Chronique | Aeon Sable – "Aequinoctium" (Album, 2013)



Aeon Sable – Aequinoctium (Album, 2013)

Tracklist :

1 - Aequinoctium
2 - Tenfifteen
3 - Secret Flower
4 - Long Road Out Of Hell (Stormed)
5 - Drawing Circles Square

Extrait en écoute :




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Cela fait déjà plusieurs mois que j'évoque le renouveau du rock gothique allemand. Il est désormais temps que je vous parle de l'une de ses têtes de liste : Aeon Sable.

J'ai découvert la formation encore une fois sur la toile. Certaines personnes m'ont déjà dit qu'internet était le royaume de la piraterie musicale, moi j'y vois un vivier de découvertes, d'opportunités, des nouvelles perles, de nouvelles façons de vivre la musique. Sans cet outil, je n'aurais probablement que dix pauvres CDs se battant en duel sur mes étagères. Parenthèse close.


Aeon Sable est un groupe de rock gothique germano-portugais formé en janvier 2010 à Essen par Din-Tah Aeon et N1n0 Sable, deux comparses qui ne viennent pas du milieu gothique, mais qui ont auparavant évolué dans des formations death et black metal. Autant dire qu'ils ont une toute autre approche que les gothrockers pur jus, un peu comme les français de Soror Dolorosa au final. C'est en 2013, après plusieurs concerts en Allemagne et en Autriche que le groupe commence à se faire connaître notamment grâce au titre très new wave « Dancefloor Satelitte ». Le groupe tourne alors dans des festivals goths prestigieux tels que le Gotham Sounds Festival, Dark Diamonds Festival ou bien encore à la Wave-Gotik-Treffen.

« Aequinoctium », sortie en octobre 2013 sur le label AFmusic, est la troisième production du groupe après « Per Aspera Ad Astra » en 2010 et « Saturn Return » en 2012. C'est un album qui ne déroge pas aux influences de la formation, à savoir l'ésotérisme, la magie, les atmosphères sombres et pesantes, le black metal, l'ambient, le post-rock, la dark-electro, la new wave et le rock gothique des années 80. Pas étonnant que pour l'album qui suivra, « Visionaers », les deux amis s'orienteront en 2014 vers le label Solar Lodge, label personnel d'Artaud Seth de Merciful Nuns, comprenant des formations ésotériques comme Garden of Delight, Whispers in the Shadow, Merciful Nuns, ou encore Near Earth Orbit.
  
     Sur « Aequinoctium », Din-Tah s'occupe de la guitare, de la programmation et de la production,  N1no s'occupe quant à lui du chant, des paroles et du design de la pochette. Une pochette justement qui, une fois n'est pas coutume, m'est assez difficile à décrire. Fond noir de circonstance, un classique du genre goth rock, nom du groupe en haut, nom de l'album en bas, avec, entre les deux une image. Pour ce qu'elle représente par contre, c'est une autre histoire. J'aime à me dire qu'il s'agit d'une écorce d'arbre... Le nom du groupe et tout le visuel de ce dernier est très ancré dans l'occulte. Ce sera donc à vous seul d'essayer de percer les mystères qui se cachent derrière les nombreux symboles ésotériques disséminés çà et là dans la pochette mais aussi dans les paroles des chansons.

L'album s'ouvre sur la chanson éponyme « Aequinoctium ». Tribal, oriental, ésotérique, diabolique, metal. Voilà comment je décrirais en une ligne cette première piste introduisant ce nouvel opus. Une sorte de prière obscure, de rituel magique, le départ d'un voyage vers de sombres contrées, appuyé par des percussions hypnotiques, des guitares puissantes, des voix accrocheuses psalmodiques. Quelque part entre ombre et lumière. Pas très éloigné d'une production de Garden Of Delight

Les choses se calment assez vite dès le deuxième titre, « Tenfifteen ». Un titre dynamique au rythme fluide, mais qui part vers une tout autre direction. Basse ronde, guitares claires et tranchantes,  on est là en présence d'un rock gothique à l'ambiance atmosphérique avec un soupçon de mélancolie romantique, mais assez dansant. Il y est question d'innocence perdue, de séparation. Le titre fait alors office de parfaite transition entre « Aequinoctium » et les chansons suivantes, qui, nous allons le voir, s'engouffrent de plus en plus sur le chemin tortueux de la mélancolie.

En effet, plus le temps passe et plus l'album se fait sentimental, dans le bon sens du terme. Émotionnel même. « Secret Flower » en est une formidable illustration. Un titre planant de plus de huit minutes, qui, avec un mur de son final, me décroche toujours un frisson général. Parfois même une larme au coin de l’œil. Une ode à l'amour. Charnel.

L'abandon total. Voilà ce que l'on ressent au moment où commence « Long Road Out Of Hell (Stormed) ». Comme le dit si bien le titre de la chanson, on y fait son chemin de croix. On y meurt et on y renaît à chaque seconde qui passe. Une ballade goth, qui, au travers de ses guitares claires, vous emmènera loin vers un horizon de peines, de regret, de doutes, mais aussi d'espoir. Ambigus, l'album nous envoie une certaine chaleur faite d'éléments froids. Pure alchimie.

Même formule avec un « Drawing Circle Square », qui conclut de manière si magique un album qui n'aura fait que nous emmené aux tréfonds de notre âme, depuis le coléreux « Aequinoctium » jusqu'à cette piste éthéré. On flotte. Puis un mur de son, presque noise nous surprend. La colère revient. On veut vivre. À tout prix. On se rebelle. On ne veut sombrer. Puis tout s'arrête. C'est alors au fin fond qu'une mélodie finale marque une certaine renaissance. Piano et guitare, rien de plus. Dernières notes avant l'inconnu.

Des ambiances lentes mais puissantes. Des voix parfaitement dosées. Une basse profonde, toujours ronde et chaleureuse, relevant les atmosphères froides des synthétiseurs. Des guitares cristallines et mordantes, parfois psychotiques, parfois planantes. Des rythmes minimalistes mais  travaillés. Et surtout des sonorités toujours extrêmement mélancoliques érotiques, ésotériques. Voilà comment résumer « Aequinoctium ». Le seul regret que j'ai, c'est que cet album est court, trop court, avec à peine plus d'une demi-heure au compteur. Après il faut relativiser. Il est vrai qu'avec une longueur plus conséquente, peut être que l'album n'aurait pas eu sur moi cet impact et aurait pu grandement se répéter et tomber dans une sorte de rengaine. Donc non, finalement, c'est aussi bien comme ça.

Cet opus est un vrai concentré de goth rock, qui en plus innove, nous emmenant loin de la plupart des clichés du genre. Coté goth rock, l'album possède des touches d'influences diverses. Un peu de Sisters Of Mercy, de Fields Of The Nephilim, de The Mission UK, de The Cult et de London After Midnight. Coté occulte, rien que par le nom du groupe, Aeon Sable, on retrouve le concept cher à Aleister Crowley. Et puis « Aequinoctium », soit « Équinoxe », un album en forme de mort et de renaissance, tout ça ne vous rappelle rien ? Merciful Nuns évidement. Pas étonnant que les deux formations se soient rapprochées.

Et c'est en écrivant cette phrase que tout c'est éclairé. Les thèmes de l'album, soit l'amour charnel, l'amour courtois, la séparation, l'au-revoir, la mélancolie, l'équinoxe... Cet album est juste une illustration du déclin et de la perte d'une relation. Pas étonnant qu'il me parle tant... Sinon pour la petite histoire, les pré-commandes d' « Aequinoctium » ont commencé le 22 septembre 2013, soit le jour de l'équinoxe. Aeon Sable ne fait jamais les choses à moitié.

Non, jamais à moitié. Lorsque j'ai reçu mon exemplaire dudit disque, j'ai eu l'extrême surprise de le voir numéroté et dédicacé de la main même de Din-Tah et N1n0, me remerciant, en français, de mon soutien. Autant dire que j'étais aux anges. Ces deux personnages sont pleins de surprises. D'ailleurs, si le cœur vous en dit, vous pouvez également pousser l'exploration un peu plus loin en jetant un œil sur les clips vidéo très travaillés voire même jeter une oreille aux projets parallèles du duo : Melanculia, axé sur le grunge, et  Deied, axé sur l'industriel et l'EBM. Vous voyez, encore des influences cachées. Il y a tant à voir, tant à entendre, tant à découvrir. Si avec tout cela vous n'avez toujours pas envie de chavirer dans la tempête avec nous autres, créatures de la nuit, je ne peux plus rien pour vous.


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Aladiah

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