Chronique | MMXX - Sacred Cargo (Album, 2022)


MMXX - Sacred Cargo (Album, 2022)

Tracklist :

01. This Breath is Not My Breath - 04:53
02. Perdition Mirror - 04:52
03. The New Forgotten Ones - 06:17
04. Faint Flickering Light - 03:42
05. The Tower - 04:47
06. Unavailing - 05:52
07. Der Nukleus - 04:53
08. Sacred Cargo - 05:55
09. Espirare - 00:47
10. Shadow Haven - 05:14

Streaming intégral :

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Deux ans après le début de la pandémie, l’humanité continue de vivre les répercussions d’un tel phénomène partout dans le monde, sur tous les plans, que ce soit économique, psychologique ou psychique, etc. Heureusement que dans ce tableau si sombre, il y a quand même beaucoup d’autres choses qui viennent y apporter un peu de lumière et d’espoir ; l’une d’entre elles est la création artistique, notamment en musique. 

2022 est marquée par énormément de productions musicales explosives, dont beaucoup sont mues par les réflexions personnelles et les remises en question issues des temps d’isolation, pendant les confinements successifs, partout dans le monde. Et comme toujours, ce sont dans les temps difficiles que l’humanité retrouve l'instinct de solidarité et l’envie de partage renforcés ; c’est ainsi qu’on a vu naître pléthore de projets internationaux, dans beaucoup de domaines, où les artistes collaborent à distance, aidés par la technologie qui, ici, joue parfaitement son rôle d’avancé scientifique et de pont pour les relations humaines.

MMXX fait parti de ces projets. Initié par Andrea Chiodetti, guitariste de The Foreshadowing (dans cet opus, il assure aussi la partie clavier), et rejoint par Jesse Haff (batterie) et Egan O’Rourke (chant et basse), tous deux musiciens de Daylight Dies. À eux trois, ils ont travaillé sur la musique de Sacred Cargo et l’ont laissé mûri tout au long des confinements avant de solliciter les plus belles voix du metal, et particulièrement de la scène doom, afin de donner vie à cette incarnation de la production artistique du confinement. 

Cette œuvre, comme ils le souhaitent, est « the sound of global pandemic isolation » et c’est parfaitement réussi car en elle, à travers les thématiques abordées, il y a toute la réflexion humaine sur ses conditions, sur la vie, sur la maladie, sur la solitude, sur l’état de la Terre et ce que nous, humain, en avons fait. Bref, toutes les questions existentielles que chacun de nous a connu, coincés entre nos 4 murs à se demander comment en est-on arrivé là, à s’interroger sur le sens de la vie, sur la mort, fut-ce un appartement en province, un studio dans une grande ville ou dans une maison de campagnes, on était tous face à nous-mêmes et à nos questionnements. Dans cette œuvre, on retrouve réunis le génie de la création, la collaboration internationale des artistes (outre les musiciens et chanteurs, les parties violon et violoncelle sont assurées respectivement par Alicia Nurho (Espagne) et Ilaria Calabrò (Italie)), chacun s’est donné à fond dans la réalisation de cet opus, depuis la composition, l’interprétation, jusqu’au mastering effectué d’une main de maître par Dan Swanö que je ne présente plus!

C’est Mikko Kotamäki de l’excellent Swallow the Sun qui ouvre le bal avec This Breath is Not My Breath, magnifique pièce de doom/death dans les règles de l’art où Mikko exécute à merveille ce qu’il sait si bien faire, l’alternance de growl caverneux et de voix claire véloce pour chanter la pandémie, l’incompréhension et la culpabilisation.

Perdition Mirror arrive comme une complainte face à la nature en perdition, à mi-chemin entre doom et gothique avec une mélancolie à foutre la chiale, porté merveilleusement par la magnifique voix de Mick Moss, l’un des deux boss d’Antimatter.

Changeons de registre avec, cette fois-ci, une pièce atmosphérique et progressive à souhait avec The New Forgotten Ones, long poème sur le doute, sur le temps qui semble s’allonger et qui n’en finit pas. Un morceau d’un tel calibre ne peut être porté que par Yann Ligner, chanteur de notre Klone national.

Revenons sur les terrains du doom/death bien mélancolique et d’une profondeur céleste, des mélodies douces/amères qui apportent du miel à l’âme, avec Faint Flickering Light dont le chant est exécuté par O’Rourke lui-même.

Sur la même vague, The Tower arrive avec ses mélodies douces et languissantes, appuyées par la belle voix de Mick Moss, une longue complainte qui vous fera dresser les poils et vous donnera la chair de poule d’émotion. Morceau magistralement élégiaque !

Retrouvons la vibe gothic/doom avec Unavailing à travers la voix chaude et réconfortante de Marco Benevento (The Foreshadowing), superbe morceau sur le dialogue avec soi-même, sur les interrogations qu’on a quand on n’a plus personne en face à part soi et qu'on découvre qu’on est peu de chose : «And once we’re holed up - We discovered to be blood - To be tears and fears». Et le morceau se termine magnifiquement avec les growls caverneux de Chris Cannella de Autumn’s End (Groove/death)

Der Nukleus, morceau péremptoire sur les actions humaines, ici on retrouve un joli doom/death bien mélodique, interprété par Carmelo Orlando de Novembre, il insuffle un côté progressif à ce très beau morceau avec sa manière de placer la voix, tour à tour sombre, agressif et tristement mélancolique.

C’est maintenant que le morceau titre débarque et on se demande qui peut porter ce chef d’œuvre du désespoir et de fatalité, ce cargo d’une beauté ténébreuse, du pur death/doom dans la tradition des géants anglais du genre ? Aaron Stainthorpe, pardi ! Et on se délecte de ce désespoir, presque avec un malin plaisir devant autant de beauté, une beauté aussi sinistre soit-elle, un sacré cargo ! 

Après une jolie interlude signé Andréa Chiodetti, arrive le morceau de l’apaisement, Shadow Haven, une paix qui se trouve dans le lâcher prise, un apaisement apporté par l’isolement lui-même une fois que les bruits des interrogations et des angoisses s’étaient tus. Et avec l’apaisement vient la belle voix de Dan Swanö, qui nous manque tous. Avec la musique qui devient plus lumineuse malgré les riffs graves et épais, sa voix est à la fois forte et réconfortante, comme un gardien protecteur qui veille, même sur les moments les plus difficiles.

« Take solace

In this solitude 

Find respite 

Behind the shuttered doors. » 

Ce disque, je l’ai attendu dès les premiers instants où Andréa et les musiciens de Daylight Dies ont publié le logo sur leur compte Facebook. L’attente fut longue mais elle n’était pas vaine car j’ai vraiment eu un énorme plaisir à retrouver des artistes dont j’affectionne beaucoup le travail, réunis dans un seul album pour du pur son doom/death, gothic, progressif et mélancolique. Et si cette musique me touche autant, c’est peut-être aussi parce que j’ai trouvé dans cet opus une cristallisation de ce que l’Homme peut faire de plus beau : la solidarité, la technique, la créativité, le partage, et tout cela à travers la musique. C’est aussi ça, la vie! 

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Dee Cooper

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