Krystal System – Underground (Album, 2009)
01 – Underground 3:35
02 – Mental 5:11
03 - I Love My Chains 3:00
04 – Instar 4:47
05 - New World 4:50
06 - The Day I Died 4:00
07 – Slice 3:15
08 – Alakor 4:20
09 - Demain N'Existe Pas 4:52
10 – Idols 3:54
11 - Something You Hate 4:03
12 – Elektrostal 4:08
13 - Krystal Song 7:52
Extrait en écoute :
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« Hier n'existe plus... »
On quitte les rivages post-apocalyptiques de « It's Time To Wake Up » de La Femme, que nous avions effleuré dans ma dernière chronique, pour en atteindre d'autres, avec Krystal System. Autre fil conducteur de mes deux papiers, l'un comme l'autre sont des groupes que j'adore mais qui ne font pas du tout l'unanimité au sein de mes proches. Cette fois, nous quittons les contrées de la coldwave swinguante des biarrots pour plonger à corps perdu dans un electro-metal-indus aux saveurs de désert radioactif.
Krystal System c'est un groupe d'électro-rock parisien, né en 2006, et constitué de Bonnie, au chant et à la guitare, et de N°7 à la basse, à la guitare, au chant, au synthétiseur et à la programmation. La force du duo est de combiner avec un style tout particulier et fort reconnaissable electro, metal, rock indépendant, musique industrielle, post-punk, voire plus... Pour vous situer la chose d'une manière plus mathématique, Krystal System serait le barycentre d'un carré dont les coins opposés seraient constitués de KMFDM et Combichrist, Depeche Mode et Clan Of Xymox. Vous voyez mieux maintenant ?
Quelle que soit votre réponse à cette question, je vous propose de découvrir le premier album de la formation : « Underground ». Un album qui n'aura pas marqué le public francophone, mais nous savons tous pourquoi... Le succès, il faut le chercher outre-Rhin, chez nos confrères allemands qui, il faut l'avouer, ont une grosse longueur d'avance en terme de musiques industrielles, et contre-culturelles en règle générale. « Underground » donc, sorti en 2009 sur le label Alfa Matrix, rien que ça. Nos deux franchies ont décroché le gros lot puisqu'il s'agit ni plus ni moins du label qui produit Trisomie 21, Ayria, Unter Null, Virgins O.R. Pigeons, Tamtrum, Front 242, Nitzer Ebb, Helalyn Flowers, et tant d'autres que j'aimerais citer mais que je ne saurais m'y risquer sans faire un papier de dix pages. Et si je parlais de succès un peu plus haut dans ses lignes, c'est que le disque à réussi le pari incroyable de se classer quatrième dans les charts allemands dès sa sortie, devant The Cure. Ce n'est pas rien.
Pochette noire minimaliste avec la photo de Bonnie, lunettes de soudeur cyber/steampunk sur le nez, le tout dans les tons rouges. Austère. On ne s’attend pas à écouter du bal musette... Et pourtant ça aurait pu être drôle finalement. Mais nous ne sommes pas là pour rire, et les premières paroles de cet album nous le rappel d'entrée de jeu.
« Nous ouvrirons nos yeux, nos ailes, vers la lumière crue du soleil éternel. »
J'ai découvert le duo parisien alors que je traînais sur la toile à la recherche de vidéo de danse industrielle. Mais si vous savez, celle ou les gens bougent les bras dans tous les sens, ce qui vaudra bien des désagréments à la scène lors de l'émergence de la Tecktonik... J'arrive pas à croire que j'ai réussi à placer « Tecktonik » dans une chronique... Bref, j’essaie de faire rire, mais c'est toujours pour faire passer le malaise que me procure ce début d'album. Premier titre éponyme donc « Underground ».
Si les paroles font penser à une sorte de ritournelle, ce qui vaut d'ailleurs le honnissement de certaines personnes de ma connaissance, je n'y vois qu'une spiral de désillusion. Dans mon dos on se moque. Moi je fais l'effort de comprendre, et même mieux, de ressentir. On trouve les paroles ridicules ? Moi j'y vois une poésie désespérée. On retrouvera les accords et les paroles de cette chanson sur le titre « Demain N'Existe Pas », « Underground » étant une sorte d'introduction en quelque sorte.
« Et nous serons enfin mortels, aimants, et loin du sommeil éternel. »
De grosses guitares nous accueillent sur le deuxième titre « Mental ». Les choses sérieuses commencent. Rythmes industriels, synthétiseurs légers qui se suffisent à eux-mêmes, utilisés avec parcimonie. Le petit plus avec Krystal System c'est le mélange des voix ainsi que celui des langues, français comme anglais, sur un même titre. Je trouve que ça donne bizarrement de la profondeur aux morceaux. Sur « Mental » il est question de traditions, de dogmes, et les deux protagonistes n'en parlent pas en bien.
On passe au plus electro « I Love My Chains », enfin electro sur les couplets, car on retrouve la bonne grosse guitare sur le refrain. Paroles minimalistes où il est question de pousser une pierre jusqu'en haut de la colline et de recommencer encore et encore. Ça ne vous dit rien ? Il s'agit du mythe de Sisyphe mis à la sauce industrielle. Une représentation du soleil qui s'élève chaque jour pour plonger à nouveau le soir, mais aussi une métaphore de notre vie d'esclave, de fourmis enfermées dans un cycle de création/destruction absurde et sans fin.
On ralentit le tempo sur « Instar ». Un titre entièrement en anglais. J'y vois là un des morceaux les plus cauchemardesques de l'album. On y traite d'esprits qui chuchotent, de prison du temps. L'enfermement est un thème cher au groupe : Tradition, travail à la chaîne, hommes déshumanisés et maintenant religion et télévision avec « New World ». Un titre electro avec des guitares en sourdines, donnant une chanson dansante, martial mais douce. Étrange paradoxe. Et le clavecin sur la fin du titre appui encore plus cette sensation de se trouver de l'autre côté du miroir. Critique du monde actuel, où les gens boivent les paroles et les images diffusées dans la petite boîte.
« Submission, devotion, religion, are a golden hit »
Puis vient le temps de « The Day I Died ». Le groupe ressort les grosses guitares et une boucle electro en fond pour soutenir le tout. Les synthétiseurs sont spectraux et diaphanes sur le refrain, ce qui me donne un frisson à chaque fois, surtout quand Bonnie prononce « 7 tears ». À trois minutes, petite pause pour mieux nous exploser à la figure quelques secondes plus tard. Souvenir, ombres, deuil.
Avec « Slice » on retrouve les ingrédients précédents toujours mélangés avec une perfection certaine. On retrouve également les thèmes véhiculés par le groupe. On commence à voir où ce dernier veut nous emmener. « Alakor » est le nom d'une femme condamnée à mort par lapidation pour adultère au Soudan. La chanson dit qu'elle aurait dû choisir un autre genre ou une autre terre pour naître. « You smile, before you're hit the ground »... charmant. Nous vous fiez jamais à une mélodie guillerette, parfois elle peut cacher quelque chose de très sombre. Ce morceau est un hommage à toutes ces femmes.
On arrive au cœur de l'album, avec « Demain N'Existe Pas ». On trouve là une version d'« Undergroud » plus abouti, avec un rythme plus soutenu, des guitares qui s'envolent. Chassez vos dieux et vos idoles, hier n'existe plus, demain n'existe pas. Et comme le dit si bien N°7, nous sommes tous perdus et nous prions des fantômes. J'avais lu, je ne sais malheureusement plus où, que ce titre pouvait être une réponse à « There's No Tomorrow » de Clan Of Xymox, en effet, il y a un peu de cela. On continu notre descente aux enfers mécaniques avec « Idols », qui nous parle de notre incapacité à faire ce que nous voulons, en acceptant de se conformer aux règles. Nous sommes des marionnettes. Un titre qui fait écho au précédent « New World » en quelque sorte.
« I don't feel anything today. »
On se calme un peu le temps de « Something You Hate » et son accent plus électronique et plus planant, avec ses chœurs éthérés, pour mieux reprendre la vague avec « Elektostal ». Avec un nom de ville russe faisant plutôt penser à celui d'une usine dans un monde post-apocalyptique, un son de souffle coupé, cette basse cuivrée, ce sample de foule, cette guitare ronde et cette façon de chanter très robotique, pouvant presque faire penser à du rap, on plonge dans un univers déshumanisé ou l'ordinateur et la machine sont roi et reine.
« Krystal Song », vient clôturer notre aventure. Un condensé de toutes les pistes précédentes en un seul titre. Violent et calme, désespéré et salvateur, rebelle et désabusé. On retrouve « Yesterday doesn't exist » dans les paroles, noyé dans les grosses guitares, les synthétiseurs acids. Et tout finit balayé par le son du vent. Froid.
Alors que nous pouvions penser que tout était perdu voilà que quelques notes fantomatiques se font entendre plusieurs secondes après la fin. On répète encore, inlassablement « Demain n'existe pas », il fallait bien clôturer avec une outro digne de ce nom. Toujours aussi désespérée cela-dit. Finalement oui, tout est perdu. Mais pour un peu que vous ayez la version collector de l'album, vous pourrez prolonger l'expérience avec des remix par Essence Of Mind, Implant, b.o.s.c.h., Psy'Aviah, Leather Strip, Angels On Acid, ou encore Neverdice.
« I'm gonna burn your rules, I'm gonna melt your walls. »
Alors pour résumer « Underground » ? Et bien, morceaux puissants et entraînants, très bonne maîtrise des instruments et des samples, qui sont utilisés de manière très intelligente, efficacement sans jamais en faire ni trop peux ni excessivement. Le son sait se faire lourd ou plus léger quand il faut, le tout est toujours bien dosé. Les riffs sont accrocheurs, les claviers sont mélodiques, et les titres restent en tête très facilement. Les voix sont justes parfaites et s'accordent bien ensemble. Si certaines personnes peuvent regretter l’absence d'une véritable batterie, moi je trouve que la boîte à rythme est plutôt un bon reflet du genre et des thèmes abordés par le groupe. Ceux-là, justement, sont nihilistes, noirs, futuristes, industrielles, et pourtant si actuels. Le duo de Krystal System ne sait pas seulement faire de la musique mais il sait aussi écrire.
« Underground » est un cri de révolte. Contre les traditions, les religions, le conditionnement, le quotidien, la philosophie, la politique. C'est une réponse émotionnelle à tout ce qui entrave l'élévation de l'être humain et encore plus, sa liberté. Sa liberté à être, sa liberté de vivre, chacun, selon ses codes, selon ses règles, sans avoir besoin de se référer, de manière consciente ou non, à quelconque entité supposée nous servir de repère. « Underground » est un appel. « Underground » est un éveil. « Underground » est une claque. « Underground » est une quête. « Underground » est une prise de conscience. « Underground » est tout ce que vous voulez du moment que vous prenez le temps de l'écouter, de le comprendre, de le vivre, sans oublier qui vous êtes, sans oublier de garder votre part de mystère, sans jamais préjuger.
« Demain n'existe pas... »
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Aladiah
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