Chronique | PRISME - Prisme (EP, 2025)

Prisme - Prisme (EP, 2025)

Tracklist

 01. A Tale of Despair - 06:08 
 02. Echoes of the Forgotten - 04:49 
 03. Drowned in Echoes - 07:17 
 04. Fracture Void - 07:21 
 05. La Chute - 05:26

Streaming intégral :

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La vie a d’étranges manières de nous marquer, de par les expériences qu’elle nous présente et dont nous acceptons de nous y engouffrer.

Je me souviens de cet enfer, présenté comme une attraction sensationnelle du parc que je visitais lors de mes douze ans, et dont l’écoute de Prisme m’y a replongé... Ce n’étaient pas tant les représentations factices via les mannequins et les artifices plastiques qui m’ont le plus marqué, mais l’ambiance sonore, et surtout l’ambiance psychologique savamment construite à partir de tous ces éléments mis en commun, que ces neuf cercles de l’enfer ont marqué au fer rouge mon imaginaire et m’ont fait osciller dans tous les états psychiques la nuit même après ma visite.

À l’instar de cette entrée rougeoyante, Prisme nous cueille, dès le premier instant, avec un "Tale of Despair" et son entrée en matière qui semble ne laisser entrevoir aucune porte de sortie à la fin du voyage. Pourtant, le voyageur fatigué et ruiné de tout espoir continue à avancer et se laisse engouffrer dans les chemins tortueux tracés par ce conte désespéré. L’atmosphère est dense, lourde et menaçante, mais quand on est piégé dans les méandres de la pensée qui se coagule et se dilate, tout ce que nous pouvons espérer faire, c’est contempler cette matière se mouvoir, lentement, comme un vieux serpent du cosmos se dénouant, s’étirant, à la manière de ces riffs rampants qui nous emportent avec eux dans ce terrible voyage.

Le voyageur, le voilà projeté dans le puits sans fond des damnés. Autour de lui résonnent les murmures du vent… ou peut-être des vagues… Ou alors tout cela à la fois. Échoué sur les rives désolées de toutes les angoisses silencieuses, ce sont des milliers de lamentations qui l’assaillent et qui cognent contre les parois du cortex : rythme de guitare oppressant et batterie haletante, jusqu’au paroxysme d’"Echoes of the Forgotten", et ses voix fantomatiques capturent l’âme du voyageur et le condamnent à errer encore dans cet océan d’angoisse.

Le voilà traînant les pieds sur les rives poisseuses de la tourmente ; malgré ce clignotement frénétique des connexions synaptiques, le voyageur ne peut se résoudre à s’enfuir, trop pris dans cette mélasse épaisse, à l’instar de la voix qui s’étire, qui se tortille, qui s’allonge et qui colle à la peau comme un poix résineux : qui mange chaque centimètre de la peau, qui rentre dans chaque pore, qui se cramponne à chaque cellule et qui se propage à travers les synapses pour capturer jusqu’au moindre neurone, paralysant ainsi l’âme tout entière.

Las et au bord de l’implosion, le voyageur se précipite alors vers le bord de l’eau, en espérant se dépouiller de cette poix qui envahit son corps, son esprit et qui menace maintenant son cœur. Mais un battement de cœur manqué, il découvre que même l’océan lui fait défaut. Au lieu du toucher salvateur du ruissellement aquatique qui purifie, c’est le vide qui l’attend. Là, à cet instant suspendu entre le vide et ses angoisses, le corps se contracte, l’air manque : c’est aussi le vide, partout à l’intérieur. Puis un petit souffle qui s’échappe par le relâchement du diaphragme… et tout explose : "Fracture Void".

La Chute accueille le voyageur avec ses riffs puissants et étrangement lumineux, qui se pérennisent dans une boucle terrible et hypnotique, le projetant à travers plusieurs couches de conscience, de mémoire, de perception et de sensation, jusqu’à saturation, jusqu’au déchirement, transperçant le poisseux moustiquaire des aveuglements de l’esprit provoqués par un trop-plein de sensations et des variations de perceptions, avant que les arpèges ne deviennent plus souples, plus enveloppants, parachutant le voyageur vers la délivrance.

Toutes les chutes ne marquent pas la fin, certaines sont salvatrices, et Prisme en est une.

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Dee

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