Chroniques | Darkenhöld : Dans la froideur et la noirceur des citadelles médiévales


Aujourd'hui retour au Moyen-Age avec Darkenhöld, un groupe qui ne sera pas étranger à ceux qui suivent d'un oeil vif la scène underground du Sud de la France.

Deux des membres de ce trio de Black médiéval français ne sont pas inconnus de la scène locale; en effet, Aldébaran (guitare, claviers, basse) a fondé le feu Artefact, a fait partie de la formation Doom/Black/Death Ysengrin et a officié au sein de Fhoi Myore en live. Aboth, batteur de Continuum, a également été membre d'Ysengrin. Le vocaliste Cervantes, en revanche, reconnaissable par la cape rouge qu'il porte sur scène n'a fait parler de lui qu'en ce qui concerne sa participation au groupe qui nous intéresse ici. 

Le style du combo se caractérise par un Black Metal épuré qui tire son inspiration de légendes anciennes et d'ambiances à la fois fantastiques et épiques. Aldébaran a donné naissance à ce groupe pour revenir aux sources du genre, au Black traditionnel du milieu des années 1990. Mais les fans d'Artefact, du point de vue du voyage musical proposé ne se sentiront pas aussi dépaysés qu'on pourrait le penser puisque le Black mélodique d'Artefact contient des éléments que l'on retrouve dans Darkenhöld, surtout en ce qui concerne les atmosphères médiévales que l'on a le loisir d'entendre dans l'ambitieux dernier opus, "Ruins". 

Après deux splits enregistrés en 2009 aux côtés de Fhoi Myore et Naastrand comprenant des reprises d'Ancient, Abigor, Mephistopheles ou encore Wallachia, Darkenhöld participe au Old Crown, New Spawn avec une reprise d' 'Ancient Queen' d'Emperor. Mais c'est surtout en 2010 que la notoriété des artistes progresse avec la sortie de leur premier opus baptisé "A Passage to the Towers…" et paru sous le label Ancestrale Production. Celui-ci fait l'objet d'une tournée franco-suisse l'année suivante, avant la sortie du deuxième album "Echoes from the Stone Keeper" via Those Opposed Records. Une nouvelle tournée a lieu en 2013 en compagnie d'Angmar et de Fhoi Myore. 


Alors que les musiciens s'apprêtent à nous livrer leur troisième effort studio intitulé "Castellum", nous allons nous intéresser aujourd'hui aux deux premiers albums parus à ce jour, afin, notamment, de pénétrer le mystère qui semble entourer ce château fort...

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Darkenhöld - "A Passage to the Towers...", 2010

Tracklist

01. A Passage... (Overture)
02. Ghouls and the Tower
03. Marble Bestiary
04. Citadel of Obsidian Slumber
05. Chains of the Wyvern Shelter
06. In the Crystal Cavern (Interlude)
07. Cleaving the Ethereal Waves
08. Crimson Legions
09. Darkenhöld

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Après avoir signé chez Ancestrale Production, Darkenhöld sort deux ans après sa formation un très bon premier album, riche en mélodies et qui ne renie pas l'héritage des grands noms de la scène de Black mélodique et symphonique, qui n'a strictement rien à voir avec Anorexia Nervosa ou Dimmu Borgir, bien que cet album ait été mixé et enregistré au Drudenhaus par Neb Xort, ex-claviériste d'Anorexia Nervosa. Dix titres aux ambiances évocatrices d'une époque ténébreuse feront voyager l'auditoire dans l'univers occulte, riche et inventif  des artistes. 

Avant de se lancer dans l'écoute de ce disque, il faut absolument observer sa pochette, une belle aquarelle jouant sur le mélange couleurs froides/chaudes et représentant un château fort dont le donjon, qui donne l'impression d'être égaré dans une mer de nuages, est éclairé par la pleine lune. L'arbre déchiqueté, peut-être terrassé par le vent, les feux de forêt ou les flammes de l'Enfer ne présage rien de bon, à se demander quels esprits malsains peuvent bien habiter cette étrange demeure.  


On démarre sur une très belle introduction acoustique, prélude à un périple en d'anciennes terres oubliées et qui témoigne du sens de la mélodie dont disposent les têtes pensantes du groupe. Les parties acoustiques accompagnent d'ailleurs l'opus dans son intégralité, ce qui apporte une touche épique, mélodique et onirique sans un recours abusif aux claviers. Elles contrastent avec des passages plus agressifs qui peuvent cependant nuire parfois à la clarté du son produit par les musiciens. Mais le titre 'Cleaving The Ethereal Waves' (que vous avez eu le loisir d'écouter dans la première compil' de ce webzine) est emblématique d'un équilibre efficace entre les différentes parties instrumentales :  le riffing Black old-school est agrémenté de pistes de claviers en arrière-fond, mais ce qui apporte le vrai plus à cette composition, c'est l'ajout d'un passage acoustique au milieu du morceau, qui révèle la réelle identité du groupe - entre tempête contrôlée et spleen médiéval. La guitare installe une atmosphère nostalgique propre à l'univers médiéval, nous enivrant de riffs acérés et efficaces. Le chant Black tire sa force dans l'alternance des vocaux qui peuvent être clairs, graves, en choeur... , permettant à Cervantes d'accompagner les instruments en fonction des ambiances autant que ces derniers soutiennent sa voix. Le son des musiciens, fort bien rendu par la production dont il a bénéficié, les dix morceaux eépiques et brutaux qui composent cet opus rappellent Helheim ou Kampfar mais dans un mouvement plus épuré, plus direct ou encore plus belliqueux, qui perd la facette Pagan que l'on retrouve chez les groupes cités plus haut. Il n'y a qu'à écouter le morceau 'Crimson Legions' et son introduction très Heavy ou le magnifique 'Sorcery' pour s'en apercevoir.


"A Passage To The Towers..." est donc un album d'une rare qualité, d'une rare maîtrise où chaque morceau est travaillé au maximum. Les mélodies sont subtiles et pour certaines vraiment sublimes, comme c'est le cas pour 'Citadel of Obsidian'. C'est une très belle réussite qui mérite sa place sur vos étagères à CDs.

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Darkenhöld - "Echoes From The Stone Keeper", 2012

Tracklist

01. Subterranean Corridor
02. Under The Sign Of Arcanum
03. Wyvern Solitude Chant (extrait en écoute)
04. Echoes From The Stone Keeper
05. March Of The Sylvan Beasts
06. Interlude
07. Mesnie Hellequin
08. Chasm Of Asylake
09. Nightfall And The Fire Doom
10. Castle Ruins Anthem

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Cet album n'est pas très différent du précédent et s'inscrit dans la lignée de ce que Darkenhöld a montré en 2010, mais j'ai un peu moins apprécié ce deuxième effort, bien que celui-ci soit comparable au premier. Nous entrons par la grande porte qui se présente comme la seule issue possible. Le pont s'est effondré et nous voilà obligé de franchir le seuil de la redoutable forteresse.

On retrouve les principaux éléments qui ont fait la force de "A Passage To The Towers", mais la combinaison des différentes caractéristiques du son de Darkenhöld a été revue pour "Echoes From The Stone Keeper" : les guitares sont beaucoup plus en retrait, les soli d'Aldebaran se font plus rares, c'est principalement cela qui m'a déplu car c'est en grande partie pour les parties de guitare que j'avais vraiment accroché lors de la découverte de ce groupe. Finies, les cavalcades et les mélodies Heavy. Pour cette raison, on savoure particulièrement les intermèdes guitaristiques lorsque ceux-ci surgissent tels des moments d'héroïsme au milieu d'atmosphères toujours aussi sombres et mystérieuses. C'est le cas du solo de 'March of the Sylvan Beasts' qui se termine, hélas, bien trop tôt.

Cet album ressemble davantage à ceux des pionniers de la scène médiévale des années 1990, comme le célébrissime "Dark Medieval Times" de Satyricon, ce qui montre à la fois que la flamme allumée par les grands manitous du genre ne s'est jamais réellement éteinte et que certains sont encore capable d'offrir une musique comparable à celle de l'époque citée. Mais pour ce deuxième opus, l'inspiration des musiciens ne me semble pas être aussi probante qu'à leur tout premier effort : "Echoes From The Stone Keeper" reste un très bon album mais le problème rencontré réside dans l'impossibilité de se défaire des codes traditionnels de la scène Black Metal, ce que l'on peut trouver dommage étant données les qualités que l'on avait pu trouver . Les parties acoustiques sont encore un peu présentes, quoique plus timides, comme l'illustre le titre 'Wyvern Solitude Chant', introduit par une nappe de claviers.

Pour résumer, le style de Darkenhöld a basculé d'un Sacramentum à un Obtained Enslavement beaucoup plus symphonique : les claviers apportent l'harmonie - il faut noter que de ce fait le travail  harmonique semble plus important que sur le premier opus - et les guitares sont presque cantonnées à un rôle rythmique. Par conséquent, on a l'impression d'écouter du Black Metal symphonique certes de grande qualité mais qui s'oppose par sa construction au style du premier album où l'on avait encore une ambiance bien développée sans besoin d'avoir le clavier en avant. Le clavier s'impose nettement et participe totalement aux mélodies, comme sur 'Chasm of Asylake' où il occupe tous les soli, accompagné par le riff en retrait des guitares. Cependant, celles-ci sont bel et bien présentes et permettent de rappeler le caractère malsain de ce lieu maudit qu'est la forteresse peinte sur les deux pochettes... Le sens épuré de la musique d'Aldebaran et toujours présent, et nous reconnaissons bien son style entre mélodie et Black épuré agrémenté de quelques passages acoustiques qui se font plus rares sur cette galette.

Ainsi ce deuxième album ne suit pas exactement la voie tracée dans "A Passage To The Towers", accentuant le caractère atmosphérique des dix nouvelles compositions, et plus porté sur les ambiances embrumées. A conseiller pour les amateurs de Symphonic BM un peu "roots" ! La musique de Darkenhöld évolue donc, à se demander dans quelle direction se dirigent les musiciens à l'approche de la sortie de leur troisième offrande.

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Auteur : Eru Ilúvatar





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