Duckhunters – Extinction Road (Album, 2015)
Tracklist :
1 – Introduction to Extinction 0:26
2 – Killer Croc 3:58
3 – Dragooning 6:45
4 – Last Broadcast 5:06
5 – The Road 6:40
6 – Exile 1:54
7 – The Bill 5:47
8 – Hands of Doom + piste fantôme 19:23
Extrait en écoute :
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Autant que je le dise tout de suite avant que l'on vienne me lancer des tomates pourries, je ne connais rien de rien en stoner. Oui, je sais, huez-moi, insultez-moi, moquez-vous. Voilà, c'est bon, avez-vous bien déchargé votre colère sur le pauvre chroniqueur que je suis ? J'espère qu'il vous en reste un peu car il va vous en falloir pour résister à ce qui vous attend sous peu.
C'est après mon live report de la soirée stoner à l'espace Léo Ferrer, à Brest le 12 septembre dernier, onze lignes qualifiées, je cite, « dithyrambiques », qu'Alain, le batteur des Duckhunters a fait appel à Scholomance Webzine pour chroniquer leur premier véritable bébé « Extinction Road ». Connaissant la formation, j'ai hérité de cette tâche qui m'éloigne sensiblement de ma route, pavé de fantômes, de créatures de la nuit et de sensibilité à fleur de peau. Avec cet « Extinction Road », c'est donc un nouveau chemin qui s'ouvre devant moi, un chemin bordé de sable d'un désert apocalyptique, d'un monde damné, de bitume, et d'une atmosphère crépusculaire digne de la fin du monde. Je devrais m'en sortir.
Cette fois je ne vais pas vous raconter « Oui j'ai découvert ce groupe via un site internet quelconque … bla, bla, bla...». Non. Disons que je les connais depuis un certain temps les lascars, peut-être pas aussi bien que je le voudrais, mais disons, pour faire court, qu'Alain, Manu et moi avons arpenté les mêmes couloirs d'une certaine fac brestoise. Le bon vieux temps.
Duckhunters a été fondé en 2013 sur les cendres d’Öyster Union. On passe des huîtres au canard, dans tous les cas ça sonne comme un plat de fête. On se trouve en présence d'un groupe de heavy stoner aux accents doom, sludge et psychédélique, citant, entre autres, des groupes comme Orange Goblin, Kyuss, Kylesa, Goatsnake, Baroness, Pentagram, Led Zeppelin ou encore Black Sabbath dans ses influences. Autant de groupes que je ne connais, au mieux, que de nom, voire pas du tout, hormis les deux derniers, il ne faut pas déconner non plus. Non, pas le retour des tomates pourries, s'il vous plaît. Au moins, je n'aurai pas à me creuser la tête pour trouver des formations aux sonorités approchantes comme j'aime le faire dans toutes mes chroniques afin de vous apporter, à vous chers lecteurs, des pistes musicales à explorer. D'ailleurs en parlant de ça, allez également jeter une oreille aux Last Rebel Sons, Stonebirds, Appalooza, We Were Cheerleaders et autres Seil.
C'est après deux démos, « First Demo » en 2013 et « Drop Dead » en 2014, que Manu, le tigre à la voix de feu (oui je sais je me plagie moi-même), Alain, le Luffy de la batterie, Isidore, le magnat de la basse et Guillaume, le virtuose de la guitare, nous livrent leur premier album. Il est intéressant de noter qu'il ne devait s'agir que d'un EP, financé par une campagne de financement participatif qui a si bien fonctionné, que le projet a évolué sensiblement. Le quatuor a donc sorti sa première galette en fin d'année 2015 sur son propre label Drop Dead Records, invitant au passage Adrien Héliès, Michel Rafini et Brendan Bihan, sur deux titres.
Trêve de bavardage et commençons donc notre exploration. Comme d'habitude, le visuel en premier lieu. On me demande souvent pourquoi je m'arrête dessus. La réponse me paraît tellement évidente que j'ose à peine m'exprimer sur le sujet. Bon sang, c'est la première chose que l'on voit de l’œuvre ! Je considère que ça a autant d'importance que la musique, surtout quand on véhicule un genre, une atmosphère, un message bien particulier. Avec « Extinction Road » nous somme gâtés de ce coté-là. Le dessin de la pochette, réalisé par le graphiste Jo Riou, représente une route traversant un paysage désolé, jonché de carcasses. Cette route nous emmène sur une colline où se trouve perchée une usine crachant ses fumées toxiques. L’ambiance oppressante qui se dégage de cette illustration en noir et blanc nous indique que nous n'allons pas vraiment rigoler durant ce voyage post-apocalyptique. À l’intérieur de la pochette, un autre dessin sert de continuité, avec cette fois un dinosaure sur la route. Juste au passage les mecs, il faudra un jour que vous m'expliquiez le délire autour de ce Parasaurolophus...
« Introduction to Extinction ». Vingt six secondes de cris de révolte, de brume bitumeuse assourdissante, d'hypnose dystopique. C'est la corne de Jéricho qui vrombit. Les murs de la ville tombent. En un rien de temps on sombre dans un monde condamné. Pas le temps de s'enfuir, nous somme déjà happés par « Killer Croc ». Les Duckhunters ouvrent le bal avec l'une de mes compositions préférées. En live ça déchire. Version album on a juste envie d'augmenter le volume, encore et encore. La basse est rocailleuse, la batterie a une présence juste, la guitare s'envole vers un ciel obscur.
Les « quatre enculés royalistes et isocèles », ce n'est pas moi mais eux qui le disent, ne nous laissent pas de répit et enchaînent avec « Dragooning ». Mêmes ingrédients et il faut bien le dire, la sauce prend tout de suite. On est face à un chaos vomi, hurlé. Manu et sa voix boostée au Jack Daniel's, enfin j'imagine, ne nous laisse aucun espoir de retour. Nous voilà donc en face de près de sept minutes de pessimisme survivaliste. C'est la lutte pour la survie. Et c'est en rampant que nous finissons par nous hisser en dehors du cauchemar.
Le calme s’installe avec le début de « Last Broadcast ». On imagine très bien les plaines dévastées d'une Amérique ravagée par la guerre nucléaire. Les images de la saga cinématographique de Miller se rappellent à nous. Désastre écologique et humain. Le texte lu ne nous laisse aucun doute. En parlant de texte, si possible, pensez à les inclure dans le livret la prochaine fois, c'est toujours plus plaisant, surtout pour faciliter le travail d'analyse de vos chroniqueurs préférés. Je dis ça, je ne dis rien...
Mine de rien le temps file à toute allure et nous atteignons « The Road ». Pour le coup, ma réflexion précédente sur Mad Max est encore plus pertinente ici. « The Road » est mon deuxième coup de cœur de cet album. Groovy, le titre sait s'aménager des couplets plus calmes avant la tempête radioactive qu'est le refrain. La frénésie nous empare et on bouge la tête en rythme, balançant nos longs cheveux gras dans le vent poisseux, foulard sur le visage, Ray Ban sur les yeux, à bord d'une Chevrolet Impala. Voilà comment je ressens ce titre. A moins qu'il faille nous imaginer à dos de Parasaurolophus...
« Exile » est déroutant, mais pas détonnant. Cette piste instrumentale est tout à fait raccord avec le reste de l'univers, malgré sa guitare sèche. Elle donne un côté western à l'album. « The Bill » sonne le retour à la violence. Vous allez trouver cela étrange, mais à chaque fois ses premières notes me font penser aux musiques d'introduction des catcheurs de la WWE, genre Kane ou l'Undertaker. Ça me fait toujours sourire. Dans tous les cas il est temps de payer le prix de nos actions, on va nous faire bouffer l'addition.
On clôture la petite sauterie par « Hands of Doom », troisième grand morceau du quatuor enragé. On arrive à la fin de cette route sinueuse et infernale, fil conducteur de cet album à la saveur mazoutée. Une dernière bouffée d'air pollué au diesel, une dernière gorgée d'eau diluée au dissolvant, un dernier morceau de carne bourrée aux stéroïdes anabolisants. Neuf minutes d'un orgasme auditif d'un ronronnement faussement apaisant d'un moteur en surchauffe.
Voilà, nous somme en bout de course. Je ne parlerai pas de la piste fantôme, reprise totalement improbable et improbable, et également improbable. Je vous laisse le plaisir de la découverte. Alors au final, maintenant que la ligne d'arrivée a été franchi ? Je sais que je suis proprement incapable de décrire musicalement ce genre de sons mais ça ne m'a pas empêché de prendre une claque, tout simplement. Impossible de vous dire si l'album de Duckhunters sonne plutôt doom, sludge, grunge, grind, stoner machin-chose mais je peux vous dire que la technique vocale est au top et que les musiciens maîtrisent du début à la fin. Brest a toujours su donner naissance à des pépites rock.
Bon, c'est vrai, je ne vais pas mentir, à la première écoute je n'ai que peu apprécié. Je pense que je n'étais pas en phase avec la musique proposée. J'ai donc préféré attendre le bon moment avant de me prononcer et d'écrire ce papier. Mais en le réécoutant de manière plus posée, « Extinction Road » a révélé toutes ses saveurs soufrées, ses pierres chauffées à blanc, ses tôles ondulées, à un moment où je n'avais besoin que de ça. Juste une déception peut-être, « Thunderdome ». Ce titre était tellement en phase avec les chansons proposées qu'il aurait vraiment pu être sur le disque. Tant pis, j'irai me consoler en écoutant « First Demo ».
En sortant leur album sur leur propre label, Drop Dead Records, Duckhunters montre sa volonté d'indépendance, son refus de soumission. Et l'important est là. Avec la symbolique de la route et cette volonté de ne pas être formaté, il en vient naturellement un message de pure liberté. Alors vous aussi, venez sillonner les espaces dévastés de notre monde qui s'écroule, avec cette dose de courage, de rage et d'espoir qui fait malheureusement défaut à beaucoup de gens aujourd'hui. Soyez libre, soyez indépendants, rejoignez la chasse.
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Aladiah
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