Article | God Save The Unblack Metal

God Save The Unblack Metal

"Brutal Truth or Brutal Cross : That is the question"

 

Arriver à s’enlever l’image clichée du metalleux (« fils de Satan » et « fils d’Odin », souvent revendiquées par les amateurs eux-mêmes) est aujourd’hui relativement difficile. Pourquoi toujours mettre à l’honneur la haine et la noirceur ? Ce côté haineux qui fait jubiler les pseudo-satanistes ne se trouve pas qu’au sein de l’antéchrist, dans la main gauche. Nous allons aujourd’hui briser toutes les réflexions de ce genre et mettre à l’honneur un style méconnu du grand public : le Holy Unblack Metal. Le nom ne vous dit rien ? Pourtant, ce genre musical existe bel et bien, depuis presque aussi longtemps que son rival le Black Metal. Nombre de musiciens continuent encore aujourd'hui de combattre l’antéchrist à grands coups de riffs saturés. Allez-vous commencer à songer à Dieu ou continuerez-vous de lever la main gauche en disant « Je le jure » ?

- Unblack Metal, le Black Metal version chrétienne

Le Unblack, est un sous-genre du Metal reprenant tous les codes musicaux du Black Metal mais dans une version chrétienne ; L’antéchrist se transforme en Christ, le cavalier noir en cavalier blanc et les funérailles blanchissent. Avec une scène Heavy Metal Chrétienne florissante dans les années 80, il est tentant dans les années 90 pour les musiciens chrétiens de contrecarrer un courant d’anti-christianisme par l’unblack.

Ce style est de fait présent dans la sphère Metal et a son propre public - qui parfois se mélange même avec les Black Metalleux (qui se terrent pour ne pas montrer qu’ils en écoutent) - contrairement aux « unblack metalleux » qui ne cautionnent pas le BM anti-chrétien, ce qui traduit peut-être la différence entre les moutons et l’esprit libre, ou une non connaissance du groupe écouté. 

- L’unblack Metal, est-ce du Black Metal ? 

Cette question révèle une certaine faille dans l’univers Metal qui survient dans bien d’autres styles, avec par exemple : quelle est la réelle différence entre Metalcore et Death Melodique ? Il faut mettre les choses au clair. Il y a des styles dans l’univers Metal qui touchent moins l’imaginaire général et qui possèdent seulement des caractéristiques musicales un peu vaseuses. La question se pose dans tous les sous-genres existants et montre que le monde metalleux est scindé en deux parties : il y a ceux qui pensent que l’instrumentation prime sur l’atmosphère et la deuxième partie prône le contraire. 

Alors on se permet de créer des catégories post-quelquechose, ce qui dit tout et rien à la fois, des catégories « fourre-tout » dans lesquelles A Day To Remember et Amenra sont côte à côte. On ne sait jamais trop si Archgoat, c’est du Black/Death ou du Death/Black, mais à la limite, cela ne nous préoccupe que peu. 

Ecouter de l’Unblack sans savoir que c’en est, c’est croire que l’on écoute du Black Metal, et à partir du moment où l’on sait que Jésus détient la parole du groupe, on se détache tout doucement du groupe et on jette le CD au sol. N’est-ce pas un peu hypocrite ? Et bien non, en tout cas pour ceux qui diront qu’Archgoat est un groupe de Black/Death ; celui qui pense que l’instrumentation prime sur l’idéologie et sur l’atmosphère jettera son CD d’Unblack dans la boue, surement pour revendiquer son statut de « vrai metalleux ».

MALAKH - "Children of Light", groupe sud-coréen de Holy Unblack Metal

De fait, l’idéologie, l’atmosphère du Black Metal est tellement présente lorsqu’elle vient se mêler à un autre genre qu’elle prend le dessus sur la définition du style. Ainsi, Archgoat est bel et bien un groupe de Black/Death. Mais, pour en revenir à l’Unblack, Le problème est bien plus profond que pour la simple distinction entre le Black et le Death. Musicalement et « atmosphériquement » parlant, le Black Metal ne se démarque que peu d’un groupe d’Unblack, c’est là que le problème devient intéressant. Une fois que plus rien ne se démarque au niveau musical et atmosphérique, il n’y a plus qu’un combat d’idéologie. Satan contre le Christ, l’individu contre le groupe, l’esprit libre contre les moutons. Si l’atmosphère ne diffère jamais réellement entre les deux styles, c’est bien parce que la haine de l’un envers l’autre est toute aussi puissante.

L’Unblack n’est donc définitivement pas du Black Metal. Aucunement.

Mais, il y a toujours un « mais », si l’on admet que le fondement de la pensée Black Metal se terre dans la négativité, dans un besoin d’alternative et de remise en question de tout, dans la haine et un retour aux sources (quel qu’il soit) alors l’HUBM, aussi paradoxal que cela puisse être, peut être considéré comme du Black Metal. En effet, « Dieu n’est qu’Amour », mais l’interprétation faite par les musiciens de la parole de Dieu ne se fait pas forcément dans l’amour, la sérénité et le pardon. 

Si l’on prend le groupe de Black/Death chrétien Azmaveth, avec le titre « A Mortal Way Of Life » sur l’album « Strong As Death », les paroles sont tout à fait dans les critères précédents :

« Exterminez du visage de la terre tous les mauvais rites sataniques cassent les neuf déclarations d'obscurité et ne suivent pas les mensonges de Satan.

Détruisez le charme blasphématoire de l’enfer, que brûle la Bible satanique malsaine
Arrêtez le territoire de Samaël, écrasez le responsable du serpent antique

Éliminez l'autel de sacrifice, que s'inverse la croix inversée du Christ, se brise le pentagramme diabolique pervers, détruis le cercle malin du mensonge. »

Il est indéniable avec cette exemple que l’on peut combattre la haine par la haine et la violence. Alors ? BM ou pas ? 

- L’émergence de la scène Unblack Metal

L’histoire de l’Unblack commence avec le groupe australien Horde et son album « Hellig Usvart » sorti chez Nuclear Blast Records en 1994, lors de l’époque florissante du Black Metal. Avec cet album de HUBM (Holy Unblack Metal), qui rappelle la formule de Darkthrone « Unholy Black Metal », les codes de la récente scène BM ont été transgressés, ce qui n’a pas plu au monde du Black Metal et à ses adeptes parfois fanatiques.

La conjoncture de ce temps a fait que le groupe n’a pu jouer que deux concerts car les menaces de mort envoyées au label pour connaitre le nom des membres ont été récurrentes et ont eu raison du groupe. Être un groupe chrétien jouant du Black Metal, c’est mal vu, mais ça n’aura pas empêché de nouveaux groupes de se créer et se développer. 

 

Pochette de l'album "Hellig Usvart" d'Horde

C’est ainsi qu'Antestor, groupe actif depuis 1989, et Crimson Moonlight (Unblack mélodique suédois) formé en 1997, font leur apparition et parfument le monde du Black Metal avec « Dieu », les saints et  les croix non-inversées. C’est un contre-courant dans le contre-courant mettant au jour des idéologies bien distinctes au sein d’un schéma musical presque similaire. Si Horde avait cet aspect si primitif et violent, ce n’est pas le cas de ses successeurs qui eux, prendront le flambeau avec finesse et dévotion pour Dieu. Antestor par exemple, officie dans un Unblack Metal mélodique et symphonique ou se rejoignent des accentuations ecclésiastiques, que ce soit dans l’utilisation de samples de chants féminins et de chants grégoriens ou encore de paroles totalement axées vers la louange de Dieu. Pourtant, à l’écoute, le riffing est semblable au BM classique. Mais les paroles elles, sont bien orientées vers Dieu :

Antestor : 

« Tu es mon Espérance, O Seigneur, Ma Confiance, O Seigneur, Depuis mon enfance
Depuis ma naissance je suis sous ton regard
Mon Protecteur depuis que j'ai quitté le sein de ma mère »

« A Sovereign Fortress »

Cette traduction met en avant un besoin des membres du groupe de mettre leur foi dans leurs morceaux. Pour l’anecdote, Antestor, ayant signé sur le label Black Metal « Cacophonous Records » afin de produire l’album « The Return Of The Black Death », a été laissé à l’abandon par ce même label après avoir écoulé 10 000 exemplaires car ceux-ci étaient chrétiens (PAS TRVE = PAS VENDEUR). 

 - Une scène encore méconnue

 

Si cette scène ne connait pas un franc succès, c’est parce qu’il est difficile de faire aimer à des fidèles chrétiens dogmatiques une musique à la base anti-dogmatique et individualiste (désolé pour les partisans de « la grande famille du Metal »). C’est ainsi que l’Unblack est devenu une satire de la scène Black Metal ou au contraire, une partie combattant le BM par le prosélytisme. En faisant la promotion du christianisme par ses chansons, l’HUBM devient le phare d’une pensée anti-misanthropie et anti-individuelle, mais surtout anti-malin. On peut notamment le voir par le nombre de noms christianisants comme : 

• Brutal Cross : UnBlack/Death polonais
• Destroyer Of Lie : UnBlack/Death ukrainien
• Harvester of Souls : UnBlack/Doom E.U
• La Chambre Ardente : UnBlack/Gothic français
• Arch Of Thorns : UnBlack E.U
• Ancient Fortress : Unblack Néo-zélandais
• Apostasy : Unblack E.U

Si l’HUBM n’est pas un style très répandu dans le monde, il est tout de même présent dans tous les pays à culture métallique. Là où se trouve la plus grande concentration de groupes d’UnBlack Metal  est aux Etats-Unis, au Brésil et en Scandinavie. Les Etats-Unis et le Brésil sont deux pays très attachés au christianisme, ce sont également des contrées où la christianisation s’est faite tardivement et de façon massive. 

La scène HUBM des Etats-Unis est assez paradoxale. De manière générale, le BM américain n’est pas tellement orienté dans les thématiques sataniques, la plupart des groupes sont plus axés vers la nature, la misanthropie et non l’anti-christ. Le développement de cette scène s’est ainsi fait en tant que moyen de combattre l’anti-christianisme mais également par amour de la religion et par une sorte de prosélytisme à une moindre échelle. 

Taake - corpsepaint Black Metal

Antestor - corpsepaint Unblack Metal

Black Metal et Unblack Metal sont les mêmes en étant totalement opposés. L’un se battant avec  Sheitan, avec une vision individualiste et l’autre se battant avec Dieu et la foi au sein d’une masse croyante. Aujourd’hui, les musiciens chrétiens tendent à s’approprier d’autres genres musicaux initialement reconnus comme des styles critiquant vivement la religion. C’est donc le cas du Black Metal avec l’Unblack Metal mais des groupes de Grindcore chrétiens font aussi leur apparition en proposant une vision artistique atypique dans ce milieu musical.

Les puristes diront toujours que l’HUBM n’a pas lieu d’être, mais l’innovation dans le Metal et dans le Black Metal devient de plus en plus rare, pourquoi ne pas laisser tous les croyants, toutes les religions, s’exprimer afin de créer et d’innover ?

Hugod