Chronique | SUMMONING - With Doom We Come (Album, 2017)


Tracklist:

01. Tar-Calion
02. Silvertine
03. Carcharoth
04. Herumor
05. Barrow-downs
06. Night Fell Behind
07. Mirklands
08. With Doom I Come

Extrait



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Sentez-vous cette tension dans l'air ? L'album, sorti depuis maintenant quelques semaines, semble secouer un peu les fans, ce n'est pas sans me rappeler les fans de Star Wars en réaction avec le dernier opus de la saga. Mais que s'est il donc passé ? Let's find out ! With Doom We Come est ainsi le 8ème opus forgé par Silenius et Protector, le duo autrichien formant Summoning. Une nouvelle fois c'est donc Napalm Records qui sort cet album avec une multitude de formats disponibles à la précommande, deux box ultra limitées, CD et LP, ainsi que plusieurs choix de couleurs pour les vinyles, et même une édition K7 audio. Couplé à un intense teasing de la part du groupe et du label qui diffuse de courts teasers ainsi que les lyrics des morceaux au compte-gouttes, les attentes pour ce nouvel opus des maîtres atteignent très vite les cimes. Afin de proposer une chronique un peu pédagogique, je m'équiperai de mes meilleures armes : une encyclopédie du monde de Tolkien ainsi que du site Tolkiendil, représentant une bonne base de données en la matière. Alors .. ne perdons pas plus de temps et embarquons immédiatement pour Númenor !

Les Valar firent émerger à l'aube du second âge du soleil une île en forme d'étoile au milieu de la Mer Occidentale, entre la Terre du Milieu et Valinor. Cette île devint Númenor, et fut l'un des joyaux les plus glorieux de ce monde, le royaume de Númenor atteignit son apogée sous le règne d'Ar-Pharazon, aussi appelé Tar-Calion en langue Quenya …

Tar-Calion, le vermeil, l'orgueilleux, à la gloire si grande... et surtout le dernier des rois de Númenor, qui causa la chute de son propre royaume. Le morceau nous conte visiblement la soumission de Sauron à Tar-Calion après sa capture, d'où le ''Kneel to your conqueror !'' scandé à maintes reprises par le roi. 'Tar-Calion' se caractérise par une atmosphère panthéonique et solennelle, les toms sont martelés avec détermination et résonnent alors sur toute l'île et par delà la mer. Bientôt, la guitare fait son entrée accompagnée d'airs cuivrés solennels avec une mélodie presque orientalisante. Les samples utilisés me font penser à un Sauron réticent et enchaîné, traîné devant le Roi pour s'y soumettre. On entend alors le dialogue entre la voix humaine d'Ar-Pharazon et les imprécations caverneuses de Sauron. 'Tar-Calion' apparaît donc comme un morceau d'introduction très ambiancé, sans véritables lyrics mais avec plutôt une représentation musicale de la confrontation de deux figures extrêmement puissantes.

Pour se venger de telle humiliation, le serviteur de Morgoth ne tardera pas à corrompre Tar-Calion et son peuple, afin de les retourner contre les Valar (les dieux) qui causeront leur anéantissement, la splendeur de Númenor sera alors submergée à jamais ...

Souvenez vous de Gandalf le Gris, esprit maia de grande valeur et mage en Terre du Milieu, ayant combattu à mort le Balrog dans les profondeurs de Khazad-Dûm, c'est sur le mont Silvertine, le plus haut des monts brumeux, aussi connu sous le nom de Celebdil, que notre mage donnera sa dernière bataille au sommet de la Tour de Durin …

Ce morceau sera probablement l'un des favoris de beaucoup, car sûrement le plus épique de l'album et évocateur des précédents travaux de Summoning, avec ses cors cuivrés résonnants entre les monts brumeux et ses chœurs masculins solides et enthousiastes. Enthousiaste. C'est je pense une bonne définition de ce titre, dès l'entrée en jeu de la guitare, la suite de notes entamée se veut résolument entraînante. La voix déchirée exécutée par Silenius se prête parfaitement à ce décor montagneux grandiose, glacial, venteux et impitoyable. Ce morceau décrit la découverte par un homme de la légendaire Tour de Durin en haut du Mont Celebdil, taillée à même le roc.

Morgoth recueilli un jour un louveteau Draugluin qu'il nourrit de chair vivante, celui-ci devint vite immense et terrifiant, perpétuellement affamé et animé d'un feu ardent, Carcharoth ou « Machoîres sanglantes » devint le gardien des portes de la forteresse d'Angband, et nul ne pouvait s'y opposer physiquement …

Nous retrouvons ici Protector au chant, intégrant pour la première fois dans Summoning un chant forcé et éraillé, désespéré, et je trouve très mélancolique, comme celui qu'on avait pu entendre déjà sur le single sorti en avant première 'With Doom I Come'. Je trouve ce titre très monolithique, avec une base rythmique inflexible et, phénomène qu'on retrouvera sur tout l'album, une guitare stable, électrifiant l'ensemble de manière assez minimaliste. Lors de l'écoute, on me signale la ressemblance avec le morceau 'Mistrust' de Der Verbannte Kinder Evas, un side-project de Protector, et cela est effectivement assez flagrant …

Et tel le scintillement des épées à la lueurs du feu, les crocs de Carcharoth se refermèrent sur le bras de Beren, lui arrachant, en plus de son membre, le Silmaril qu'il venait de récupérer …

Herumor était un numénoréen noir, résolument maléfique car descendant des hommes corrompus par le mal de Sauron sur l'île de Numenor, il acquit puissance et gloire chez les Haradrims, peuple guerrier et belliqueux vivant au sud de Mordor, obéissant au lieutenant de Morgoth …

Cette piste en particulier est d'un grand raffinement, plutôt variée dans ses sonorités, sauf dans la guitare, quoique peut être un peu moins impassible qu'auparavant, celle ci donne l'impression de serpenter entre les nappes de claviers à la manière d'un Glaurung descendant de sa montagne dans un sillage de feu. 'Herumor' est un morceau épique et entraînant dès les premières notes, la voix de Silenius suivant le rythme et les notes de guitare. Les choeurs résonnent et prennent une dimension splendide dans la seconde partie du morceau, nous faisant partager la gloire de cet homme…

L'album se fend alors de 'Barrow-Downs', un petit interlude instrumental, sympathique et assez intéressant au niveau de ses percussions, quoiqu'un peut court... mais celui ci est bienvenu et marque la moitié de l'album…

Souvent les hommes sont appelés à prendre les armes, les querelles ayant de tout temps déchirées le monde et ses habitants, ceux-là n'ont d'autre choix que de se battre pour défendre ce qui leur est cher, et s'accaparant tout triomphe à leur portée …

'Night Fell Behind' est un morceau lointain, torturé, noyé dans la mélancolie des sombres vents de la guerre, nous retrouverons alors ici des percussions évoquant le cliquetis des armures d'une armée en marche, scintillantes au clair d'une lune complète. Un sombre cor, discret, se laisse entendre au loin, et plus tard des percussions militaires sur fond de mélodie de harpe et de la peau sourdement frappée d'un tambour. Toutefois, on sent comme une certaine lassitude... une impression vraiment liée au Chant de Protector, malgré un texte déclamé très guerrier (''Notre devoir d'hommes est de nous battre, et les héros aiment mourir !''), je ressens davantage l'aspect tragique de la guerre dans cet instant.

Après une vie d'aventures, certains héros, épuisés, aiment à se retirer, et retrouver la chaleur d'un foyer, abandonnant ainsi le monde cruel qui les forgea … Voilà le repos des guerriers et des braves...

'Mirklands' est un long morceau, mélancolique. Là encore, c'est un adieu au monde tumultueux et une promesse de retour à une vie calme, apaisée, afin de panser ses plaies et de guérir de ses blessures. Une piste très ambiante, où l'homme aux vieux os endoloris pose alors son heaume cabossé et l'épée de ses aïeux sur le rebord de la cheminée, seul et au son d'une mélopée contant sa gloire passée.

Prenons désormais du recul, incarnons la brume, les vents et l'essence d'Arda pour apprécier cette dernière mélopée, faisant référence aux premiers âges du monde, où le Soleil et les premiers hommes n'avaient pas encore connu l'éveil ... Morgoth le Valar maléfique s'installa dans le Nord de la Terre du Milieu et bâtit sa première forteresse Utumno (Udûn) .. voilà alors une imprécation de ce dernier, appelant à la mort de l'amour, de l'ordre, des Valar royaux Manwë et Varda …


Dernier morceau de l'album, fin du voyage. Silenius et Protector nous réservent un morceau presque éponyme car intitulé 'With Doom I Come'. C'était le single sorti en avant-première pour la promotion de l'album et celui ci avait surpris de par le chant de Protector. Je pense que ce morceau fonctionne un peu comme la clé de voûte de l'album et clôt ce dernier en attirant l'ambiance sur quelque chose d'entêtant, de cosmique, et en donnant tout simplement une impression de « fin » et de descente majestueuse, renforcée par des lyrics allant résolument dans ce sens. Un morceau de plus de 11 minutes avec une évolution tout du long. 


Pour synthétiser mon ressenti, j'avancerai en premier lieu que l'album ne se laisse pas si facilement apprivoiser... est-ce normal de la part d'un album de Summoning ? En tout cas c'est assez surprenant, le groupe nous ayant habitué à des compos plus « directement accrocheuses » et peut être aussi plus enjouées et conquérantes. La production rend probablement ici l'ensemble de l'album plus réservé et timide sur le plan sonore, combiné au fait que davantage de morceaux tirent sur la mélancolie et moins sur la grandiloquence et la démonstration, comme ce à quoi le duo nous avait pu plus ou moins nous habitués. Aussi, les deux premiers morceaux, 'Tar-Calion' et 'Silvertine' ont cependant une vraie dimension épique, et on retrouvera aussi une ambiance particulièrement splendide sur le morceau 'Herumor' qui est à mon sens un des meilleurs de l'album. Les autres pistes m'évoquent davantage une certaine tristesse, même si le choix des instruments synthétisés reste très cohérent avec la patte de Summoning. Une mention très spéciale à 'Night Fell Behind' qui est lui aussi un splendide morceau, stimulant l'imaginaire. Sur mon édition physique de l'album, je peux remarquer que Silenius et Protector ont alterné leur chant pour une piste sur deux, et ont tous deux participé aux chœurs pour les morceaux 'Herumor' et 'With Doom I Come'. Les chœurs expérimentés sur ces deux morceaux font véritablement mouche, et peut-être aurait on apprécié les entendre ailleurs également. Concernant les percussions, ces dernières ont une aura assez inflexible et monolithique, peut-être moins « vivantes » que celles qu'on pouvait entendre sur Let Mortal Heroes Sing Your Fame par exemple, même si dans les deux cas de figure il s'agît toujours d'instruments synthétisés. En revanche, leurs sonorités et les rythmes développés sont vraiment plaisants à écouter, j'ai toujours adoré les percussions de Summoning, avec la part belle fait aux rythmes mid tempo et aux montées résonnantes de toms, le tout couplé à l'inévitable tambourin, apportant la dimension médiévale à la chose, celle que nous aimons tant … Pour en revenir sur le choix des instruments, j'ai particulièrement apprécié cet instrument à cordes (pincées?) qu'on entend notamment sur 'Tar-Calion' où il est très mis en avant, mais aussi sur d'autres morceaux, notamment dans la seconde partie de l'album.

Je rappelle aussi, qu'il s'agit d'un album créé sur la base de riffs et de mélodies qui avaient été conçues lors de la réalisation du prédécesseur Old Mornings Dawn, Silenius et Protector livrent donc dans une interview pour Metallian (n°104-2017) qu'ils voient cet album comme une suite de l'album de 2013. J'ai personnellement un peu de mal à voir With Doom We Come comme un second Old Mornings Dawn, aussi bien en termes de composition qu'en termes de production, car je n'ai pas vraiment une atmosphère raccord à ce dernier.  

C'est un album qui sera pour moi très attachant, voire touchant si l'on prend le temps de s'en imprégner véritablement. Ma première écoute n'a pas été ma plus transcendante, certainement pas (ni la seconde ou la troisième, en fait), mais ce fut suffisant pour piquer ma curiosité et me lancer dans une quête de compréhension de cet album, par divers moyens. L'écoute du vinyle sur la chaîne Hi-Fi était déjà clairement un plus ... Aussi, la mise en condition est je pense importante pour apprécier With Doom We Come, consacrer du temps à son écoute uniquement, et si possible s'intéresser un peu à l'univers "autour" des morceaux. Je pense qu'il y a plusieurs portes d'entrée pour accéder à cet album, et plusieurs couloirs à explorer ensuite. Au fil des écoutes j'ai pu l'apprécier bien plus que prévu, et j'ai pris beaucoup de plaisir à l'écouter, tout en me documentant sur l'univers et ses thèmes abordés. Bref, si j'avais un château pour chaque album sorti par Summoning, je me sentirais toujours bien chez moi dans le dernier.

Aussi, je m'excuse de ne pas traiter les deux morceaux du CD bonus Echoes of The World of Old car je ne les ai tout simplement pas à disposition et ils ne figurent pas sur mon édition physique, ainsi j'imagine que l'album doit se suffire à lui même.

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