Interview | INERTE (Dark Metal - France)


J'ai découvert Inerte un soir de printemps grâce à un MP impromptu qui me parlait du projet. J'ai mis un peu de temps avant de découvrir S/C car après notre échange, j'avais compris que c'était principalement un album influencé par le black metal. Étant quelqu'un qui préfère les ambiances mélancoliques, davantage enclin à écouter du doom ou du sludge plutôt qu'à me perdre dans la noirceur et la froideur du black metal, j'ai pris mon temps pour y prêter attention. Pourtant, lorsque j'ai finalement pris le temps d'écouter cet EP, j'ai été totalement captivé par l'ambiance sombre qui s'en dégageait, et totalement émerveillé par cet ovni, ce curieux mélange entre les abysses ténébreuses du black metal, cette rugosité écorchée des profondeurs du sludge, et par moments, la lenteur oppressante du doom (notamment dans "Gras"). Il y a quelque chose qui émane des profondeurs des âmes tourmentées dans cette musique, quelque chose qui m'a donné envie d'en parler ; et en même temps, il y a aussi un aspect fragile et intime qui m'a conduit à vouloir en discuter avec son créateur. C'est certainement lui qui en parlera le mieux. Alors, nous nous sommes trouvés un moment pour échanger et prendre une petite bière, autour de laquelle Nico, l'homme derrière Inerte, s'est gentiment confié sur le processus de création de S/C et la genèse d'Inerte. Voici notre conversation amicale :

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Peux-tu nous parler un peu d'Inerte ?


En réalité, c'est arrivé par hasard. J'avais un groupe avant, Sin Cera, mais le groupe s'est éteint progressivement et s'est véritablement terminé en 2019. Cependant, l'envie de créer et de composer était toujours présente, et j'avais beaucoup d'idées qui avaient besoin de s'exprimer. J'ai donc commencé à passer des annonces pour chercher des musiciens afin de former un nouveau groupe, mais j'ai rencontré les mêmes problèmes qu'avec Sin Cera : un manque d'engagement, un manque d'intérêt. Je ne trouvais pas de personnes suffisamment motivées et dont l'univers musical était assez proche de ce que je voulais faire dans le style metal. Ensuite, le confinement est arrivé et a compliqué ma recherche. J'ai donc fini par acheter une interface audio pour enregistrer mes parties de guitare. Puis, petit à petit, j'ai appris à programmer la batterie. Ensuite, j'ai appris à jouer de la basse après avoir acheté un instrument (cette partie fut plutôt facile et claire). Enfin, j'ai acheté un micro pour enregistrer ma voix. Face à tout cela, je me suis demandé ce que j'allais en faire... Plus le temps passait et plus j'avançais dans le travail de composition et d'enregistrement, plus je réalisais que tout cela était devenu tellement personnel, quelque chose qui émanait de mes tripes... et par conséquent, il n'y avait plus de place pour d'autres personnes dans ce projet... C'est donc le résultat de plus de deux ans de nuits blanches (avec le travail et la famille, le seul moment que j'ai pour composer et enregistrer, c'est la nuit).

La seule personne extérieure qui a contribué à "S/C..." est Hugo Gravel, qui a réalisé l'artwork. J'ai été profondément touché par le travail qu'il avait réalisé pour "État Limite". Nous avons discuté et il s'est réellement imprégné de ma musique et des paroles pour créer cette œuvre visuelle.



J'ai récemment vu que tu as publié des annonces pour chercher des musiciens afin de jouer en live. Est-ce un projet à long terme, créer un groupe, ou est-ce uniquement pour les concerts ?


Oui, j'ai ressenti cette envie car je pense que le travail ne peut pas s'arrêter là. J'ai cherché et plusieurs personnes se sont proposées spontanément après avoir écouté l'album. À l'heure actuelle, il ne me manque plus qu'un bassiste, car j'ai envie de me concentrer uniquement sur le chant et de lâcher les instruments. Les musiciens qui m'entourent actuellement ont également exprimé le désir d'apporter leur touche aux morceaux lors de nos répétitions. Pour moi, Inerte a dépassé le stade du projet en solo, il y a une volonté de partage et de composition de groupe à nouveau.


Parle-nous un peu de S/C alors. Tu dis que cela fait référence à l'expression "sous couverts". Sous le couvert de qui ? De quoi ?


J'aime bien l'idée que c'est un catalyseur. Lorsqu'on signe un document en y apposant "S/C", cela signifie "sous l'autorité hiérarchique d'une instance supérieure"... Cela se rapproche de ma manière d'écrire également. Souvent, lorsque je compose, je ne sais pas à quoi cela va ressembler à la fin, les riffs et les mots s'imposent simplement à moi jusqu'à ce que j'aie terminé. Et là, je me dis : "Voilà, c'est ça que je voulais". Il y a aussi un clin d'œil à Sin Cera dans S/C, mon identité de Sin Cera se retrouve forcément dans Inerte.


Lorsqu'on lit les paroles de S/C, on ressent de la noirceur, mais aussi beaucoup de poésie. Quelles sont tes inspirations ?


Parmi mes inspirations, je peux citer Renaud de Lofofora. Quand je l'ai découvert pendant mon adolescence, j'ai été très touché par ses paroles et son charisme. C'est puissant et poétique, j'ai été impressionné, et je pense que c'est là que j'ai eu envie d'écrire en français. Il y a également Eths et Aqme qui m'ont donné cette envie.



Tu qualifies ta musique de dark metal, pourquoi ce choix ?


[Rires] C'est un terme qui signifie tout et rien de nos jours. C'est un chroniqueur qui m'a appris que ce terme avait été utilisé pour la première fois par le groupe Bethlehem. J'avais envie de "catégoriser" moi-même ma musique, je ne voulais pas laisser cela aux autres. Mais effectivement, ma musique est un mélange de beaucoup de choses, j'aime ça, et il est toujours difficile de catégoriser sa propre musique. Je suis parti du principe que cet album est sombre, donc dans cet esprit, c'est du dark metal.

Cependant, cette catégorie me dessert aussi.


Ah ? Raconte-nous !


Par exemple, sur YouTube, il est difficile de se faire référencer lorsque l'on n'a pas une catégorie précise. Une chaîne a même supprimé ma vidéo parce que, selon eux, le dark metal, même s'il y a de nombreux éléments black dans ma musique, comme me le disent mes auditeurs, n'est pas du black metal pour eux. Sur les plateformes, tout est très compartimenté, et lorsqu'on évolue dans un mélange de plusieurs genres, il est difficile de se faire référencer.


Parlons un peu de l'avenir. Qu'est-ce qu'Inerte nous réserve ?


Je suis assez frustré car nous ne sommes pas encore prêts pour les concerts, même si nous avons reçu des propositions. Pour les membres du groupe, bien que chacun travaille individuellement à la maison, nous avons tous une vie personnelle très chargée, donc les choses n'avancent pas aussi vite que nous le souhaiterions.


Y aura-t-il d'autres albums à venir prochainement ?


J'ai récemment recommencé à composer, mais je n'ai pas encore suffisamment de matériel. J'attends également les propositions d'autres musiciens à qui j'ai envoyé les riffs. Les idées sont là, nous préparons la suite.


As-tu quelques mots finaux à nous dire à propos d'Inerte ou de S/C ?


C'est toujours amusant de sortir quelque chose d'aussi personnel. Au départ, c'est une création très vitale pour moi, nous ne la sortons pas pour plaire à tout prix. Cela a été un grand défi pour moi, car cela m'a fait sortir de ma zone de confort, et j'ai énormément appris. J'ai également eu beaucoup de doutes, je me demandais si j'allais réussir à aller jusqu'au bout. Les premières réactions ont été très variées, j'ai reçu des réactions contrastées lors de la sortie, notamment sur la production (auto-production).


Alors, as-tu réenregistré, retravaillé ou reproduit après tous ces avis, ou as-tu laissé tel quel ?


J'ai souvent réécouté l'enregistrement après toutes ces réactions, et j'ai décidé de ne pas tout réenregistrer. J'ai ajouté seulement le morceau bonus, qui est un peu différent. Après les cinq pistes de l'album, j'avais le sentiment qu'il manquait quelque chose, alors j'ai voulu ajouter une touche finale. Il y avait cette chanson, "Hole is Hell", que j'avais composée lorsque j'étais adolescent et qui me tenait à cœur. Je m'étais toujours dit que j'en ferai quelque chose à un moment donné, et c'était l'occasion idéale. J'ai donc conservé les paroles et les parties de piano d'origine et j'ai recomposé tout le reste pour terminer S/C en beauté. Je trouve que cela s'intègre très bien.


Super ! Je te remercie pour cet entretien et je te souhaite le meilleur pour Inerte.

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Questions : Dee Cooper

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