Chronique | AVGVST – "Onlooker" (Album, 2012)


AVGVST – "Onlooker" (2012)

Tracklist

01 – Julius K. Nyerere    07:26
02 – Edouard Levé     05:38
03 - Onlooker     06:29
04 – Another Source     06:42
05 – Or / In     05:56
06 – Nowhere Club     09:23

Extrait



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Découvert il y a un peu plus d'un an en concert à Rennes, en première partie de People Of Nothing, AVGVST est un de ces ovnis qui trône dans ma discographie personnelle et que j'aime à ressortir quand l'envie me prend de changer pour quelque chose de flottant, afin de me reposer les oreilles et le cerveau.


Ne me faite pas dire ce que je n'ai pas dit. Je ne sous-entends en aucun cas qu'il n'y a pas matière à réfléchir en écoutant le genre de musique que compose le groupe, bien au contraire. C'est juste qu'il s'agit d'un genre de musique qui me berce et me laisse rêveur, comme si mon cerveau se mettait en pause quelques minutes (41:35 pour être précis), dans un monde où tout va beaucoup trop vite.

AVGVST est un projet d’Aurélien Delamour qui a vu le jour à Paris en 2001. D'abord résolument tourné vers un Post-Rock instrumental, bien représenté avec un premier album « Domain », paru en 2001, et un EP, « A Sorry Plain » en 2004. Le groupe bifurque légèrement pour nous sortir en 2012 un deuxième album, « Onlooker », plus tourné vers les premières influences du groupe, à savoir  la Coldwave, la Synth et le Post-Punk, Joy Division, Clan of Xymox et toute la clique. Aurélien s’attelle à la voix, à la guitare et aux synthétiseurs. Il est accompagné d'Aurélie Briday, à la basse et aux synthétiseurs également. Cet opus est sorti sur le label Anywave Records.

Rien que la pochette donne envie de voyage. Un rocher écrasé par un ciel couchant et irisé qui me paraît infini, quasi-libérateur. Un nom de groupe stylisé en un découpage minimaliste, reposant sur se rocher comme sur un piédestal, comme une colonie de goélands prenant leur envol. Une invitation au départ. Remercions Damien Lafargue pour cette photo et Myriam Barchechat pour le design. Simple, aérien. On sait au moins à quoi s'en tenir et on est sur de ce que l'on s’apprête à écouter.

Première piste et déjà je me contredis. « Julius K. Nyerere », qu'est-ce que c'est que ce nom ? Pour le repos du cerveau précédemment évoqué, on repassera. Cette chanson est en fait un hommage à l'homme politique socialiste tanzanien, qui a participé grandement à l'émancipation de son peuple du joug britannique, et qui fait l'objet actuellement d'un procès en canonisation par l’Église. Rien que ça. Pour plus de détails je vous invite à chercher par vous-même.

Musicalement on est dans du Post-rock pur jus. Introduction planante, suivit d'une guitare sursaturée avec une alternance entre des passages plus tournés Coldwave et d'autres plus orientés Post-Rock. Cela fonctionne plutôt bien, des chœurs angéliques et une voix synthétique agrémentent le tout, enveloppant jusqu'à la musique elle-même. La fin du morceau est calme, avec une guitare rappelant un Godspeed You! Black Emperor.

Puis, c'est le virage. Nouvelle composition, nouveau son. On change ici totalement d'instruments et pourtant pas tant que ça d'ambiance. Introduction électronique, on passe ici à une New Wave planante façon Mynationshit, ou bien encore Visiona, résolument tourné Ambient. Cette fois-ci c'est le son légèrement Noisy, couplé à la réverbération qui donne une impression de musique englobante. Quelque part, je ne peux m'empêcher de faire le lien avec les rennais de DEAD. Et encore une fois j'ai menti. « Edouard Levé ». Une nouvelle composition au nom cryptique. Mon dieu, que je manque cruellement de référence sur ce coup-là ! Il s'agit en fait d'un artiste peintre, photographe, écrivain conceptuel « marqué par la souffrance du double et du dédoublement ». Tout un programme.

On continue notre voyage avec « Onlooker », clef de voûte de cet album et première composition à posséder clairement des paroles. On change encore une fois de direction pour une Coldwave calme tout en gardant la guitare et sa réverbération. Le chant clair est teinté de malaise. Déprimant. S'installe alors volontiers une atmosphère mélancolique, de mal-être. La voix finie par être recouverte par la musique, comme si le chanteur était absorbé, dépassé par ce qu'il chantait, dévoré par les démons qui le rongeaient.

Mais ce n'est pas fini et on change encore une fois de direction pour revenir à de l’électronique. Avec « Another Source », on lorgne grandement sur la Synthwave, voire même la Trance à entendre la boucle utilisée. La voix est spectrale, désincarnée, tordue par la réverbération et la distorsion. Cela ressemble à certaines compositions de Moby, dans le ton du moins. Quelqu'un me glisse une comparaison avec Kirlian Camera à l'oreille. Je ne connais pas assez ce groupe pour lui donner raison ou tort. Un brin de Coldwave façon Schönwald, Sixth June ou Lebanon Hanover sans trop appuyer, ça c'est sur.

On s'approche grandement de la fin avec « Or / In », avec laquelle on retourne aux joies d'un Post-Rock associé à une batterie martiale lorgnant sur l'Industrial. Voix désincarnée toujours. La composition de l'album qui me parle le moins. Puis viens le grand final avec « Nowhere Club », production Post-Rock également, qui sonne comme une marche, peut-être funèbre, du moins qui marque la fin de quelque chose.

À ce moment précis je laisse mon esprit vagabonder. J'imagine une scène d'adieu, années 30, sur un quai de gare, au ralenti, sous le vent. Une main de femme tendue qui appelle un être cher, une invitation à rester. En vain. De l'autre côté de la vitre, un battement de paupières et le quai n'est déjà plus, seule reste une photographie défraîchie de la personne abandonnée, entre des mains tremblantes. Une pointe d'amertume peut se lire fugacement sur un visage pâle et élégiaque. D'une voix fragile, un "au revoir", et la photographie glisse par la fenêtre, emporté par un courant d'air. Le paysage défile. Nouvelle destination, nouvelle aventure.

Malgré un changement constant de direction, ce deuxième opus d'AVGVST paraît tout de même étrangement cohérent. C'est quelque chose que l'on retrouvera, dans une autre mesure, sur l'album éponyme de People Of Nothing, dont Aurélien Delamour a assuré la post-production. Même si les voix sont plutôt froides et les compositions lentes, ces dernières ne sont pour autant dépourvues de chaleur, bien au contraire. Du minimalisme, sans être vide.

On ressent, tout au long de l'écoute, une certaine mélancolie. Mais la musique, généralement planante, nous donne envie de nous jeter dans le vide (peut-être à partir de ce rocher présent sur la pochette). Non pas pour nous écraser en bas, mais pour prendre notre envol vers de plus hautes sphères. En même temps n'ai-je pas dit que la typographie du nom sur la pochette m'évoquait le battement d'ailes d'oiseaux ? Voire d'anges qui sait … ?

Au final, « Onlooker » porte bien son nom. Signifiant en anglais "spectateur" au sens de "curieux", ou "badaud", on est bien ici dans une démarche passive, comme pris dans le courant tranquille d'une rivière qui nous berce, regardant au loin des fragments de vie sur la berge. C'est donc avec une certaine patience que j'attends d'appréhender quelques fragments prochains.

Aladiah

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