Interview | Trevor Matthews de PILLORIAN - février 2017


Tout le monde a entendu parler du split d'Agalloch. D'ailleurs, personne ne s'en est encore remis. Mais puisqu'une mauvaise nouvelle n'arrive jamais sans une bonne nouvelle, sachez que John Haughm, le frontman du groupe, a déjà repris le chemin de la création avec Pillorian, entouré de noms hautement respectables : Stephen Parker, fondateur du groupe de doom metal Maestus, et Trevor Matthews, qui est aujourd'hui notre interlocuteur. Trevor est connu pour avoir été le co-fondateur de deux groupes majeurs de la scène Black Metal de Portland : Infernus, et plus récemment Uada, dont l'excellent premier album a été chroniqué dans nos pages l'an dernier (par ici). Nous avons voulu en savoir plus sur Obsidian Arc, le premier petit bijou que nous offre Pillorian (chroniqué ici). 



1. Bonjour Trevor. Merci d'accorder cette interview à Scholomance Webzine. L'annonce de la formation de Pillorian est arrivée assez rapidement après la séparation d'Agalloch. Depuis combien de temps vous connaissiez-vous tous les trois quand Agalloch a pris fin? Aviez-vous déjà envisagé de travailler ensemble?

Stephen a rencontré John quelques années avant cela, par l'intermédiaire de Jason Walton. Il s'est plus tard occupé de leur merch pendant la dernière tournée américaine d'Agalloch. J'avais rencontré John plus tôt dans l'année à un concert de Uada où on jouait avec Maestus, l'autre groupe de Stephen. Ils travaillaient à une formation pour un projet plutôt death metal suédois, et envisageaient de me confier les parties batterie. On a fini par répéter ensemble plusieurs fois avec cette idée en tête. Après le split d'Agalloch, on a remis ça à plus tard pour commencer un nouveau projet.

2. Même si vous évoluez tous dans la scène metal de Portland depuis de nombreuses années, vous venez tout de même de sphères musicales sensiblement différentes. Pourtant, vous vous êtes rencontrés et travaillez maintenant ensemble. Dirais-tu que votre scène locale est particulièrement soudée? Assistes-tu souvent à des concerts à Portland?

Portland est très soudé, et a vraiment une scène musicale florissante, en particulier dans le metal, alors qu'il n'y a ici qu'environ 500 000 personnes. C'est rempli d'artistes et de groupes géniaux. J'assiste très souvent à des concerts ici, et ce depuis que j'ai 14 ans. Mais ces six derniers mois, j'en ai vu moins que jamais, car je suis extrêmement occupé.

3. C'est maintenant l'heure de la question stupide mais essentielle : pourquoi avoir choisi le nom "Pillorian"?

Pour de nombreuses raisons. C'était un peu un clin d'oeil au super album d'Abysmal The Pillorian Age. Puisque c'est en fait un mot dérivé de la racine "pillory", ce n'était pas pris. Nous voulions un nom en un seul mot, et cela sonnait bien, sans nous catégoriser d'office dans un son ou une imagerie spécifique, en restant sombre et approprié.

4. Vous avez signé avec Eisenwald, un label allemand. Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec eux, plutôt qu'avec un label américain par exemple?

John travaille avec Eisenwald depuis des années, et moi aussi, avec Uada. Ils ont toujours été géniaux avec nous, et s'investissent bien plus que la plupart des autres labels.

5. Obsidian Arc, le premier album de Pillorian, sortira le 10 mars. A-t-il été composé à part égale par tous les membres? Avez-vous tous les trois des manières différentes de travailler et de composer? Par exemple, Stephen Parker a été un temps le seul membre de Maestus ; on peut imaginer que cela l'a rendu assez indépendant.

Les contributions ont été très égales dans la composition de l'album. Pour les riffs, ça a globalement été du 50/50, et j'ai écrit mes parties de batterie à partir d'idées basiques pour le tempo. Stephen a aussi enregistré la basse de l'album, et a géré l'enregistrement en studio. Mais l'écriture a été hautement collective.
 
6. Cet album est très varié, et passe facilement d'un black metal froid et brutal à d'ardentes parties mélodiques. C'est évident que vos influences sont diversifiées. Quelles références essentielles partagez-vous tous?

Nous partageons beaucoup de goûts similaires, mais essayons d'éviter de nommer d'autres groupes dont nous voulions par moment évoquer le son.


7. Comment définirais-tu l'objectif artistique que vous cherchiez à atteindre avec Obsidian Arc?

Je suis sûr que John aurait une réponse plus fouillée en ce qui concerne l'obectif de nos thèmes, mais nous nous sommes en tout cas mis d'accord sur quelque chose de sombre et puissant.

8. Dans cet album, il y a plus de passages instrumentaux que de passages vocaux, et dans ce dernier cas, la voix n'est pas toujours au premier plan. Le noyau de votre travail est instrumental, avec quelques exceptions bien sûr. Dans le metal, penses-tu qu'il puisse y avoir quelque chose comme de la "musique pure" qui n'aurait pas besoin de vocaux, comme dans de nombreux genres de musique classique? As-tu l'impression que les instruments ont plus d'amplitude expressive que la voix humaine?

Quand c'est bien fait, il y a totalement une place pour une musique plus instrumentale dans le metal. Je pense effectivement que les instruments ont plus d'amplitude expressive que la voix humaine, puisqu'il y a tant d'instruments différents, sans même parler des effets. Mais ce serait sans compter sur la puissance des mots. La musique est entièrement ouverte à l'interprétation, ce qui est génial. Mais les mots peuvent souvent être plus puissants que n'importe quelle note ou rythme pour la bonne personne au bon moment. Un mélange réfléchi des deux est ce qui fait de la musique le langage universel le plus puissant, et la plus haute forme de magie qui puisse exister.



9. En parlant de voix humaine, qui a écrit les paroles d'Obsidian Arc? Quand sont-elles généralement écrites? Avant la musique, pour que la structure de chaque chanson puisse s'adapter à son texte, ou bien est-ce la composition instrumentale qui vient en premier?

John a écrit les paroles, et elles sont venues après les structures des morceaux, avec des idées encore vagues mises en place pendant la composition.

10. L'un des morceaux qui m'a le plus touché dans Obsidian Arc est "Dark is the River of Man". Que représente ce fleuve pour toi et les autres membres? Est-ce une sorte de métaphore lugubre du destin, dans lequel nous sommes tous empêtrés?

Moi aussi. C'est complètement une métaphore sombre et lugubre. Peut-être moins du destin que de la condition humaine, et des corruptions perpétuelles de notre nature destructive et faillible.

11. Quelques éléments d'Obsidian Arc rappelleront certainement les caractéristiques d'Agalloch aux auditeurs ; je pense notamment au chant clair doublé, à la guitare lead très lyrique, aux éléments ambient et dark folk... Comment vous positionniez-vous par rapport à cette comparaison inévitable quand vous avez enregistré l'album? Était-ce quelque chose que vous craigniez d'une certaine manière?

Jamais nous n'écrirons quelque chose qui repose sur les critiques qui pourraient en résulter. Nous savions en lançant ce projet qu'au départ il n'y aurait que des comparaisons, et nous n'y pouvons rien. Plein de personnes seraient énervées si ce n'était pas une copie conforme d'Agalloch, et d'autres seraient énervés si quoi que ce soit ressemblait à Agalloch. Certains trucs d'Agalloch étaient inévitables, avec la voix particulière de John, ses instruments spécifiques, ses amplis, pédales, etc. Sans même parler des riffs, des structures des chansons, des thèmes. Il constituait une grande partie d'Agalloch, et personne ne peut le nier.

12. Pour le moment, plus de vingt concerts de Pillorian ont été annoncés, mais seulement en Europe. Pourquoi commencer avec cette partie du globe? Est-elle plus accueillante que l'Amérique, offre-t-elle plus d'opportunités?

Il y a complètement plus d'opportunités, avec le réseau de festivals et les nombreuses cultures, mais ce ne sont que les premiers concerts annoncés. Il y aura quelques concerts aux États-Unis juste avant la tournée européenne.

13. Pour cette tournée, voulez-vous mettre en valeur l'atmosphère unique d'Obsidian Arc avec un travail visuel particulier?


J'encourage le public à venir le découvrir lui-même.

C'était ma dernière question. Merci beaucoup d'avoir pris le temps de me répondre. Nous espérons te voir au plus vite sur les planches françaises!


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Interview réalisée par Marion




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