Live Report | Modern English + Living In Texas @ Bus Palladium 15/09/2016


L'atmosphère est étrange en cette fin de soirée du 15 octobre. Les rues de Montmartre sont moins bondées, les gens plus méfiants, je suis même fouillé à l'entrée de la basilique, ma montre ayant fait sonner le détecteur de métaux. Bref l'ambiance est étouffante. Quoi de mieux pour me préparer à la soirée que je m’apprête à vivre. Une affiche exceptionnelle concoctée par un Thierry Boucanier en pleine forme. Il est 20h30, pratiquement personne à l'entrée du Bus Palladium, je passe la porte. Un moment d'hésitation et me voilà dans le sanctuaire. Les créatures de la nuit attendent paisiblement assises. Elles attendent fébrilement Living In Texas et surtout Modern English. Pas de performance pour cette fois, mais on ne va pas se plaindre à la vue de l'affiche que l'on nous propose. Les lumières tamisées se réduisent encore. Derniers réglages sur le pied du micro. Nous y voilà.

Living In Texas

Entre en scène une créature hybride, un homme aux atours féminins et occultes, cheveux noirs corbeau, lunettes de soleil et sourire absent. La joie a quitté ce visage mortifère de sorcière depuis bien longtemps. Le chanteur de Living In Texas, Stephan James, est dans son personnage, une sorte de Andrew Eldritch transgenre, à la voix grave. On nous regarde, on nous scrute même. La boîte à rythme emboîte le pas à ce silence glacé. Lourd. Je me dis que ça va être violent.


Se présentent alors les comparses de cette farce. Daniel James, le guitariste, tout d'abord, est en provenance direct d'une autre époque, les années 80. Il a sauté dans le TARDIS et à atterri ici complètement désorienté. Veste trop large et pantalon droit gris, tous deux imprimés de motifs divers dont de gros yeux, une coiffure rétro, on aurait dit un avatar de David Byrne des Talking Heads. Dans tous les cas le gars est à fond, trop à fond peut être. Le show à peine commencé que le voilà parti dans un délire psychédélique à sautiller sur la scène derrière le chanteur comme s'il s'agissait d'un énorme show de rock'n'roll, contrastant totalement avec l'attitude froide du chanteur.




Dans le coin sombre entre le bassiste, élégant. Torse nu avec juste une veste sur les épaules, pantalon droit, chapeau avec une plume. Le tout en noir, sobre. Ce n'est qu'en s'approchant du bord de la scène que je me rends compte de ma méprise. Il s'agit d'une femme. Living In Texas aime apparemment jouer sur les frontières de genre. En tout cas dédicace spéciale à cette musicienne hors pair qui manie la basse comme personne. Mais cette dédicace n'est pas pour son jeu mais pour son sang-froid. Un lourdaud vient lui caresser la jambe en plein milieu du set. Elle se dégage avec élégance. À sa place j'aurai été tenter de lui mettre un gros coup de ranger dans la mâchoire.



Niveau musique, je suis happé directement malgré quelques soucis techniques. On peut en effet entendre une sorte de crissement, peut-être un problème de prise jack, heureusement couvert par la musique, mais bien présent entre les morceaux. Si le groupe a réussi à m'attraper au premier morceau avec un rythme quasiment martial, il me perd ensuite avec quelque chose de plus posé, de plus calme, de plus pop. Mention spéciale également pour la voix, une de ces voix exceptionnelles, pouvant passer des graves les plus abyssales aux aigus les plus inattendus. Le duo basse/voix fut vraiment le point fort de ce set.





Maintenant parlons des choses qui fâchent. Je n'aime absolument pas le guitariste que je trouve toujours en dehors. Pas en rythme la plupart du temps, complètement ailleurs, il ira même s’étaler dans le public en passant par-dessus la scène, entraînant avec lui tout son matériel, guitare, pédales d'effets, ampli... Il lui faut une chanson entière avant de tout réinstaller et de se remettre à jouer comme si de rien n'était. Heureusement que les gens l'ont rattrapé au vol sinon j'imagine que la soirée aurait pris un tournant légèrement différent.



Que retenir au final ? J'ai bien apprécié. Sans plus. Je m'attendais à mieux bien qu'il y ait eu de très bons moments, comme une des dernières compositions, avec moult effets de synthétiseurs par exemple. Le groupe n'était pas revenu en session électrique depuis plusieurs années, je salue donc quand même l'effort et reste tolérant.




Modern English

Une petite pause, le temps pour les professionnels de changer le matériel et pour nous, public, de nous remettre de nos émotions. J'observe la scène et l'entrée des coulisses en essayant d'entrapercevoir les musiciens de Modern English. Je sais bien que je vais les voir dans quelques minutes et que c'est un peu débile mais je suis impatient. Modern English c'est quand même un grand nom dans le milieu.


Le guitariste Gary McDowell entre en scène, visage tatoué façon viking, chapeau haut de forme, pantalon patte d'eph et babouches jaunes à paillettes... On peut dire que le choc est grand. Mais pas le temps de discuter, le bougre saute sur sa guitare et nous balance directement, de la manière la plus brute qui soit, un de ces solos capable de faire tomber les cheveux et les dents. Bon, cinq secondes et c'est déjà du lourd.



Les autres musiciens, bien plus sobres dans leurs tenues, si on peut qualifier une veste saumon de « sobre », entrent en scène sous les applaudissements et se mettent en place. Le batteur Ric Chandler frappe fort, le bassiste Michael Conroy manipule les cordes de son instrument comme s'il jonglait et le claviériste Stephen Walker se cache derrière ses synthétiseurs et les notes acides. Arrive alors Robbie Grey en t-shirt à l'effigie de feu David Bowie, entamant sans suspension le premier titre de cette soirée aux accents résolument new wave.


Le groupe a vieilli, oui. Leurs membres aussi, c'est un fait. Mais leur musique elle, n'a pas pris une ride. Une new wave pop dans la veine de Simple Minds et Duran Duran. A vrai dire, je n'ai jamais été un gros fan de ces groupes. Je suis plus dans le post-punk bien dark, le goth rock et ce genre de chose, mais force est de constater que je m'éclate. Le groupe enchaîne morceaux sur morceaux, compositions sur compositions, titres sur titres sans jamais baisser de régime ni de niveau. C'est clair, sans fausses notes, post-punk mais pas lourd, pop mais pas mièvre. Je suis admiratif du travail, de cette alchimie qui se dégage de l'ensemble.



Je danse frénétiquement pendant que Modern English joue leurs chansons les plus rythmées, je plane sur leurs meilleurs titres softs, comme « After The Snow » qui m'a particulièrement enchanté. L’enchaînement est parfait et permet de ne jamais s'ennuyer. Des points négatifs ? En fait comme ça, je n'en vois pas. Après coup il est vrai que je ne jugerais pas la performance comme le meilleur concert de ma vie c'est sur, mais sur l'instant je suis bien, je vis la musique.



Évidemment le public bat à tout rompre pour un rappel endiablé. Un public aussi éclectique que pour le concert des Chameleons Vox, ce qui n'est pas étonnant au vu des similarités entre les deux formations. En tout cas ce public est heureux, ce public est conquis, ce public repart avec des étoiles dans les yeux.



Les gens partent assez vite cette fois et ne reste plus qu'une dizaines de créatures à deux heures du matin vers la fin du mixset. Un set bien meilleur cette fois que celui après le concert de Skeletal Family. Je m'en vais alors boire un coup en ville, me remémorer cette soirée, encore une fois riche en souvenirs.


Report : Aladiah
Photos : Unkle Z.

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