Le Bondage Carnage II forcé d'annuler


 "STOP CENSURE !"

  Voilà un cri d'indignation que les amateurs de Metal ont entendu et prononcé plus d'une fois. Un cri qui chaque année rassemble de plus en plus de personnes, et qui est d'ailleurs devenu le leitmotiv des défenseurs du Hellfest. Mais là où l'enfant de Ben Barbaud croît sans problème apparent et rapporte de plus en plus, celui de Vinz de Mulk vient d'être amputé d'une jambe, alors même qu'il apprenait à marcher à quatre pattes. Organisateur du Bondage Carnage, un petit festival de Grindcore se déroulant sur Lyon, Vinz de Mulk a été contraint d'annuler la deuxième édition de l'événement, prévue pour ce vendredi 31 octobre. Et si Rue89 a eu l'amabilité de relayer l'information, il n'y a pas de raisons que nous autres membres de la presse musicale amateur ne vous tenions pas informés de cette injustice. 

  C'est au Blogg, bar du 7e arr. à Lyon, que Le Bondage Carnage II était censé se dérouler. Et si le gérant du local s'est attiré la foudre du collectif chargé de l'organisation du festival lorsqu'il a annoncé, sans crier gare, l'annulation de l'événement, l'appel au boycott semble s'être très vite calmé. En effet, dans un récent communiqué, l'organisateur nous en dit un peut plus sur la situation : "Nous savons dorénavant que cet incident est parti d’une lettre de délation et, un des groupes ayant été menacé de ces faits il y a un mois pour des motifs totalement différents d'une soit disant "bonne moralité", nous suspectons la nature malintentionnée de cet acte. Cette mauvaise blague a coûté très cher à tout le monde et nous le regrettons."

 
 
  Une lettre motivée par le caractère "obscène" des groupes et par leurs paroles qui, conformément au style, ne manquent pas de puiser dans un registre sexuel étroitement lié à l'excès. C'est ainsi que la mairie du 7e arr. de Lyon est entrée en jeu. Et si l'administration a donc joué son rôle dans l'annulation de l'événement, Romain Blanchier, adjoint à la culture et maire de l'arrondissement susmentionné, déclare que les décisions qui ont été prises n'ont rien à voir avec de l'interventionnisme : "Ce n'est pas notre rôle du tout. Nous avons reçu deux ou trois courriers de gens qui s'inquiétaient des paroles d'un des groupes, et nous les avons transmis à la préfecture".

  La préfecture contactée, Mr. Marcelin (gérant de l'établissement), a du « s’expliquer sur la présence de ces groupes aux textes litigieux dans un événement du Blogg ». Et notamment devant un agent de la police, présenté par le Blogg comme appartenant aux « renseignements généraux » (aujourd’hui DGSI, direction générale de la sécurité intérieure). La pression importante exercée par la mairie et par la préfecture ont conduit Mr. Marcelin à annuler l'événement, effrayé par d'éventuelles répercussions. Pourtant, et alors que l'établissement est plus habitué aux soirées salsa, le Blogg semblerait prêt à accueillir une soirée typée Metal, preuve de la bonne volonté du gérant.

Clitorape, groupe originaire de Strasbourg programmé au Bondage Carnage II.

   En lisant cet article, il est probable que de nombreux amateurs de Metal ne soient guère touchés par l'annulation du Bondage Carnage II, au vu des groupe que l'événement souhaitait faire monter sur scène. Et si bien évidemment nous ne sommes pas totalement surpris par le dénouement de cette histoire, nous aimerions profiter de cette tribune pour parler un peu du genre, et des actes de Mr. Blanchier, adjoint à la culture et maire du 7e arr. de Lyon.

  Si le Grindcore est un des genres les plus underground du Metal à l'heure actuelle, c'est parce qu'il demeure incompris par de nombreuses personnes. Certains "metalleux" en viennent à qualifier le style de "bruyant", tout comme le font les personnes extérieures au milieu Metal. Certes, le Grindcore est un des styles les plus chaotiques que l'on puisse trouver, et la violence (sexuelle ou non) est un des sujets prédominants. Mais n'est-ce pas le cas du Death et du Black Metal ? Cette iconographie provocatrice sied à merveille au genre, qui de par son agressivité et sa capacité à surprendre et faire rire l'auditeur, en fait un des styles les plus cathartiques qu'il puisse exister.

 
Jig Ai, formation tchèque de Grindcore à la renommée internationale.
 
  Et c'est bien de cela qu'il s'agit Monsieur Blanchier, de Catharsis. Sur le plan musical, le Grindcore est la purgation la plus primaire des névroses et des fantasmes de l'être. Un style qui traite de sujets tabous comme le sexe et la violence. Et la preuve irréfutable que ce genre n'appelle pas au viol, Messieurs de l'administration et de la culture, c'est le succès de l'Obscene Extreme, festival qui chaque année se déroule sans aucun soucis, et ce, sans même disposer d'une équipe de sécurité. 
  Ce qui nous choque le plus dans cette histoire - nous devrions pourtant y être habitués -, c'est que des représentants de la culture caressent la plèbe dans le sens du poil et ne prennent même pas le temps de se renseigner sur ce qu'ils condamnent, parce qu'ils seraient alors responsable et pourraient avoir à s'expliquer. 

  L'annulation du Bondage Carnage II soulève non seulement le problème de la liberté d'expression, mais également la contradiction dans laquelle vivent certains citoyens français, qui souhaitent vivre en démocratie mais ne supportent pas être offensés. Cette problématique, Steve Hughes (ex-Salughter Lord) en parlait déjà il y a quelque années dans ses courtes apparitions comiques.


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