plus méconnue de Satyr, s’éloignant d’une simple présentation de Satyricon. À l’image de l’étude de deux formes d’arts proposée dans le chapitre “Theodor Kittelsen et l’esthétique du black metal”, une étude moins conventionnelle de la scène Black Metal aurait réellement apporté un savoir supplémentaire.

Ainsi, tout comme Black Metal, Into the Abyss étudié précédemment, cet ouvrage vise un public en pleine découverte de la scène. Il n’apportera pas de réelles connaissances aux personnes impliquées dans le Black Metal, ou un minimum connaisseur de son histoire et de ses grands noms.
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W.G.
Dayal Patterson
Black Metal – The Cult Never Dies, Volume One
(traduit de l'anglais par Emilien Nohaïc)
paru le 21 juin 2016
Camion Blanc - 462 pages
36€

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