Opeth - "Sorceress" (Album, 2016)
Tracklist :
01. Persephone
02. Sorceress
03. The Wilde Flowers
04. Will O the Wisp
05. Chrysalis
06. Sorceress 2
07. The Seventh Sojourn
08. Strange Brew
09. A Fleeting Glance
10. Era
11. Persephone (Slight Return)
12. The Ward (bonus track)
13. Spring MCMLXXIV (bonus track)
>> Extrait en écoute <<
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Force est de constater qu'Opeth a cherché à lutter contre la monotonie. Les contrastes sont frappants à toutes les échelles. Des instrumentaux secs, plein de groove et d'élans jazz, succèdent à des sonorités acoustiques veloutées et enchanteresses soutenues par de chauds mellotrons. La richesse des textures est assurée par un clavier protéiforme, qui adopte tantôt la légèreté sautillante du clavicorde dans "A Fleeting Glance", tantôt la résonnance d'un piano très boisé et distant dans l'introduction de la piste suivante, "Era" - introduction qui, dans sa construction minutieuse, prend malgré tout des petits airs de musique d'attente téléphonique... Ce motif un peu superficiel est néanmoins repris pour clore l'album sous le nom de "Persephone (Slight Return)", en écho au titre d'ouverture "Persephone". Même démarche pour la sorcière, personnage central de cet opus, qui se décline d'abord dans une scène hautement théâtrâle, avant d'apparaître dans le tableau bien plus intimiste et mystérieux qu'est "Sorceress 2". Opeth multiplie les points de vue, nous montre les différents visages de son vaste univers. Ce dernier s'élargit encore avec "The Seventh Sojourn", échappée orientalisante qui hélas manque d'intensité et peine à nous emporter dans ses parfums évanescents. Qu'il s'agisse d'un morceau complet, ou d'interludes plus hésitants au sein d'une même composition, les longueurs ne sont donc malheureusement pas absentes de ce disque, qui est pourtant celui d'un groupe qui pouvait autrefois proposer des titres de plus d'une dizaine de minutes, et ce en nous gardant en haleine de bout en bout.
Leur toute
fraîche signature avec Nuclear Blast ne pouvait a priori qu'être
annonciatrice d'un nouveau départ pour les vétérans du progressif
suédois que sont Opeth. Après l'abandon manifeste de leur ô
combien brillante ère death prog depuis deux albums, restait à
savoir si le groupe parviendrait réellement à se renouveler sans
renier ses nouveaux choix musicaux, choix qui se sont d'ailleurs
révélés tout à fait pertinents il y a deux ans avec Pale
Communion.
En
ce début d'automne, un lourd poids repose donc sur les épaules de
Sorceress.
Force est de constater qu'Opeth a cherché à lutter contre la monotonie. Les contrastes sont frappants à toutes les échelles. Des instrumentaux secs, plein de groove et d'élans jazz, succèdent à des sonorités acoustiques veloutées et enchanteresses soutenues par de chauds mellotrons. La richesse des textures est assurée par un clavier protéiforme, qui adopte tantôt la légèreté sautillante du clavicorde dans "A Fleeting Glance", tantôt la résonnance d'un piano très boisé et distant dans l'introduction de la piste suivante, "Era" - introduction qui, dans sa construction minutieuse, prend malgré tout des petits airs de musique d'attente téléphonique... Ce motif un peu superficiel est néanmoins repris pour clore l'album sous le nom de "Persephone (Slight Return)", en écho au titre d'ouverture "Persephone". Même démarche pour la sorcière, personnage central de cet opus, qui se décline d'abord dans une scène hautement théâtrâle, avant d'apparaître dans le tableau bien plus intimiste et mystérieux qu'est "Sorceress 2". Opeth multiplie les points de vue, nous montre les différents visages de son vaste univers. Ce dernier s'élargit encore avec "The Seventh Sojourn", échappée orientalisante qui hélas manque d'intensité et peine à nous emporter dans ses parfums évanescents. Qu'il s'agisse d'un morceau complet, ou d'interludes plus hésitants au sein d'une même composition, les longueurs ne sont donc malheureusement pas absentes de ce disque, qui est pourtant celui d'un groupe qui pouvait autrefois proposer des titres de plus d'une dizaine de minutes, et ce en nous gardant en haleine de bout en bout.
Opeth
n'étant pas à une contradiction près, Sorceress
est cependant, en un sens, plus jusqu'au-boutiste que ses deux
prédécesseurs. Les musiciens ont ici repris, développé, tonifié
les quelques instants les plus crimsoniens de Heritage,
et délivrent de saisissantes déferlantes chaotiques et dissonantes
à souhait. Ces rafales parviennent même à donner un sens, a
posteriori, aux broderies délicates et quelque peu ennuyeuses qui
les ont précédées. "Strange Brew" réalise dans cette
perspective un véritable tour de force : toutes les errances du
morceau convergent finalement en des déflagrations désordonnées,
exprimant une frustration indicible, qui paraît toujours contenue
dans ses propres plaintes. L'énergie qu'ont toujours su dégager les
suédois apparaît également sous sa forme la plus classique, dans
"Chrysalis" par exemple, où les rythmes et dynamiques
complexes laissent jaillir, avec cette impulsion qui nous est si
familère, la force singulière du groupe. Difficile, en un moment si
fougueux, de ne pas imaginer la même musique, mais portée par les
growls de Mikael Akerfeldt, qui seraient tellement plus efficaces que
ces vocaux poussifs où on sent le chanteur perdre peu à peu son
souffle...
Inutile toutefois de chercher la frustration dans cette
comparaison peu féconde entre l'ancien Opeth et celui auquel nous
avons affaire aujourd'hui. Le groupe sait encore offrir des morceaux
uniques, un peu hors du temps, pendant lesquels on ne songe plus à
les juger sur telle ou telle décision. Ces morceaux ont simplement
changé de nature. "Will O the Wisp" est cette parenthèse,
cette vague de douceur d'une incomparable finesse grâce à son
instrumentation aérée, à ses vents souples, à l'inusable fluidité
du jeu de guitare d'Akerfeldt, à sa mélodie sincère et à ses mots
justes. En somme, une ballade, mais irréprochable, chaleureuse et
paisiblement mélancolique.
Sans
sens de l'innovation, néanmoins, le talent artistique serait bien
peu de choses. Dans Sorceress,
il faut presque chercher à être surpris pour l'être réellement.
On y entend des curiosités, on ne sait pas toujours sur quel pied
danser lors des sections les plus flottantes et étranges, mais la
plupart du temps on ne trouve surtout pas de véritable saveur à ces
touches qui, toutes inattendues qu'elles soient, n'en deviennent pas
captivantes. Malgré tout, le cas de "Sorceress" est un peu
différent. Premier single de l'album, le morceau éponyme en est
aussi le plus insolite. Bien loin du souffle prog/jazz de l'ouverture
du titre, ce riff venu des profondeurs nous prend à la gorge, nous
invitant à plonger avec lui dans les abysses... si seulement toutes
ces brèves incursions majeures ne nous forçaient à relever la
tête. Ce riff n'est-il qu'une peinture de fond censée caresser dans
le sens du poil nous autres inconditionnels de la période plus
sombre du groupe? La question se pose, la cohérence de ce son
n'étant tout de même pas évidente. C'est une gravité à
demi-assumée qui se dégage de cette sorcière presque enjouée.
Après tout, des ténèbres colorées, pourquoi pas. Le pari est
audacieux. L'écrasante tierce picarde qui clôture le morceau
suggère peut-être une grille d'interprétation, en reprenant ce
code médiéval qui voulait qu'une musique s'achève sur une sonorité
majeure, considérée comme pure, stable, propre à représenter
l'ordre divin. Opeth procède peut-être à sa propre inquisition, en
réprimant ses sorcières et démons, en les étouffant sous ce
majestueux paon enflammé qui domine la couverture de l'album.
Combien de fois dans cet album le charme a-t-il été rompu par ces
harmonies majeures brusques et déroutantes... Les deux titres bonus
du disque confirment d'ailleurs amplement cette tendance. Il s'agit
là d'un nouveau mode de composition auquel il est bien difficile de
s'accoutumer, et qui perturbe sans doute davantage que la disparition
des éléments death metal dans la musique des suédois.
Parfois plus osé que ses prédécesseurs immédiats,
mais souvent moins unifié, et rarement novateur : ce dernier opus
déconcerte un peu. Les sections véhémentes et poignantes ne
manquent pas, mais sont noyées dans des flottements, des
hésitations, ou des harmonies qui ne sont pas forcément du meilleur
effet dans le son d'Opeth. Il ne reste qu'à accepter que la
définition de ce dernier ne nous appartienne pas, et à regarder ce
son s'éloigner vers des contrées de moins en moins obscures, quitte
à être de moins en moins touchantes.
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