Darkenhöld - "Memoria Sylvarum" (Album, 2017)
Tracklist:
01. Sombre Val
02. La Chevauchée des Esprits de Jadis
03. Ruines Scellées en la Vieille Forêt
04. A l'Orée de l'Escalier Sylvestre
05. La Grotte de la Chèvre d'Or
06. Sous la Voûte de Chênes
07. Clameur des Falaises
08. Errances (Lueur des Sources Oubliées)
09. Présence des Orbes
Extrait en écoute:
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Darkenhöld est un groupe qui occupe une place de choix dans le panthéon des artistes ayant provoqué chez moi un appétit particulièrement grand pour la musique aux accents oniriques, glorifiant un passé mythifié. Le rôle important accordé aux sonorités typiques d'une époque encore vivante par l'héritage culturel poignant qu'elle nous laisse, convoque alors des sentiments nostalgiques. Les mélodies lumineuses qui sortent des abysses de "A Passage To The Towers", les riffs catchy ainsi que des passages acoustiques et contemplatifs constituaient les premiers ingrédients qui allaient affiner mes goûts et mes exigences afin d'abolir l'image naïvement néfaste que je me faisais du Metal Extrême, en m'encourageant à m'intéresser de près au Black Metal scandinave des années 1990.
J'ai donc suivi avec attention l'évolution de Darkenhöld d'album en album, et c'est vraiment le côté médiéval et l'atmosphère unique s'en dégageant qui me séduit sur la durée, au côté de ces influences Heavy Metal mises en avant et assumées. Celles-ci réfutent à elles-seules l'affirmation délirante selon lequel le Black Metal serait sorti de nulle part, s'opposant au Blues et tout ce qui existait auparavant, niant ses influences Rock & Punk comme certains propos tenus dans le documentaire "Bleu Blanc Satan" le soulignent. Le chant Black Metal de Cervantes, mais aussi ses textes parlés ou chuchotés, donnent à cette musique une aura funèbre qui sied bien à l'idée sombre et négative que l'on se fait de la vie à cette époque, mais aussi aux mystères et aux interrogations qui dominaient les croyances des esprits médiévaux. C'est sur cette facette positive de notre imaginaire médiéval que le groupe semble insister.
Le titre de ce quatrième opus, "Memoria Sylvarum" (la Mémoire des Bois en langue latine) inscrit pour la première fois l'album en dehors du thème des châteaux forts et autres citadelles médiévales qui inspirent tant les musiciens, bien que ces bâtisses restent présentes en arrière-fond comme le visuel le montre avec cette robuste tour camouflée derrière la végétation. Si l'on se fie aux pochettes, toutes signées Claudine Vrac, le premier album sonnait la découverte d'une citadelle aperçue du haut d'une crête, l'aquarelle donnant une impression de vision nébuleuse se rapprochant d'un songe, tandis que les deux suivants nous faisaient pénétrer à l'intérieur de la mystérieuse bâtisse. Celui-ci nous extirpe du monde humain, espace maîtrisé, pour nous mener en des contrées inconnues et sacrées qui concentrent nos peurs et nos espoirs, où les esprits de toutes sortes, survivances païennes, se rencontrent. Tout cela promet une musique encore plus onirique et prenante, tout autant que le voyage périlleux qui s'annonce. Une autre évolution s'observe elle aussi sur la durée, puisque Darkenhöld a complètement abandonné les paroles en anglais, "Memoria Sylvarum" ne comportant que des titres chantés ou écrits en français.
Notre périple débute en un sombre val, qui commence sur une courte introduction à la guitare acoustique dont le motif orné ne cessera d'accompagner les riffs tumultueux qui s'ensuivent jusqu'au solo de fin. Contrairement à "Castellum" qui nous assenait dès le départ un morceau très long, "Memoria Sylvarum" est introduit par un morceau court - à peine trois minutes - qui concentre presque tous les éléments que l'on pourrait attendre de la part des Niçois. Il manque juste les dungeon synths que nous retrouverons plus tard, sur 'La Grotte de la Chèvre d'Or', qui reste fidèle à la forme habituelle des intermèdes de la discographie des musiciens. Le titre de ce morceau reste à bien des égards intéressant puisqu'il montre que Darkenhöld puise dans le patrimoine culturel et l'histoire de sa propre région pour construire son identité résumée par le terme "Provencum Black Metallum". En effet, la Chèvre d'Or est une figure mythique datant des raids sarrasins en Provence qui garde les trésors des envahisseurs, dont les interprétations sont changeantes selon les régions, et qui rappelle le mythe de la Toison d'Or...
N'anticipons pas de trop et continuons notre chevauchée avec les esprits de jadis, sur des riffs totalement Speed/Heavy Metal. La sauce prend à merveille, et rarement le groupe n'avait autant insisté sur cette influence, de manière aussi marquée. Cela donne au voyage un goût aussi épique que le précédent morceau lui donnait une teinte chimérique. Pas de doute, l'opus sera varié et riche en surprises, malgré le fait que le groupe demeure adepte des mêmes codes pour composer ses morceaux. L'imagination travaille tout autant lorsqu'elle est contrainte à respecter la démarche voulue dès le départ, telle est la réflexion qui ressort de mon écoute.
Le morceau qui s'ensuit, 'Ruines Scellées en la Vieille Forêt', se révèle vraiment typique du Black Metal scandinave des années 90, me rappelant Enslaved mais aussi Kampfar avec ces lines de basse et une construction de riffs typiques de "Mellom Skogkledde Aaser". Ajoutons à cela un clavier évoquant la nostalgie de temps dont les souvenirs sont inscrits dans les pierres égarées d'une clairière, aux confins des chemins sinueux, et nous avons là un Black Metal authentique, froid mais aussi mélodique, tout à fait ensorcelant et fascinant. La forêt devient havre de paix, libérateur des tourments de la vie moderne, où il n'y a plus la place pour méditer ou simplement rêver d'éternité, en communion avec nos ancêtres.
On s'élève vers les cieux en prenant l'escalier sylvestre, dont les feuilles dorées qui tapissent ses marches branchues nous emplissent de leur salvatrice lumière. Les riffs conquérants qui introduisent le morceau sont exactement la raison même qui m'a poussé à jeter une oreille attentive sur leur premier album il y a quelques années déjà. Sous une forme renouvelée, ils produisent les mêmes effets, avec ces choeurs qui ajoutent de la ferveur à ce conte épique et fantastique. L'intervention de la pluie de notes acoustiques associée à la montée en puissance des guitares électriques sont d'une efficacité à toute épreuve, peut-être l'un des moments les plus poignants de ce "Memoria Sylvarum"... pour l'instant.
Après une halte à 'La Grotte de la Chèvre d'Or', dont les claviers aux sonorités diversifiées donnent à ce genre d'intermède plus d'intérêt et de pertinence que dans les opus précédents, abritons nous sous la voûte de chênes. Dans la symbolique occidentale, le chêne est arbre connu pour la sagesse qui en émane, symbole de majesté et de force, puisqu'il attire la foudre. D'ailleurs, les termes "chêne" et "force" se traduisent en latin par le même mot, robur, qui renvoie à la force aussi bien mentale que physique. Cela transparait dans la musique véhémente, dense et massive de Darkenhöld, qui nous convie en ce temple naturel habité par les nymphes. Le remarquable motif de lead guitar que nous entendons au début nous élève vers ces voix célestes et hospitalières, renforçant l'aura magique et protectrice que l'on prête à cet arbre.
Notre chevauchée arrive à son terme sur des falaises, desquelles s'élève une clameur. L'écriture de cette chanson a été inspirée par des séjours à Gourdon, village-citadelle situé sur une colline dominant le paysage occitan. On sort donc de la forêt magique pour disposer d'un panorama inspirant ces riffs épiques et conquérants qui jalonnent l'album de part en part, cet éperon ayant repoussé maints envahisseurs. La musique qui nous est proposée exprime bien cette idée victorieuse, comme le sentiment qui nous anime lorsque nous voyons le bout d'une longue traversée.
Pourtant, celle-ci n'est pas encore tout à fait terminée car à ce morceau succèdent 'Errances (Lueur des Sources Oubliées)', avec toujours cette guitare acoustique et ces choeurs qui sonnent un début d'adieu, ainsi que 'Présence des Orbes', long final qui boucle ce quatrième opus comme il se doit. Le motif de lead guitar qui nous enivre en ces derniers instants me rappelle, en terme d'harmonie, la fin de 'À l'Orée de l'Escalier Sylvestre'. C'est de loin le titre le plus inspiré de "Memoria Sylvarum". Fantasmagorique, il évoque des esprits invisibles qui peupleraient les espaces les plus sauvages, retirés de l'activité humaine, avec des parties de flûte qui insistent sur ce côté charmeur qui pourrait bien nous emprisonner à jamais en ces contrées profanes et oubliées des hommes, épargnées par leur agitation.
Ajoutons à cela que le groupe a mis un point d'honneur à rendre ce résultat le plus authentique possible, en l'auto-produisant, avec un mix et un mastering assurés par le guitariste Aldébaran. Tout ce que l'on entend dans cet album est le fruit du travail des musiciens, aucun sample ou quoique ce soit d'autre n'a été ajouté. "Memoria Sylvarum" sera disponible aux éditions de la Vieille Tour très prochainement, et finira très probablement dans les collections de nombreux adeptes!
J'ai donc suivi avec attention l'évolution de Darkenhöld d'album en album, et c'est vraiment le côté médiéval et l'atmosphère unique s'en dégageant qui me séduit sur la durée, au côté de ces influences Heavy Metal mises en avant et assumées. Celles-ci réfutent à elles-seules l'affirmation délirante selon lequel le Black Metal serait sorti de nulle part, s'opposant au Blues et tout ce qui existait auparavant, niant ses influences Rock & Punk comme certains propos tenus dans le documentaire "Bleu Blanc Satan" le soulignent. Le chant Black Metal de Cervantes, mais aussi ses textes parlés ou chuchotés, donnent à cette musique une aura funèbre qui sied bien à l'idée sombre et négative que l'on se fait de la vie à cette époque, mais aussi aux mystères et aux interrogations qui dominaient les croyances des esprits médiévaux. C'est sur cette facette positive de notre imaginaire médiéval que le groupe semble insister.
Le titre de ce quatrième opus, "Memoria Sylvarum" (la Mémoire des Bois en langue latine) inscrit pour la première fois l'album en dehors du thème des châteaux forts et autres citadelles médiévales qui inspirent tant les musiciens, bien que ces bâtisses restent présentes en arrière-fond comme le visuel le montre avec cette robuste tour camouflée derrière la végétation. Si l'on se fie aux pochettes, toutes signées Claudine Vrac, le premier album sonnait la découverte d'une citadelle aperçue du haut d'une crête, l'aquarelle donnant une impression de vision nébuleuse se rapprochant d'un songe, tandis que les deux suivants nous faisaient pénétrer à l'intérieur de la mystérieuse bâtisse. Celui-ci nous extirpe du monde humain, espace maîtrisé, pour nous mener en des contrées inconnues et sacrées qui concentrent nos peurs et nos espoirs, où les esprits de toutes sortes, survivances païennes, se rencontrent. Tout cela promet une musique encore plus onirique et prenante, tout autant que le voyage périlleux qui s'annonce. Une autre évolution s'observe elle aussi sur la durée, puisque Darkenhöld a complètement abandonné les paroles en anglais, "Memoria Sylvarum" ne comportant que des titres chantés ou écrits en français.
Notre périple débute en un sombre val, qui commence sur une courte introduction à la guitare acoustique dont le motif orné ne cessera d'accompagner les riffs tumultueux qui s'ensuivent jusqu'au solo de fin. Contrairement à "Castellum" qui nous assenait dès le départ un morceau très long, "Memoria Sylvarum" est introduit par un morceau court - à peine trois minutes - qui concentre presque tous les éléments que l'on pourrait attendre de la part des Niçois. Il manque juste les dungeon synths que nous retrouverons plus tard, sur 'La Grotte de la Chèvre d'Or', qui reste fidèle à la forme habituelle des intermèdes de la discographie des musiciens. Le titre de ce morceau reste à bien des égards intéressant puisqu'il montre que Darkenhöld puise dans le patrimoine culturel et l'histoire de sa propre région pour construire son identité résumée par le terme "Provencum Black Metallum". En effet, la Chèvre d'Or est une figure mythique datant des raids sarrasins en Provence qui garde les trésors des envahisseurs, dont les interprétations sont changeantes selon les régions, et qui rappelle le mythe de la Toison d'Or...
N'anticipons pas de trop et continuons notre chevauchée avec les esprits de jadis, sur des riffs totalement Speed/Heavy Metal. La sauce prend à merveille, et rarement le groupe n'avait autant insisté sur cette influence, de manière aussi marquée. Cela donne au voyage un goût aussi épique que le précédent morceau lui donnait une teinte chimérique. Pas de doute, l'opus sera varié et riche en surprises, malgré le fait que le groupe demeure adepte des mêmes codes pour composer ses morceaux. L'imagination travaille tout autant lorsqu'elle est contrainte à respecter la démarche voulue dès le départ, telle est la réflexion qui ressort de mon écoute.
Le morceau qui s'ensuit, 'Ruines Scellées en la Vieille Forêt', se révèle vraiment typique du Black Metal scandinave des années 90, me rappelant Enslaved mais aussi Kampfar avec ces lines de basse et une construction de riffs typiques de "Mellom Skogkledde Aaser". Ajoutons à cela un clavier évoquant la nostalgie de temps dont les souvenirs sont inscrits dans les pierres égarées d'une clairière, aux confins des chemins sinueux, et nous avons là un Black Metal authentique, froid mais aussi mélodique, tout à fait ensorcelant et fascinant. La forêt devient havre de paix, libérateur des tourments de la vie moderne, où il n'y a plus la place pour méditer ou simplement rêver d'éternité, en communion avec nos ancêtres.
On s'élève vers les cieux en prenant l'escalier sylvestre, dont les feuilles dorées qui tapissent ses marches branchues nous emplissent de leur salvatrice lumière. Les riffs conquérants qui introduisent le morceau sont exactement la raison même qui m'a poussé à jeter une oreille attentive sur leur premier album il y a quelques années déjà. Sous une forme renouvelée, ils produisent les mêmes effets, avec ces choeurs qui ajoutent de la ferveur à ce conte épique et fantastique. L'intervention de la pluie de notes acoustiques associée à la montée en puissance des guitares électriques sont d'une efficacité à toute épreuve, peut-être l'un des moments les plus poignants de ce "Memoria Sylvarum"... pour l'instant.
Après une halte à 'La Grotte de la Chèvre d'Or', dont les claviers aux sonorités diversifiées donnent à ce genre d'intermède plus d'intérêt et de pertinence que dans les opus précédents, abritons nous sous la voûte de chênes. Dans la symbolique occidentale, le chêne est arbre connu pour la sagesse qui en émane, symbole de majesté et de force, puisqu'il attire la foudre. D'ailleurs, les termes "chêne" et "force" se traduisent en latin par le même mot, robur, qui renvoie à la force aussi bien mentale que physique. Cela transparait dans la musique véhémente, dense et massive de Darkenhöld, qui nous convie en ce temple naturel habité par les nymphes. Le remarquable motif de lead guitar que nous entendons au début nous élève vers ces voix célestes et hospitalières, renforçant l'aura magique et protectrice que l'on prête à cet arbre.
Notre chevauchée arrive à son terme sur des falaises, desquelles s'élève une clameur. L'écriture de cette chanson a été inspirée par des séjours à Gourdon, village-citadelle situé sur une colline dominant le paysage occitan. On sort donc de la forêt magique pour disposer d'un panorama inspirant ces riffs épiques et conquérants qui jalonnent l'album de part en part, cet éperon ayant repoussé maints envahisseurs. La musique qui nous est proposée exprime bien cette idée victorieuse, comme le sentiment qui nous anime lorsque nous voyons le bout d'une longue traversée.
Pourtant, celle-ci n'est pas encore tout à fait terminée car à ce morceau succèdent 'Errances (Lueur des Sources Oubliées)', avec toujours cette guitare acoustique et ces choeurs qui sonnent un début d'adieu, ainsi que 'Présence des Orbes', long final qui boucle ce quatrième opus comme il se doit. Le motif de lead guitar qui nous enivre en ces derniers instants me rappelle, en terme d'harmonie, la fin de 'À l'Orée de l'Escalier Sylvestre'. C'est de loin le titre le plus inspiré de "Memoria Sylvarum". Fantasmagorique, il évoque des esprits invisibles qui peupleraient les espaces les plus sauvages, retirés de l'activité humaine, avec des parties de flûte qui insistent sur ce côté charmeur qui pourrait bien nous emprisonner à jamais en ces contrées profanes et oubliées des hommes, épargnées par leur agitation.
Ajoutons à cela que le groupe a mis un point d'honneur à rendre ce résultat le plus authentique possible, en l'auto-produisant, avec un mix et un mastering assurés par le guitariste Aldébaran. Tout ce que l'on entend dans cet album est le fruit du travail des musiciens, aucun sample ou quoique ce soit d'autre n'a été ajouté. "Memoria Sylvarum" sera disponible aux éditions de la Vieille Tour très prochainement, et finira très probablement dans les collections de nombreux adeptes!
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