Chronique | BLACK SABBATH - Technical Ecstasy (Album, 1976)


Black Sabbath - Technical Ecstasy (Album, 1976)

Tracklist :

01. Back Street Kids - 03:48
02. You Won't Change Me - 06:43
03. It's Alright - 04:05
04. Gypsy - 05:11
05. All Moving Parts (Stand Still) - 05:06
06. Rock 'n' Roll Doctor - 03:34
07. She's Gone - 04:56
08. Dirty Women - 07:08

Streaming Intégral :

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Tout fan de rock ou de metal sait à quel point Black Sabbath a compté dans l'histoire, ayant fait partie des principaux fondateurs du heavy metal au sens large (avec Deep Purple, Budgie, Uriah Heep ou Trapeze), et dont l'impact s'entend chez des groupes aussi variés que Judas Priest, Rush, Angel Witch, Venom, Celtic Frost, Amebix, Black Flag, Pantera, les Melvins, Killing Joke, Joy Division, Soundgarden, Rage Against The Machine ou même Busta Rhymes. Pourtant, bien que ce soit assez difficile de s'imaginer, le groupe était loin de faire l'unanimité dans les années 70, et même ses albums classiques de 70-72 étaient mal considérés par la critique, qui y voyait (abusivement) une réplique grossière de Cream, passant ainsi totalement à côté de l'événement musical majeur que constituaient ces albums. Seuls Sabbath Bloody Sabbath et Sabotage ont été bien reçus par les critiques, qui saluaient à juste titre leur diversité musicale, alors que paradoxalement plusieurs fans ultérieurs n'apprécient pas outre mesure cette période, préférant les précédents disques pour leur lourdeur métallique plus marquée. Il y a cependant une période de Black Sabbath qui met globalement d'accord aussi bien les critiques rock des années 70 que les fans de metal ultérieurs, c'est la 2ème moitié de 70, celle des dernières années d'Ozzy dans le groupe. Les deux albums sortis dans cette période, Technical Ecstasy et Never Say Die, sont généralement détestés ou dans le meilleur des cas ignorés, étant à peu près aussi différents des classiques de 70-75 que de la période Dio qui est venue ensuite.

Et pourtant, avec le recul, en faisant abstraction de ce qu'on attend généralement d'un album de Black Sabbath, Technical Ecstasy avait de vraies qualités. Désireux d'intégrer des sonorités différentes à sa lourdeur métallique habituelle, le groupe s'aventure en terrain inhabituellement prog/art rock sur "Gypsy", où les riffs plombants typiquement sabathiens se mêlent à des envolées de piano épiques, un vrai coup de génie ! Également très prog-rock, les longues pièces "Dirty Woman" et "You Won't Change Me" renouent avec la noirceur doomesque des premiers albums du groupe mais en y ajoutant de l'orgue et des mélodies plus profondes, rendant l'ensemble assez proche de ce que faisait Uriah Heep un peu avant, là encore c'est une vraie réussite, un poil anachronique en 1976 mais splendide. À l'instar de Deep Purple et Led Zeppelin à la même période, le Sab prend des accents funky sur le savoureux "All Moving Parts", où la section rythmique imprime un groove redoutable, en particulier la basse ! Le plus aérien "She's Gone" s'impose également comme l'un des titres les plus marquants du disque, et sans doute l'une des performances vocales les plus magistrales d'Ozzy !

Vous l'aurez compris, je fais partie des défenseurs de Technical Ecstasy. Par son audace, sa diversité et sa qualité de composition, ce disque mérite bien plus de reconnaissance, son seul vrai défaut étant probablement d'être trop à contre-courant des tendances du milieu des années 70, où le rock prog et le heavy metal commençaient à passer de mode. Il est certes bien connu que l'album a été enregistré dans des conditions houleuses, entre divergences purement artistiques et abus de substances illicites, mais c'est peut-être justement les désaccords sur la direction à prendre qui ont permis de sortir un disque aussi atypique et varié. Il reste que Black Sabbath était alors au bord de l'implosion, miné par les tensions croissantes entre Ozzy Osbourne et les autres membres, ce qui aboutira au départ définitif d'Ozzy en 1978 après plusieurs départs temporaires.

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Mohamed Kaseb

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