01. Awakening 02. The Tongue, The Saber 03. Petwo's Call 04. Memories 05. The Island 06. Abyssal Beast 07. The Bow 08. Ritual 09. Blessed & Chained 10. Neverending
Extrait en écoute :
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Après une entrée en matière
soignée avec l'album Yemaya, le premier véritable long-format de
Toter Fisch, il a fallu six longues années de maturation pour que ce groupe,
tel un vieux rhum, nous livre enfin Aspidochelone. Cet album arrive
à un moment charnière, alors que le quintette célèbre son dixième anniversaire,
marquant cette occasion avec un superbe album, illustré avec une pochette
remarquable, œuvre de Julian Bauer.
Si Yemaya abordait
déjà sérieusement une histoire enracinée dans la malédiction de Mami Wata, une
sorte de dépression maritime vécue par un pirate errant sans but ni désirs à
travers les mers et les océans, ce premier album apportait une touche festive
et entraînante qui insufflait un peu de légèreté. Avec
Aspidochelone, le ciel s'assombrit, accompagné d'une musique plus
mélancolique et complexe dans ses harmonies. La violence des riffs sert
toujours le propos, comme en témoigne l'ouverture tranchante de "The
Tongue, The Saber," surplombée d'un accordéon toujours utilisé avec
justesse et maîtrise, évitant soigneusement tout cliché.
Le gap est grand, et les six années de silence studio ont permis au groupe de donner naissance à une œuvre franchement différente à bien des égards par rapport à Yemaya, tout en préservant l'essence stylistique du groupe. Trois éléments m'ont frappé dans ce nouvel opus.
Certes, le livret et les notes d'intention sont là pour nous aider à comprendre l'œuvre, mais Toter Fisch réussit là où beaucoup échouent : illustrer une idée à travers la musique. Et cela, j'ai pu le percevoir dès la première écoute, qui, pour contextualiser, s'est déroulée en voiture, où il était inapproprié de se plonger dans le livret. Tout d'abord, "Memories", avec son travail abouti en matière d'orchestration, d'harmonie et d'ambiance, m'a évoqué, par la mélancolie qui émane des accords, l'idée d'une forme d'introspection des personnages. C'est également par son placement entre deux morceaux entraînants, "Petwos'Call" et "The Island", que le groupe renforce l'expression d'émotions plus sombres, probablement évoquant une dépression lié à Mami Wata.
Ensuite, "Abyssal Beast", avec quelques secondes de sample évoquant les bulles d'air s'échappant d'une respiration sous-marine, qui contextualisent l'environnement. L'orchestre évolue dans les registres graves avec une amplitude qui nous captive crescendo, avec puissance, avant que les instruments plus conventionnels du Metal n'entrent en scène avec un tranchant qui évoque facilement une entité bestiale venue des abysses. En moins d'une minute, sans qu'aucun texte ne soit nécessaire pour le décrire, la musique parle bien plus que les mots.
Ces images musicales sont rendues possibles grâce à un élément clé, le deuxième élément que le groupe a développé : l'orchestration et le travail sur la couleur harmonique. Une grande partie de l'album place les thèmes en arrière-plan, bien plus que ce qui avait été fait précédemment par le groupe, mettant en avant une noirceur permise par un tapis d'accords interprété par les musiciens et enrichi par une orchestration précise. Par exemple, "Awakening" ouvre l'album avec un thème acoustique magnifique et aérien, qui s'enrichit rapidement avec l'orchestration et des guitares saturées, qui, après avoir réexposé le thème, soutiennent la complainte de Romain. Il y a bien sûr un thème qui peut être relevé, mais l'émotion se dégage davantage de la masse harmonique que du développement mélodique, apportant ainsi une lourdeur qui renforce le message.
Enfin, le troisième élément qui semble avoir été mûri est la cohérence globale de l'album, qui est exemplaire. Dans son ensemble, les titres s'enchaînent harmonieusement, explorant diverses émotions, parfois sombres, parfois lancinantes, puis plus joyeuses, avant de replonger dans la noirceur. Au sein de chaque morceau, une large gamme de sentiments est explorée, empruntant musicalement au Black Metal, au Death, au Folk, et parfois même avec un caractère Prog, notamment dans la progression harmonique. On se sent immergé dans une histoire aux forts relents d'embruns, de rhum et de sang.
Je ne peux pas finir cette chronique sans quelques mots pour le
magnifique morceau de clôture, "Neverending," qui, avec ses sept minutes entièrement
instrumentale, rappelle inévitablement les œuvres orchestrales que nous
proposait Equilibrium à son apogée. Toter Fisch atteint ici des sommets
artistiques et démontre son évolution remarquable au fil des années.
Aspidochelone est une œuvre profonde et mature qui plonge
l'auditeur dans les abysses émotionnelles de la piraterie, bien loin des
clichés usés qui encombrent souvent ce genre musical.
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