Tout le monde a entendu parler du split d'Agalloch. D'ailleurs, personne ne s'en est encore remis. Mais puisqu'une mauvaise nouvelle n'arrive jamais sans une bonne nouvelle, sachez que John Haughm, le frontman du groupe, a déjà repris le chemin de la création avec Pillorian, entouré de noms hautement respectables : Stephen Parker, fondateur du groupe de doom metal Maestus, et Trevor Matthews, qui est aujourd'hui notre interlocuteur. Trevor est connu pour avoir été le co-fondateur de deux groupes majeurs de la scène Black Metal de Portland : Infernus, et plus récemment Uada, dont l'excellent premier album a été chroniqué dans nos pages l'an dernier (par ici). Nous avons voulu en savoir plus sur Obsidian Arc, le premier petit bijou que nous offre Pillorian (chroniqué ici).
| English Version |
1.
Bonjour Trevor. Merci d'accorder cette interview à Scholomance
Webzine. L'annonce de la formation de Pillorian est arrivée assez
rapidement après la séparation d'Agalloch. Depuis combien de temps
vous connaissiez-vous tous les trois quand Agalloch a pris fin?
Aviez-vous déjà envisagé de travailler ensemble?
Stephen
a rencontré John quelques années avant cela, par l'intermédiaire
de Jason Walton. Il s'est plus tard occupé de leur merch pendant la
dernière tournée américaine d'Agalloch. J'avais rencontré John
plus tôt dans l'année à un concert de Uada où on jouait avec
Maestus, l'autre groupe de Stephen. Ils travaillaient à une
formation pour un projet plutôt death metal suédois, et
envisageaient de me confier les parties batterie. On a fini par
répéter ensemble plusieurs fois avec cette idée en tête. Après
le split d'Agalloch, on a remis ça à plus tard pour commencer un
nouveau projet.
2.
Même si vous évoluez tous dans la scène metal de Portland depuis
de nombreuses années, vous venez tout de même de sphères musicales
sensiblement différentes. Pourtant, vous vous êtes rencontrés et
travaillez maintenant ensemble. Dirais-tu que votre scène locale est
particulièrement soudée? Assistes-tu souvent à des concerts à
Portland?
Portland
est très soudé, et a vraiment une scène musicale florissante, en
particulier dans le metal, alors qu'il n'y a ici qu'environ 500 000
personnes. C'est rempli d'artistes et de groupes géniaux. J'assiste
très souvent à des concerts ici, et ce depuis que j'ai 14 ans. Mais
ces six derniers mois, j'en ai vu moins que jamais, car je suis
extrêmement occupé.
3.
C'est maintenant l'heure de la question stupide mais essentielle :
pourquoi avoir choisi le nom "Pillorian"?
Pour
de nombreuses raisons. C'était un peu un clin d'oeil au super album
d'Abysmal The Pillorian Age. Puisque
c'est en fait un mot dérivé de la racine "pillory", ce
n'était pas pris. Nous voulions un nom en un seul mot, et cela
sonnait bien, sans nous catégoriser d'office dans un son ou une
imagerie spécifique, en restant sombre et approprié.
4.
Vous avez signé avec Eisenwald, un label allemand. Pourquoi
avez-vous choisi de travailler avec eux, plutôt qu'avec un label
américain par exemple?
John
travaille avec Eisenwald depuis des années, et moi aussi, avec Uada.
Ils ont toujours été géniaux avec nous, et s'investissent bien
plus que la plupart des autres labels.
5.
Obsidian Arc,
le premier album de Pillorian, sortira le 10 mars. A-t-il été
composé à part égale par tous les membres? Avez-vous tous les
trois des manières différentes de travailler et de composer? Par
exemple, Stephen Parker a été un temps le seul membre de Maestus ;
on peut imaginer que cela l'a rendu assez indépendant.
Les contributions ont été très égales dans la
composition de l'album. Pour les riffs, ça a globalement été du
50/50, et j'ai écrit mes parties de batterie à partir d'idées
basiques pour le tempo. Stephen a aussi enregistré la basse de
l'album, et a géré l'enregistrement en studio. Mais l'écriture a
été hautement collective.
6. Cet album est très varié, et passe facilement
d'un black metal froid et brutal à d'ardentes parties mélodiques.
C'est évident que vos influences sont diversifiées. Quelles
références essentielles partagez-vous tous?
Nous partageons beaucoup de goûts similaires,
mais essayons d'éviter de nommer d'autres groupes dont nous voulions
par moment évoquer le son.
7. Comment définirais-tu l'objectif artistique
que vous cherchiez à atteindre avec Obsidian Arc?
Je suis sûr que John aurait une réponse plus
fouillée en ce qui concerne l'obectif de nos thèmes, mais nous nous
sommes en tout cas mis d'accord sur quelque chose de sombre et
puissant.
8. Dans cet album, il y a plus de passages
instrumentaux que de passages vocaux, et dans ce dernier cas, la voix
n'est pas toujours au premier plan. Le noyau de votre travail est
instrumental, avec quelques exceptions bien sûr. Dans le metal,
penses-tu qu'il puisse y avoir quelque chose comme de la "musique
pure" qui n'aurait pas besoin de vocaux, comme dans de nombreux
genres de musique classique? As-tu l'impression que les instruments
ont plus d'amplitude expressive que la voix humaine?
Quand c'est bien fait, il y a totalement une place
pour une musique plus instrumentale dans le metal. Je pense
effectivement que les instruments ont plus d'amplitude expressive que
la voix humaine, puisqu'il y a tant d'instruments différents, sans
même parler des effets. Mais ce serait sans compter sur la puissance
des mots. La musique est entièrement ouverte à l'interprétation,
ce qui est génial. Mais les mots peuvent souvent être plus
puissants que n'importe quelle note ou rythme pour la bonne personne
au bon moment. Un mélange réfléchi des deux est ce qui fait de la
musique le langage universel le plus puissant, et la plus haute forme
de magie qui puisse exister.
9. En parlant de voix humaine, qui a écrit les
paroles d'Obsidian Arc? Quand sont-elles généralement écrites?
Avant la musique, pour que la structure de chaque chanson puisse
s'adapter à son texte, ou bien est-ce la composition instrumentale
qui vient en premier?
John a écrit les paroles, et elles sont venues
après les structures des morceaux, avec des idées encore vagues
mises en place pendant la composition.
10. L'un des morceaux qui m'a le plus touché dans
Obsidian Arc est "Dark is the River of Man". Que représente
ce fleuve pour toi et les autres membres? Est-ce une sorte de
métaphore lugubre du destin, dans lequel nous sommes tous empêtrés?
Moi aussi. C'est complètement une métaphore
sombre et lugubre. Peut-être moins du destin que de la condition
humaine, et des corruptions perpétuelles de notre nature destructive
et faillible.
11. Quelques éléments d'Obsidian Arc
rappelleront certainement les caractéristiques d'Agalloch aux
auditeurs ; je pense notamment au chant clair doublé, à la guitare
lead très lyrique, aux éléments ambient et dark folk... Comment
vous positionniez-vous par rapport à cette comparaison inévitable
quand vous avez enregistré l'album? Était-ce quelque chose que vous
craigniez d'une certaine manière?
Jamais nous n'écrirons quelque chose qui repose
sur les critiques qui pourraient en résulter. Nous savions en
lançant ce projet qu'au départ il n'y aurait que des comparaisons,
et nous n'y pouvons rien. Plein de personnes seraient énervées si
ce n'était pas une copie conforme d'Agalloch, et d'autres seraient
énervés si quoi que ce soit ressemblait à Agalloch. Certains trucs
d'Agalloch étaient inévitables, avec la voix particulière de John,
ses instruments spécifiques, ses amplis, pédales, etc. Sans même
parler des riffs, des structures des chansons, des thèmes. Il
constituait une grande partie d'Agalloch, et personne ne peut le
nier.
12.
Pour le moment, plus de vingt concerts de Pillorian ont été
annoncés, mais seulement en Europe. Pourquoi commencer avec cette
partie du globe? Est-elle plus accueillante que l'Amérique,
offre-t-elle plus d'opportunités?
Il
y a complètement plus d'opportunités, avec le réseau de festivals
et les nombreuses cultures, mais ce ne sont que les premiers concerts
annoncés. Il y aura quelques concerts aux États-Unis juste avant la
tournée européenne.
13.
Pour cette tournée, voulez-vous mettre en valeur l'atmosphère
unique d'Obsidian Arc avec un
travail visuel particulier?
J'encourage le public à venir le découvrir
lui-même.
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