Chronique | Steven Wilson - "Hand. Cannot. Erase." (Album, 2015)


Steven Wilson - "Hand. Cannot. Erase." (Album, 2015)

Tracklist:

01. First Regret (2.01)
02. 3 Years Older (10.18)
03. Hand Cannot Erase (4.13)
04. Perfect Life (4.43)
05. Routine (8.58)
06. Home Invasion (6.24)
07. Regret #9 (5.00)
08. Transience (2.43)
09. Ancestral (13.30)
10. Happy Returns (6.00)
11. Ascendant Here On…(1.54)

Extrait en écoute:




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Quand Steven Wilson a sorti l'album "The Raven That Refused To Sing (And Other Stories)" il y a deux ans, qui aurait pu penser que cet album allait devenir la plus grosse réussite de toute sa carrière, même en comptant Porcupine Tree, groupe qu'il a délaissé à partir de 2009 pour se consacrer à sa carrière solo? Il aurait été facile pour le musicien britannique d'envisager un "Raven  Part II" ou du moins quelque chose se rapprochant du Rock progressif très inspiré proposé dans son opus précédent, mais celui-ci n'aime pas se répéter et opère un virage à 180 degrés sur ce "Hand. Cannot. Erase." paru le 2 mars dernier. 


Il s'agit donc du quatrième album de la carrière solo de Steven Wilson, mais aussi d'un album concept inspiré de l'histoire vraie de Joyce Carol Vincent, une jeune femme que l'on a retrouvé dans son salon trois ans après son décès, malgré une vie affective et familiale bien remplie. Wilson a repris cette idée de base pour en faire le noyau de son propre récit fictif, du point de vue à la première personne d'une femme qui grandit au commencement du XXIème siècle et qui, lentement, commence à se retirer du monde, se rendant de plus en plus invisible. 


Les paroles ont donc une importance  capitale sur ce quatrième album. Capturant l'expérience féminine avec une véracité surprenante, elles font partie des meilleures que Steven Wilson ait jamais écrites. La protagoniste y parle de sa vie comme d'une "parenthèse", une dépossession de soi, elle se sent tomber dans un gouffre sans fond, comme "un train à l'écart qui ne ralentit jamais"… "mais maintenant il n'y a personne pour [la] rattraper". La conclusion logique est une lettre de déchirement à son frère qui se conclut par ces mots: "je me sens un peu assoupie maintenant donc je vais la finir demain.". Plus important encore, la prestation de Steven Wilson sur ces paroles est  émotive, comme elle ne l'a jamais été. Le musicien n'a pas changé son approche globalement discrète du chant, mais celui-ci devient beaucoup plus magistral et impliqué, avec un soupçon de grain et quelques sursauts dans sa voix qui rendent celle-ci nettement plus intéressante que sur ses autres opus. 

"Hand. Cannot. Erase" est, du fait de son thème plus contemporain, un album qui sonne beaucoup plus moderne, qui est beaucoup plus tourné vers l'avenir que le précédent, qui était une lettre d'amour au prog des anciens, le Rock progressif selon Steven Wilson, avec des influences très nettement reconnaissables (parfois un peu trop?). Le monde de "Hand. Cannot. Erase." est beaucoup plus diversifié et ambitieux musicalement. On peut y trouver des choses inhabituelles de la part du bonhomme, à savoir quelques boucles de batterie et de la programmation sur de nombreux morceaux. Cette fois-ci, la présence des synthés analogiques dits "rétros" est réduite au minimum, mais je retiendrai le magnifique moog solo sur le morceau 'Home Invasion', qui fait suite à un bref motif de mellotron. Steven Wilson a tant et si bien assimilé le Rock progressif dans "The Raven", qu'il expérimente désormais avec ce solide atout, pour partir à la recherche de nouveaux horizons musicaux: 'Transience' contient de nombreux éléments folkloriques, mais ce qui surprend c'est les influences electronica présentes sur 'Perfect Life', avec ses boucles de batterie et autres textures sonores inhabituelles chez Steven Wilson. 

Peut-être y a-t-il des fans inconditionnels du Rock progressif qui rejetteront l'idée de beaucoup utiliser des échantillonneurs ou des séquenceurs musicaux, de plus jouer sur le côté électronique, et même de faire des chansons plus Pop que Rock, comme 'Perfect Life'. Mais ceux qui ont l'esprit plus ouverts auront du mal à dénigrer ce "Hand. Cannot. Erase." qui est l'étape suivante de la progression wilsonienne. Steven Wilson prend le sens de l'adjectif 'progressif' au premier degré, tout simplement. La technique évolue, et la musique avec. Mais il ne s'agit pas non plus de faire table rase du passé. J'irais même jusqu'à dire que le musicien a parfaitement intégré à sa musique les éléments qu'il utilisait avec Porcupine Tree. En fait, "Hand. Cannot. Erase.", c'est la panacée du cocktail dionysiaque, le fabuleux mélange d'ingrédients qui surprend, qui dérange, mais qui ne laissera personne indifférent, à l'image de cette pochette badigeonnée de gouache, que l'on peut aussi bien haïr que vénérer. 



Tom

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