Chronique | Azziard - "Vésanie" : le cauchemar de la guerre des tranchées


Azziard - "Vésanie", 2014

Tracklist

1. Allégorie
3. De lumière, d'obscurité
4. Sur la toile
5. Dialyse
6. Ekphrasis
7. Dans ma chair
8. Digression

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Année 2014. Il y a un siècle débutait le conflit le plus meurtrier jamais connu à l’époque. En tout, c’est 60 millions de soldats envoyés à l’abattoir, 9 millions de morts, et des familles entières marquées à jamais par l’horreur de la Grande Guerre. Expositions, films, documentaires, photographies… Notre paysage culturel français fourmille actuellement de nombreuses manifestations en cette année du centenaire.

C’est dans ce contexte de souvenir et de commémorations qu’Azziard a choisi de nous dévoiler son second opus, "Vésanie". Et si la sortie de ce nouvel album en 2014 n’est peut-être simplement qu’une coïncidence, force est de constater que le hasard fait parfois bien les choses car le combo puise son inspiration dans cet évènement destructeur du XXè siècle.

Depuis 2001, la formation parisienne nous sert un Black Metal froid et cinglant mâtiné de Death. Entièrement axé sur l’aspect dévastateur de la "guerre des guerres", leur premier album "1916", sorti en 2009, leur avait permis de se faire remarquer sur la scène extrême française. Cinq années passent, Azziard remet le couvert fort d’un nouveau line-up datant de 2011. Le commando a notamment intégré dans ses rangs Siegfried à la basse, ainsi que Nesh à la guitare et A.S.A au chant. Ces deux derniers occupent également les mêmes fonctions dans The Negation, jeune formation française de Black/Death Metal ayant récemment sorti un premier album admirable : "Paths Of Obedience" (chronique à cette adresse). 

La pochette de "Vésanie" signée Metastazis (Behemoth, The CNK, Blut Aus Nord…) nous confronte à un visage défiguré et derrière, un homme aux yeux exorbités et des cadavres entassés. Le danger permanent, l’odeur des cadavres en décomposition et l’usage intense d’armes chimique ont provoqué chez de nombreux survivants des séquelles physiques et psychologiques parfois irréversibles. Pour certains, le retour à une vie civile apparaît impossible. Les Franciliens peignent ici le portrait d’un de ces poilus internés, en proie à la folie à la suite de son passage au front. Désignant un dérèglement de l’esprit ou l’aliénation, le titre même de l’album fait directement écho au sujet traité.

Tout au long de "Vésanie", c’est bien un sentiment de malaise et d’apocalypse qui envahit l’auditeur, de l’ambiance étouffante d’"Allégorie" aux rythmes cavaliers de "Sur la toile" où Azziard prend soin de varier les styles en gardant un propos cohérent. Comme le protagoniste principal, nous passons par plusieurs stades avec un début de morceau aux riffs musclés et accrocheurs puis une fin laissant place à une atmosphère malsaine, portée par des voix plaintives et lointaines, s’éteignants dans un ultime râle de désespoir. 

La recette fonctionne à merveille et structure les 40 minutes de cette galette. Arkyon (batterie) change sans cesse son fusil d’épaule, œuvrant tantôt dans un type ultra rapide, tantôt martial ou mid-tempo comme sur "Disjonction". Enregistré et mixé au Hybreed Studio, "Vésanie" jouit d’une production claire et puissante donnant à la batterie la possibilité d’apparaître au premier plan, accentuant la sensation de lourdeur. Proposant des soli ou des riffs parfois typés Thrash/Death sur les morceaux "Dans ma chair" ou "Disjonction", Zyule et Nesh ne sont pas en reste. Peut-être l’un des titres les plus massifs de l’album, "Ekphrasis" entraîne l’auditeur dans un déluge de violence avec une double pédale très présente et des riffs d’une agressivité écrasante. L’utilisation de dissonances et de mélodies aiguës contribue également à instaurer une écoute oppressante et presque désagréable, parfaitement en accord avec le sujet traité ; en témoigne la fin des morceaux "Dialyse" et "De lumière, d’obscurité". "Digression" conclut l’album avec un style un peu speed et Thrash au début, ponctué de passages mid-tempi où le chanteur déclame ses paroles dans un haut-parleur. De manière générale, les vocaux écorchés d’A.S.A sont mis légèrement en retrait, et sonnent très justement avec le propos, laissant apparaître des bribes de phrases par instants. 

"Il ne reste qu’à prier jusqu’à ce que cette triste guerre soit gagnée…"

"Vésanie" prend aux tripes et nous plonge dans le cauchemar de la guerre des tranchées, rappelant les millions de soldats revenus mutilés et traumatisés. Sujet difficile à tenir, Azziard s’en sort néanmoins avec les honneurs grâce à un travail de composition maitrisé et réussit à immerger l’auditeur dans ce chaos psychologique. En définitive, un bel hommage à tous ces poilus qui trouvera certainement son public auprès des amateurs de Black Metal malsain et tranchant.

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