Live Report | Fall Of Summer 2015 - Jour 1



Pour la deuxième année consécutive, un festival francilien est venu clôturer de la plus belle des manières la saison estivale. Vingt-huit groupes ont été programmés sur deux jours, dans un site idyllique de la banlieue parisienne, la base de loisirs de Torcy. Nous étions présents les 4 et 5 septembre au Fall Of Summer afin de rendre compte de l'événement;  voici notre report de la première journée.



  



Contrairement à l'an dernier, le festival débute sur la Blackwater Stage, au bord du lac, où démarrent les hostilités avec Barabbas, groupe français de Doom Metal traditionnel dont les paroles sont chantées dans la langue maternelle de Saint-Rodolphe, la Voix des Anges. Rien de très original, on débute dans la plus pure coutume de ceux qui suivent la voie tracée par Saint Vitus, à savoir un Doom Metal gentiment blasphématoire, avec quelques symboles se rattachant à cette imagerie, dont une croix de bois scotchée à l'arrache. Musicalement, et vu la manière dont la musique du groupe est mise en valeur par la scénique démonstrative de ses membres, on assiste à un show bon enfant et théâtral, une bonne mise en bouche pour la suite du programme. 






On déguste le sandwich jambon-beurre acquis non sans effort sur la Sanctuary où nous attend un set de Death/Grindcore, celui d'un vétéran de notre bonne vieille scène nationale, j'ai nommé Putrid Offal, récente signature de nos partenaires de Kaotoxin. On s'imagine un spectacle à base de poubelles renversées, de détritus enfoncés dans nos sinus et de dégueulis de sandwich jambon beurre à peine digérés. Ce sera seulement du demi-degueuli car les musiciens n'auront pas réussi à faire ressortir tout leur potentiel pour nous donner ce courage.

En effet, Putrid Offal ne s'engage pas assez dans sa démarche et ne parvient malheureusement pas à nous remuer suffisamment et nous faire ressentir sa nausée. Les titres sont joués avec lenteur et mollesse, sans qu'une véritable envie soit communiquée, on a plutôt l'impression que le chanteur et ses compères émergent à peine d'une gueule de bois… Même dans ses harangues notre vocaliste semble déprimé, cela ne nous aide pas à accrocher à leur Grindcore solide et bien amené dans leurs compositions. Un petit flop pour moi! 





Je ne connaissais des Allemands d'Accuser que leur période dominée par un Thrash Metal incisif, qui a pris fin au début des années 1990 pour laisser place à un style davantage typé Groove, une facette de leur répertoire que je découvre donc en live puisque les musiciens choisissent d'axer leur show sur leurs productions les plus récentes, ce qui semble logique même si certains auraient surement aimé une setlist plus variée.

Si le jeu syncopé et massif du groupe, qui ressemble en de nombreux points au US Power Metal d'Exhorder ou Artillery, se révèle adapté à ce type de compositions, ce sera moins le cas pour les plus vieux titres, que l'on reconnait à peine puisque ceux-ci sont réinterprétés à l'aune de ce son plus moderne qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. En tout cas, les musiciens cherchent bien à communiquer  leur énergie au public, avec certes plus ou moins de succès, mais leur détermination fait plaisir à voir. 



Endstille, premier groupe de Black Metal à fouler les planches de la Sanctuary Stage, présente un art belliqueux, que résume la personnalité de son frontman, qui met en avant une gestuelle totalitaire qui franchit à bien des égards les limites de la caricature. Cela rend son jeu de scène parfois peu convaincant malgré des efforts surhumains pour nous faire adhérer au Black Metal haineux du groupe, surtout lorsque celui-ci pose devant les photographes pour faire le bonhomme, dirons-nous. 

Beaucoup de blast, un son froid, une batterie sèche, des riffing dévastateurs, peu d'originalité, mais un show entrainant qui ne nous laissera pas de marbre sur certains titres.

Il s'agit là d'un spectacle bas du front à prendre au trente-sixième degré tant les musiciens, musicalement, jouent avec les codes du genre de manière burlesque et outrancière mettant en avant un thème qui leur est cher, ou qui les amuse : la guerre et toute l'imagerie qui en ressort… un petit quelque chose en commun avec Marduk, pour ne citer que la référence la plus charismatique dans ce domaine. Les "vrais" diront que ce n'est pas du "vrai Black Metal", celui des kikoos et des poseurs, nous dirons de notre côté qu'Endstille  n'est pas la panacée de la subversion, que d'autres l'ont fait avec plus de tact  sinon réflexion. Un bon concert malgré tout, au moins en accord avec l'imaginaire qui est le leur. 





Gama Bomb, encore un groupe qui ne se prend pas au sérieux et qui compte diffuser sa bonne humeur - qui transparait à travers leur tenue bariolée - sur la plage de la Blackwater Stage. Les thrasheurs irlandais nous gratifient de leurs compos rectilignes aux paroles déjantées; ces morceaux directs et efficaces sont du plus bel effet en live, comme on l'attend d'un groupe qui entend donner un coup de jeune à ce style que l'on pourrait croire vieillissant et ringard : c'est le but du Revival Thrash dont Gama Bomb est l'un des quelques représentants à côté des monstres de Havok et Municipal Waste. C'est la première fois de la journée que j'observe un public véritablement motivé et impliqué, un public de festivaliers qui se prend au jeu avec plaisir tout comme le groupe!




Du Swedeath pour terminer l'après midi sous les meilleures augures, avec Grave, un groupe connu pour ne faire aucune concession au moyen de set stout en lourdeur et en efficacité. Tel Stakhanov, Grave s'impose comme ouvrier minier du Death Metal scandinave et impose sa marque de fabrique à un public réceptif. Ses riffs graveleux font la joie des festivaliers, qui peuvent jouir des grands classiques que le groupe ne boude point, jusqu'à l'apothéose de son spectacle marqué par l'interprétation de l'hymne, 'Into The Grave'. Un set presque parfait un poil troublé par le dysfonctionnement d'un ampli en début de prestation, un petit écart technique que l'on oubliera vite grâce à  la qualité de ce Death Metal racé. 






Deströyer 666, encore un autre géant que j’attendais de pied ferme, enfin si je puis dire. Car oui cette scène avec cette « plage » est sublime, mais hélas peu propice aux pogos et autres joyeusetés, dont il est malheureux de se passer pour un groupe comme Destroyer. Dommage qu’ils n’aient pas joué sur la scène « Sanctuary »… Mais bon, trêves de pleurnicherie, ça reste les maitres du Black/Thrash australien qui sont là devant nous quand même.

Et encore une fois, rien de mieux pour apprécier un pur show que d’être accompagné par de vrais fans (Stk, j’oublie pas que je te dois quelques bleus). Dès les premières secondes la foule se laisse emporter par la musique énergique du groupe. Et tout comme pour Asphyx, tout le répertoire y passe ne laissant aucune chance aux spectateurs que nous sommes de sortir indemne de ce concert. Les titres entêtants comme « I am the Wargod », «Satanic Speed Metal » auront vu des énergumènes hurler pour accompagner Keith. Transcendant la foule grâce à la setlist impeccable, le groupe donne pleine mesure de ses moyens sur scène. Des musiciens donnant le meilleur d’eux-mêmes, ne laissant à la foule aucun répit.

Malheureusement ce spectacle se serra vu gâché par un son de basse beaucoup trop présent et affectant l’appréciation du show, ce qui fût dommage. Mais on a constaté ce défaut sur d’autres groupes évoluant sur la « Blackwaters » alors que l’on n’a pas retrouvé ce souci sur la « Sanctuary ». Peut-être une raison de plus de mettre ce genre de groupes sur l’autre scène ? Ce qui conviendrait mieux à mon goût pour que le public se laisse aller et ainsi laisser parler la furie des titres du combo dans la fosse. 
Malgré ce petit désagrément ce fût un plaisir réel d’assister à cette prestation, qui fut renforcée par le plein jour, offrant un contexte idéal pour profiter de cette musique groovy !






En tant que fan de la NWOBHM, la présence d'Angel Witch avait de quoi me contenter, et promettait un grand concert de Heavy bien rétro... Le résultat fut cependant tout autre, une interprétation molle, un son médiocre et un chanteur très loin d'être en voix ont rapidement piétiné mes attentes. Si entendre certains classiques du groupe tels que White Witch, Sorceress ou encore le cultissime Angel Witch avait de quoi ramener un brin de nostalgie sur le site, je ne m’enlèverai pas de l'idée que ce concert fut malheureusement l'un des plus gros gâchis du festival. C'est triste de voir un groupe que l'on avait placé sur un piédestal en tomber de cette manière. Avec une setlist comme celle que le groupe nous a servi le show aurait put être au rendez vous, mais pas cette fois ci, j'attendais beaucoup plus de ce groupe qu'un live de Heavy de bas niveau. Je ne m'attarderai pas plus sur ce show qui ne m'a laissé qu'un goût amer.





Candlemass, l'évènement de la journée pour moi, avec la venue de Sabbat. Et le fer de lance du Doom Metal épique ne décevra pas ses apôtres, venu en masse accueillir les Suédois pour un spectacle des plus mémorables empli de la spiritualité et de la théâtralité qu'on leur connait. Ce qui m'inquiétait le plus et me rendait sceptique avant d'assister à ce concert était l'identité du frontman actuel du combo : Mats Levén, ex- vocaliste live de Therion, dont la voix me paraissait peu en accord avec l'univers du groupe.

Mes pensées se révéleront sans fondement, tant le chanteur sait s'adapter sur scène au jeu de ses collègues avec sobriété et intelligence. Au niveau de la setlist, nous sommes extrêmement gâtés, puisque nous avons droit aux titres phares de cette formation légendaire, de 'Mirror Mirror' à 'Solitude', et nous restons bouche-bée, la larme à l'oeil, devant ces ondes immersives et transcendantes. Pas de doute, il s'agissait très subjectivement du moment le plus riche en émotions de la journée me concernant. Voir l'un de ses groupes préférés déverser tout son talent et sa créativité en live, quoi de plus touchant? 






Asphyx, les maitres, que dire les Dieux du Death européen aux côtés de toute cette vague suédoise et française parue aux débuts à la fin des années 80. Dire que j’ai enfin pu voir ce monstre batave en live, un de mes rêves de gosse s’accomplit. Et rien de mieux pour célébrer cet événement que d’être accompagné des amis. D’ailleurs il n’y aura principalement que des têtes connues tout au long des pits durant leur show.

Dès l’entame du set on sent que l’ambiance devient électrique, la fosse ne sera qu’un champ de bataille tout le long du show. Les premiers pogos se déclenchent, enfin un concert où on a vraiment l’impression d’assister à une prestation Metal grâce à cette ambiance qui se révèle dans les premiers rangs. Même si le public reste majoritairement amorphe et apathique (ce qui ne fût pas une réelle surprise) certains sont là pour se donner corps et âmes, d’ailleurs plus corps qu’âmes au vu de la violence du pit.

Une setlist aux petits oignons avec un final transcendant sur le monstrueux « The Rack », des musiciens investis et un Martin au top de sa forme, transmettant son énergie au public. Et quand il se présente en tant que le « Charles Azanavour néerlandais » en français dans le texte le public ne peut se retenir de rire de ce clin d’œil. Malgré ce côté bon enfant, la fosse ne se relâche pas, les titres s’enchainent et la violence ne baisse pas, cette partie du public rend un bien bel hommage au groupe en lui restituant toute cette énergie. Et pour revenir à « The Rack », mais quelle conclusion formidable, durant toute la durée du titre j’ai eu le poil qui s’est hérissé. Cette chanson est tellement puissante, occulte, massive et hypnotique, je souhaite à tout groupe d’arriver à composer une chanson de cette intensité. Aucun fan de Death qui se respecte ne peut résister.

Pendant ce show, le temps s’était comme arrêté, comme s’il s’était figé dans une faille spatio-temporelle. On n’a pas eu le temps de voir le concert passer  alors que c’est déjà la fin. Ça restera un de mes très bons souvenirs du fest, tout était réuni pour que la performance d’Asphyx soit digne de leur réputation.

Oui je suis fan de ce groupe, forcément j’aurai une part de subjectivité en écrivant sur eux, mais ce show fut dantesque.




On avait eu droit à Exumer et Sodom l'an dernier, pour cette seconde édition nous profitons de la présence d'un autre représentant du Teutonic Thrash Metal : Destruction, que diable, ce n'est pas rien !!!

Les fleurons du Thrash Metal allemand entendent bien montrer qui sont les rois dans ce domaine, et on veut bien les croire lorsqu'on découvre à quel point l'intensité de leur art se déploie et prend tout son sens sur les planches de la Blackwater Stage. Si Sodom couple son Thrash au Rock'n'Roll de Motörhead, et si Kreator se complait maintenant à orner le sien de mélodies accessibles et plaisantes, Destruction fait du Thrash avec un grand T, sans fioritures et de manière la plus brutale et criarde possible. Et d'ailleurs, le trio oriente sa setlist vers ses albums les plus représentatifs de son style direct et agressif, commençant par le célèbre titre 'Curse the Gods', tiré de son premier opus, sans insister sur ses dernières productions, fortement dispensables à mon sens excepté certains morceaux. 

Un groupe que l'on découvre donc en forme, motivé, prêt à en découdre, et qui en découd ainsi de la plus belle des manières : avec classe, discipline et brutalité. 



A-t-on encore besoin de présenter Mayhem? La réponse est non. On m'avait prévenu avant que le groupe arrive sur scène avec ses traditionnelles têtes de cochons empalées, les musiciens ne seraient pas à la hauteur des attentes de leurs fans.

Il en est tout autrement lors de cette prestation qui se révèle étonnamment jouissive pour le coup : une très bonne qualité sonore, un Attila Csihar impérial et un Necrobutcher motivé : que demande le peuple? Il semblerait qu'en concert, Mayhem ait repris du poil de la bête. Le groupe déverse ses classiques de la grande époque avec conviction, sans simagrée inutile. On craignait à tort un groupe caricatural et un show sans véritable contenu intéressant, et c'est avec un plaisir non dissimulé que le public se laisse porter aux sons des morceaux qui ont fait, et font encore la réputation sulfureuse du Trve Norvegian Black Metal.

Non, Mayhem, groupe scandinave polémique, n'est pas la bête de foire que certains prennent du plaisir à dénoncer. La formation légendaire est encore vivante et créative, ces musiciens ont du talent et leurs dernières productions sont là pour nous le démontrer, bien que les artistes prennent du plaisir à jouer leur ancien répertoire. 





La journée se conclut sur un événement majeur pour les metalheads français : la toute première apparition live en France de l'un des plus dignes représentants du Black/Thrash nippon, les Japonais délurés de Sabbat. Ces derniers sont menés par le charismatique Gezol, chanteur/ bassiste à l'accoutrement démesurément guignolesque et dénudé.

Ce grand clown sait comment s'y prendre avec ses spectateurs, qui ne voient que lui sur scène même si ses deux compères n'ont rien à lui envier musicalement parlant. On a là ce que l'on peut appeler une bête de scène dans tous les sens du terme : totalement old-school, le Black/Thrash des Japonais se caractérise par le second degré permanent que ces derniers dégagent sous l'égide de Satan. De la bonne musique excellemment exécutée par l'équivalent de Venom dans le pays du Soleil Levant , un esprit rock'n'roll et surtout du spectacle et de la bonne humeur. Le concert se termine en fracas avec la destruction de la basse de Gezol, qui termine sa course dans les mains du public. À une heure avancée,  on a profité d'un show caractérisé par une ardeur en un dynamisme rares que l'on retrouvera sous une autre forme le lendemain avec Metalucifer.



Comme toute journée de festival, le vendredi 4 septembre a donc été marqué  par quelques déceptions, mais surtout des coups d'éclat et des surprises. Mais la soirée se poursuit sur le site-même avec un "after DJ", et sur le camping où l'ambiance se révèle festive près du bar jusqu'à une heure très tardive. 


 KhxS, A Nameless Staffer, Tom 



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