Black Metal et Nihilisme: entre anarchisme et nietzschéisme?

C'est une ancienne publication présente sur le site de Scholomance, écrite par Guillaume d'Anesthetize Productions, qui nous pousse aujourd'hui à aborder le sujet épineux du nihilisme dans le Black Metal et son rapport avec le nihilisme anarchiste et le nihilisme nietzschéen. L'héritage de la pensée du philologue allemand est souvent revendiqué dans le Metal et le Rock en général, dans le cadre du rejet des valeurs d'un certain ordre établi. On se demandera notamment  si ce critère est suffisant pour qualifier le Black Metal d'héritier de la pensée de Friedrich Nietzsche, ou bien si nous devrions pointer des inexactitudes voire des incohérences entre la manière de penser le Black Metal comme idéologie et esthétique, et la conception du nihilisme chez l'auteur de la Généalogie de la morale.

Une réflexion sur l'art en lui-même et sa signification pour Nietzsche et les artistes du mouvement Black Metal n'est pas centrale dans cet article. Nous proposons ici un point de vue strictement intellectuel sur l'appropriation de l'héritage de la pensée de Nietzsche par le Black Metal, une appropriation qui se révèle assez diverse et souvent contradictoire. Cette contradiction peut s'expliquer par le fait que certains artistes privilégient davantage ce que leur évoque la lecture d'un texte, voire la symbolique qu'il représente, que la fidélité au texte lui-même. Néanmoins, identifier ces incohérences peut aussi se révéler bénéfique pour une meilleure compréhension à la fois du Black Metal et de la conception nietzchéenne du nihilisme et de son dépassement.

Sans se plonger tout de suite dans la pensée de Nietzsche, une rapide analyse rend évident le caractère résolument nihiliste du Black Metal. Si on le définit sommairement, le nihilisme est la négation - et donc le rejet - «des valeurs intellectuelles et morales communes à un groupe social», un refus de l'idéal collectif de ce groupe. Pour adopter une perspective historique, le nihilisme est à l'origine teinté d'une véritable dimension révolutionnaire qui prend sa source dans l'anarchisme russe. C'est ainsi que le 13 mars 1881, dans le cadre de la propagande par le fait, le groupe anarchiste terroriste «Narodnaïa Volia» (Volonté du Peuple) est parvenu à assassiner le tsar Alexandre II, représentant d'un ordre politique, moral et religieux empêchant de faire souffler sur le pays un vent nouveau. La littérature russe du XIXème siècle est profondément marquée par cette terreur qu'inspirait cette forme violente de nihilisme, première manifestation politique d'une volonté de rejeter tout absolu métaphysique, religieux et politique. Dans Les Frères Karamazov (1879-80), par exemple, Dostoïevski fait part de son inquiétude quant au problème du mal et fait dire à l'un des personnages: «Si Dieu n'existe pas, tout est permis.». Il inspirera ainsi une fameuse réponse, sentence issue de Ainsi parlait Zarathoustra: «Dieu est mort».

Membres de Narodnaïa Volia © FINEARTIMAGES/LEEMAGE

La Seconde Vague du Black Metal, celle qui sévit au début des années 1990 avec Mayhem, Darkthrone et Burzum, porte en elle toutes les germes d'un nihilisme qui a fini par lui devenir consubstantiel. De ce point de vue, l'Inner Circle peut aisément être comparé à Narodnaïa Volia, du moins pour son rejet des valeurs établies et son activisme violent. Fondé en 1991, le célèbre groupuscule norvégien entend exprimer par le fait son double-rejet de la morale chrétienne et de la mondialisation. De la même manière que Narodnaïa Volia, s'inspirant du Catéchisme révolutionnaire de Netchaïev, privilégie l'action sur l'idéologie, et «ne connait qu'une science: celle de la destruction», l'Inner Circle franchit allègrement la limite entre musique et réalité et déclenche des incendies d'églises. Comme le proclame Faust d'Emperor dans le magazine Darkness, «Les vieux groupes le chantaient, ceux d'aujourd'hui le font». On le voit bien, le caractère nihiliste du Black Metal explique sans doute pourquoi la dimension politique est si présente dans ce sous-genre du Metal: dès sa genèse, la transformation de la société n'est pas une utopie, mais bel et bien une volonté qu'il s'agit de satisfaire. Ce terrorisme a irrémédiablement imprégné le Black Metal, qui contient toujours les fondements d'un activisme politique plus ou moins marqué.


Avant d'en venir à Nietzsche, notons qu'à la différence de ce que pensent les anarchistes russes, la négation des valeurs chrétiennes ne doit pas, selon les activistes de l'Inner Circle, ouvrir sur un futur ayant fait table rase du passé. Dans sa genèse, le Black Metal est un mouvement tourné vers un passé lointain qui précède le christianisme: il associe aux thèmes de destruction et d'anéantissement, la promotion de l'ère pré-chrétienne en invoquant les mythologies scandinave et germanique, versant parfois dans de véritables néopaganismes tels que l'odalisme dont Varg Vikernes est devenu un adepte par la suite. Cela montre que le Black Metal, du moins à son origine, ne se réclame pas d'un nihilisme nietzschéen, malgré le fait que de très nombreuses productions contiennent des références à Nietzsche. Par exemple, Grand Declaration of War de Mayhem contient des paroles directement issues du Crépuscule des Idoles et de L'Antéchrist. Si le penseur allemand peut être vu comme une source d'inspiration, nous allons voir que certaines de ses idées entrent en totale contradiction avec ce que prêchent de nombreux artistes issus du milieu Black Metal, tels que ceux appartenant à la mouvance NSBM:



Avant toute chose, il convient de signaler que Nietzsche n'est en aucun cas un nihiliste: il entend dépasser ce qui, selon lui, est né de la généralisation de la décadence. Le terme de nihilisme sert ici à désigner la dévaluation universelle des valeurs, dont le symptôme est l'angoisse de l'absurde, la certitude que plus rien n'a de sens.

Analysons tout d'abord le concept de décadence tel qu'il est développé chez Nietzsche. Comme le montre Jean Granier dans son ouvrage Le Problème de la vérité dans la philosophie de Nietzsche (1966), il s'agit en fait d'une sorte de maladie sociale affectant les hommes faibles, qui exclue une interprétation raciale ou génétique propice à d'absurdes détournements idéologiques. En effet le renversement des pouvoirs - le faible domine le fort - est à placer dans un contexte proprement philosophique. C'est à l'aune du concept de vie comme volonté de puissance que Nietzsche montre une faute interprétative de la nature de la vie, une conception fallacieuse à l'origine d'une catastrophe  que Freud nommera plus tard «malaise dans la civilisation».

Décrite comme un dérèglement des instincts qui s'étend à la société toute entière, la décadence continue d'affecter l'homme faible qui cherche à s'en protéger en la camouflant seulement, facilitant sa propagation. Ce  vain camouflage s'effectue grâce à la raison, qui se manifeste sous la forme d'une foi aveugle en la logique et en un impératif moral. Ce processus dissimule une domestication de l'homme qui pervertit la civilisation humaine, dont la nature doit être énergique et passionnée. L'idéologie du péché illustre cette domination du faible sur le fort: «l'homme rendu inoffensif, faible envers soi-même et envers les autres, abîmé dans l'humilité et la modestie, conscient de sa faiblesse, le "pécheur" - voilà le type désirable, celui aussi que l'on peut produire grâce à quelque chirurgie de l'âme» (La Volonté de Puissance, I 187).


Le nihilisme nait donc de l'écroulement de l'idéologie sur laquelle prospérait la décadence, dont les instruments sont une raison et une morale illusoires. Son motif, la mort de Dieu, signifie que l'ensemble des valeurs et des idéaux est démasqué comme étant fondé sur le néant. Signalons à ce propos que cette mort de Dieu proclamée par Zarathoustra n'est pas du tout à prendre au sens  le plus religieux du terme même si on peut la lire comme une promotion de l'athéisme, ce qui différencie déjà la pensée nietzschéenne du caractère parfois mystique du Black Metal - même si la figure de Satan peut être envisagée à la manière d'Anton LaVey, nous en parlerons par la suite -. En effet, il s'agit ici d'un constat, celui selon lequel «Les fins manquent» (La Volonté de Puissance, II 43). Le nihilisme, dans sa manifestation première, est donc une angoisse typiquement moderne devant une vie désorientée par la dépréciation généralisée des valeurs.

Nietzsche considère comme bénéfique le fait d'éprouver ce sentiment d'absurdité, d'amertume que l'on peut retrouver dans le chaos et la mélancolie du Black Metal, certainement le style musical qui a le plus fait la promotion de la destruction du monde moderne. Nous trouvons déjà là une différence extrêmement forte entre la pensée de Nietzsche et ce qui est souvent exprimé dans la musique Black Metal: dans le premier cas, il s'agit du constat de l'irruption d'un sentiment de néant, dans le second il s'agit bien plutôt d'une impulsion, d'un encouragement à détruire une société vue comme régie par un ordre de valeurs despotique. Si on laisse de côté la raison, encore toute-puissante, en ce qui concerne la morale occidentale, cela est plutôt faux: cela fait des décennies que les valeurs deviennent de plus en plus relatives et non absolues comme dans les sociétés les plus traditionnelles, et que tout est permis comme le craignait Dostoievski. Ainsi donc, le Black Metal ne serait pas une révolution, mais une simple manifestation d'un nihilisme structurel et un appel à faire disparaitre les derniers témoignages du règne de la morale, identifiée à une religion institutionnalisée qui a perdu tout pouvoir depuis longtemps, du moins en Occident.

«Lucifer taught me the life of those times
When I stitched the scars of my pact with God
I then savored the Virgin Mary's pessary
As I watched the birthing of the false prophet»

(«Castrate The Redeemer» de Grand Belial's Key)

Ce qui semble le plus rapprocher le Black Metal du sentiment d'absurdité décrit par Nietzsche, c'est la mélancolie, l'impression de vacuité qui émane des paroles de chansons. À côté de la promotion de la figure de Satan - considéré soit comme une divinité soit comme l'incarnation d'une opposition à la morale chrétienne dominante - de nombreux groupes encouragent à fuir une société moderne marquée par le règne de la raison, totalement désenchantée et absolument dépourvue de buts élevés. Le mal-être psychologique, la folie, le suicide, thèmes omniprésents dans les paroles et l'imagerie, sont les symptômes d'un malaise civilisationnel dont le Black Metal est l'un des produits culturels les plus extrêmes mais aussi les plus sincères.


«My heart has become colder than this room,
long time since I felt joy or happiness
All of the roses you planted have lost
their touch and faded away»

(«Sweet Illness of Mine» de Lifelover)


Toutefois, alors que le Black Metal semble se complaire dans ce nihilisme, Nietzsche entend dépasser ce sentiment d'amertume qui doit être le signal d'alarme servant à laisser place à ce que le penseur nomme le «surhomme». Alors que les paroles de Black Metal érigent le néant en un absolu de négativité - la surabondance d'adjectifs comme «total», «supreme», «absolute», etc. en témoigne -, Nietzsche ne fait pas la promotion du néant, entendu ici comme un néant de valeur dû à la normativité de l'interprétation de la vie chez les décadents. En effet, nous devons nous diriger «par delà le bien et le mal». Pour cela, l'angoisse moderne doit devenir «l'émotion qui nous poussera à créer des valeurs nouvelles» (La Volonté de Puissance, II 125). Voilà un nihilisme constructif qui se démarque de l'immédiateté des sentiments sur laquelle se fonde le Black Metal, musique du chaos par excellence qui prône majoritairement le pessimisme, le néant et la soif de destruction dans une atmosphère parfois extrêmement martiale.

En fait, le Black Metal reste coincé dans la première étape du nihilisme, à savoir un pessimisme mêlé de nostalgie, comme en témoignent les hommages répétés à des civilisations anciennes. On a ici affaire à un spleen romantique qui conduit, comme Schopenhauer dans Le Monde comme volonté et comme représentation, à proclamer la supériorité du non-être - le néant - sur l'être, ce qui n'est autre qu'un symptôme de la décadence: «le simple fait de se demander si le non-être ne vaut pas mieux que l'être est à soi seul une maladie». Contrairement à Zarathoustra qui nous invite à surmonter la métaphysique et à transmuter les valeurs de l'ancienne humanité décadente, le Black Metal reste par ailleurs très proche de la religion et du mysticisme, et donc dans le cadre d'une métaphysique. Le nombre de groupes prenant des noms de divinités (Marduk, Belenos, etc.), certes anciennes, en est l'un des signes les plus immédiats et probants.


Pour rester dans cette critique de la revendication de l'héritage nietzschéen par les acteurs de la scène Black Metal, ajoutons que le Black Metal, en tant que musique - et idéologie - fondamentalement pessimiste, débouche fatalement sur ce que Nietzsche appelle le «nihilisme incomplet» qui reconnait la déchéance des anciennes valeurs mais continue à rechercher des échappatoires, une ruse malheureuse que le penseur allemand n'hésite pas à qualifier de «culte des idoles». Ce nihilisme incomplet ouvre la voie aux dérives de la modernité que sont le fanatisme, le sectarisme et le totalitarisme, auxquels le Black Metal est très loin d'échapper à travers la survivance d'une fascination ou d'une sympathie pour les régimes totalitaires (NSBM) ou cette culture de l'Underground et des cercles fermés. Dans une interview avec Petrified parue en 1994, Wlad Drakksteim de Vlad Tepes exprime bien cette appétence pour l'exclusivisme et l'intolérance propres au Black Metal en regrettant le bad buzz qui a eu lieu à l'époque: «la mafia norvégienne a fait de 'mauvaises' choses dans ce monde. Après la disparition d'Euronymous, MAYHEM s'est définitivement éteint et c'est mieux comme ça sachant que le black metal pourra retourner dans les ténèbres.»



D'un autre côté, le développement du concept de surhomme rapproche Nietzsche du raisonnement d'Anton LaVey, qui ne se fonde pas sur la croyance en une déité nommée Satan, mais plutôt en la nécessité de cultiver son ego, Satan étant l'incarnation de la volonté de l'homme et de ses instincts. De ce point de vue, la bestialité du Black Metal et l'omniprésence du satanisme peuvent symboliser cette volonté de créer de nouvelles valeurs, un nihilisme actif et extatique, sursaut que Zarathoustra cherche à créer chez les hommes en sortant de son ermitage et en s'adressant à eux: «"Tous les dieux sont morts, ce que nous voulons à présent, c'est que le Surhumain vive"; tel sera un jour, lors du Grand Midi, notre vouloir suprême» (Zarathoustra 175). En d'autres termes, l'homme doit devenir enfant, innocence et oubli, pour créer de nouvelles valeurs et bâtir un nouveau monde, débarrassé de la torture de l'esprit que s'infligent les faibles par leur ressentiment et leur volonté de vengeance.

Cependant, même si beaucoup de musiciens de Black Metal ont manifesté leur souhait d'un ordre nouveau postérieur à la destruction du monde moderne, quelque chose qui n'aurait jamais été expérimenté - nous pensons aux propos en interview de Mikko Aspa de Clandestine Blaze et son label Northern Heritage -, beaucoup opèrent un contresens gigantesque en revendiquant l'influence de Nietzsche tout en rendant hommage aux ancêtres, c'est-à-dire à un ordre ancien. Ces artistes demeurent tournés vers le passé alors que tout l'enjeu se trouve dans un ordre complètement nouveau, un système de valeurs inventé grâce au sondage des fondements d'une idéologie qui a cautionné la décadence.

À ce titre, le groupe ukrainien Hate Forest constitue un cas d'école de cette contradiction majeure et de ce bricolage conceptuel. En 2005, le duo publie une compilation intitulée Nietzscheism dans laquelle on peut trouver de nombreuses compositions proches du paganisme slave mais aussi d'un ésotérisme nazi, comme le suggère son visuel, et le titre «Aryosophy» précédant la chanson-titre. Le simple fait d'adjoindre une pensée hyperboréenne à celle de Nietzsche est déjà assez absurde, étant donné que le philologue a toujours valorisé le Sud au détriment du Nord, qu'il associe bien volontiers à l'amour de la vérité, véritable maladie dont est affectée la philosophie d'après lui.   «Un homme qui aime le Sud comme je l’aime, comme une grande école de guérison de l’esprit et des sens, comme une irrésistible plénitude solaire qui vient éclairer toute chose, (…), un tel homme, dis-je, fera bien de se défier quelque peu de la musique allemande, car non seulement elle lui gâtera le goût mais compromettra sa santé» (Par delà le Bien et le Mal, § 255).


Nihiliste, le Black Metal l'est, cela ne fait aucun doute, en tout cas dans une version différente de celle décrite par Nietzsche. Dans la plupart des cas, il est assez compliqué de montrer en quoi rendre hommage à cette pensée sismique de la fin du XIXème siècle est pertinent, tant les contradictions sont fortes et tant leur rapport se révèle plus que superficiel, comme nous avons tenté de le montrer. Toutefois, le motif de la mort de Dieu a beaucoup inspiré l'esprit de révolte et le caractère anti-religieux du Black Metal, cela est indéniable, c'est ce qui pousse à reconnaitre des similitudes tout en insistant sur d'importantes divergences. Bien entendu, il ne s'agissait pas ici d'intellectualiser le Black Metal à outrance et de le mettre sur le même plan que des travaux «philosophiques», ni de faire un procès à ces artistes pour leur mécompréhension de la pensée de Nietzsche, tant ce dernier rejette l'argumentation logique et privilégie la variété des approches dans son oeuvre labyrinthique et incomplète. Ce caractère chaotique est d'ailleurs le point commun le plus légitime entre la musique Black Metal et la pensée nietzschéenne, qui déroutent et questionnent chacun à leur manière. 

T.
Illustration en en-tête: Nina Melisart


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Commentaires

  1. Le changement dans la définition du nihilisme en cours de route rend la compréhension un peu ardue, d'autant qu'après cette pirouette il n'est plus question de l'anarchisme russe, précisément au moment où ça aurait pu devenir intéressant. Je pense qu'il aurait fallu s'en tenir à la définition nietzschéenne (paragraphe 6) dès le départ, et noter combien, dans une telle optique, les actes des anarchistes russes de Netchaïev, tout comme les incendiaires norvégiens ou nos terroristes actuels participent probablement du même nihilisme.

    Par ailleurs le fait de limiter la réflexion à quelques groupes parmi les moins érudits au détriment d'autres contribue à rabaisser un peu l'image du black metal, alors que des personnages comme Ihsahn ont pu comprendre bien plus finement la pensée nietzschéenne (morceau "Citizen" sur son 1er album solo, qui sonne assez comme une apostrophe au dernier homme produit par la démocratie moderne, et se rapproche de Nietzsche y compris par le style d'écriture).

    Quant à la citation d'extraits de La Volonté de Puissance, ce me semble être une erreur dans la mesure où il est de notoriété que ce livre polémique a été amplement falsifié à l'époque du nazisme par sa soeur pour mieux le conformer à l'idéologie nazie. Regrettable quand on veut précisément souligner l'absurdité de tels égarements dans la scène NSBM.

    Concernant Nietzsche, s'il appelle à un monde radicalement nouveau, il n'en tire pas pour autant moins ses références chez des philosophes portant une tradition revendiquée par lui. Il va notamment puiser chez les pré-socratiques, donc une pensée et une époque perdue et pré-chrétienne (la Grèce antique). Il invoque aussi souvent le sentiment de nostalgie comme un sentiment noble et désirable dans sa philosophie de l'éternel retour, une force donnant le courage de vivre et continuer à avancer: passé et futur ne s'opposent pas nécessairement, dans cette optique, tout comme la référence à des temps anciens comme sources de valeurs cohabite dans le black metal avec un individualisme exacerbé et très moderne, si on prend le temps d'y réfléchir...
    Il revendique également clairement une morale aristocratique et anti-démocratique, ce qui fait un autre point d'accroche avec l'élitisme du black metal et son caractère constestataire.
    Il va utiliser aussi la référence à des dieux païens, non pour en faire revivre la religion mais comme archétypes pour exprimer des valeurs (Dionysos VS Appolon), allant jusqu'à s'identifier à l'un d'eux dans ses dernières lettres (signant "Dionysos contre le crucifié). L'importance du type dionysiaque dans la musique black metal étant un élément central justifiant à lui seul la référence à Nietzsche; mais au Nietzsche jeune et encore wagnérien, tout du moins.
    L'impasse a également été faite sur l'Antéchrist, livre difficile à classer dans sa biblio, mais qui commence par une référence aux hyperboréens dans laquelle n'importe quel blackeux pourrait probablement se reconnaître, comme quoi Nietzsche ne se référait pas toujours non plus au sud comme modèle, même à la fin de sa vie consciente.
    Bref, sa pensée complexe, changeante au cours de sa vie, pleine de chemins de traverse, et tâchant d'échapper à tout système fait que tout un chacun peut s'en réclamer, et tout un chacun lui faire remarquer qu'il a tord, comme l'indiquait le titre de son Zarathustra "un livre pour tous et pour personne". Si prendre ses références aux anciennes religions, à l'éternel retour ou au surhomme, au premier degré et sans aucun approfondissement s'avère maladroit, il est loin d'être évident que tous aient fait cette erreur.

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