Chronique | AkromA - "La Cène" : Pas de repos. Pas de pitié. Pas de questions


AkromA - "La Cène", 2014

Tracklist + Guests

01. Pierre : S.A.S de l'Argilière 
02. Thomas : Matthieu "Cigalou" Jouvert 
03. Jacques : Frank Laprévotte (La Horde) 
04. Barthélemy : Black Messiah (Seth)
05. Matthieu : Kamel Guellil
06. Jude : Laurent Gisonna (Deficiency) 
08. André : Nicolas Calnibalosky (Funeral Dawn) 
09. Jean : Sotaa (Odium) 
10. Philippe : Sébastien Daspet (Veils of Perception) 
11. Jacques fils d’Alphée : Manu (Avalon) 
12. Judas : Emmanuel "El Worm" Lévy (Wormfood, Erdh.)

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        AkromA est un groupe de Black Metal Symphonique originaire de Nancy, en France, fondé, en 2003, par Alain « Bob » Germonville (Scarve, Darwin's Theory) et Matthieu Morand (Elvaron, Symakya, La Horde). Trois ans après leur rencontre sort le premier album du groupe, « Sept », et encore trois ans après le groupe sort un concept album intitulé « Septh » qui tourne autour des dix plaies d'Égypte. Trouvant encore l'inspiration dans les thèmes bibliques, en 2014 sort le nouveau concept album du groupe, « La Cène » via le label Fantai'zic' Productions.

Leur nom est tiré d'une carte du jeu Magic : The Gathering, « Akroma, ange de colère ». Pour ce qui est du nom de l'album, il fait référence à la peinture murale de Léonard de Vinci, peinte entre 1494 et 1498. Elle représente le dernier repas de Jésus-Christ avec les douze apôtres.
L'album a été pensé comme la reconstitution vengeresse de ce repas par Jésus. Pour donner une cohésion théologique à l'album le groupe a même fait appel à un consultant en la personne de l'Abbé Pierre Binsinger. « La Cène » est donc composé de douze morceaux ayant pour titre chaque nom d'apôtre, le tout pour une durée de plus d'une heure et quart.

C'est donc dans un projet ambitieux que s'est lancé AkromA. Comment retranscrire ce concept en musique ?

Pour commencer, les douze apôtres sont représentés par des chanteurs différents sur chacun des morceaux (voir la tracklist détaillée ci-dessus). Loin de faire d'AkromA un guest-band, la cohésion des chants est faites grâce à la présence systématique du chant d'Alain. Ce dernier a un timbre tout particulier qui aura sans doute marqué toute personne ayant un jour prêtée attention à la formation. Loin d'être sombre, caverneux et profond, c'est un mélange de Heavy très sombre et cassant. Dénotant totalement des standards du Black Metal il est dérangeant, unique et pose les bases de la personnalité d'AkromA. Dans l'album, il symbolise Jésus-Christ, sa présence permet d'éviter l'impression d'avoir affaire à une compilation.
Du fait de la présence de ces nombreux guests il est impossible de s'attarder sur tel ou tel morceau, chacun d'eux faisant un tout, faisant évoluer le disque comme une pièce de théâtre comme l'avait fait précédemment le groupe Athanor.

Un autre chant est présent tout le long de l'album, il s'agit de celui de la soprano lyrique, Laura Kimpe. Cette dernière symbolise Marie, la mère du Christ. Les deux voix récurrentes développent un dialogue tout le long. Toutes deux ayant des voix hautes, la balance se fait avec les guests qui possèdent tous des voix plus typiques du Black Metal comme Black Messiah de Seth ou Sotää d'Odium. AkromA joue alors avec ces différents types de voix, « claires », « violentes » et « profondes ». Le mélange est immersif, le chant en français permet de suivre l'évolution de l'album et du Christ qui évolue au fil de l'action, musicale et écrite. Le concept d'Opéra Metal prend ici tout son sens.

Musicalement, là aussi, le groupe a fait appel à des invités avec une harpiste et une violoncelliste. Ces instruments permettent d'éviter le côté « faux » de certains samples. Le clavier permettant de jouer son rôle d'instrument en tant que tel. Il crée des atmosphères prenantes et sombres. Certaines parties de ce dernier ne sont pas sans rappeler Misanthrope. Le côté symphonique tire plus sur le Goth que véritablement sur le Black Metal, comme c'était le cas chez Anorexia Nervosa.
Les parties musicales ne sont pas en restes comme nous pourrions nous en inquiéter, vu la place prédominante des chants. L'album est ponctué de passages uniquement instrumentaux ce qui permet d'apprécier la guitare, notamment, qui nous offre quelques moments Heavy. L'auditeur peut ainsi souffler un peu face à la richesse et la densité musicale délivrée par AkromA. Les orchestrations donnent un effet grandiose à la musique renforçant ainsi le chant lyrique, tout comme les parties Metal permettent de renforcer celui d'Alain. Les riffs sont, dans ces moments, plus simples, répétitifs et efficaces, alors que lorsque les voix se calment ils se font plus complexes.


AkromA crée, avec ce troisième album, une forme d'Opéra Black Metal (les coups de bâton au début de l'album accentuent cette impression de théâtre), avec ces interprètes possédant un rôle et un type de voix bien particulier que l'on peut relier au rôle joué dans « La Cène ». Riche et complexe, l'opus ne laisse que peu de répit à l'auditeur qui devra s'y replonger plusieurs fois avant de prendre pleinement conscience de cette richesse, qu'elle soit musicale ou conceptuelle. Même si ce thème a déjà été traité, AkromA nous propose sa vision d'une résurrection vengeresse et malsaine d'un Christ trompé. À l'image de leur artwork qui représente cet embryon de haine.

« La Cène » est donc un album complet, difficile à appréhender, mais c'est ce qui lui donne cette ampleur.  

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Auteur : Morgan



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