Chronique | NIGHTED - Absence (Album, 2022)


Nighted - Absence (Album, 2022)

Tracklist :

01. Aeons - 06:32
02. Sigil - 05:19
03. Nighted - 05:31
04. Blind - 07:26
05. Acronyc - 05:26
06. Crimson - 04:45
07. Bleed - 07:35
08. Relinquish - 03:54

Streaming intégral :


                                                                 

La folie des uns fait le bonheur des autres ! Et dans un monde où la surenchère et la gravité sont devenues la norme, un peu de légèreté et de décalage font du bien. Ce petit décalage et ce coup de folie nous viennent des suisses de Nighted.

Même si c’est leur tout premier album, le duo derrière ce projet ont de la bouteille derrière eux. Il s’agit d’Ivo Henzi, ex-chanteur et guitariste d’Eluveitie, de Cellar Darling ou encore de Forest of Fog; et de Marc Petralito, claviériste d’Appearance of Nothing.

Tout a commencé une nuit d’été de 2020, en plein confinement apocalyptique au  caractère douceâtre, les deux compères s’étaient demandés ce que ça ferait un mélange entre le black metal moderne et les claviers des années 70's à la Jean-Michel Jarre et l’ambiance de Blade Runner ? Le fruit de cette réflexion quelque peu incongrue s’avère parfaitement plaisant et jouissif auditivement. 

Accompagnés par Dylan Watson, batteur de Kassogtha, ils nous offrent leur premier opus qu’est Absence, lequel débute dans une explosion de riffs explosifs, à la batterie furieuse sur un fond de synthé frénétique aux relents cyberpunk avec "Aeons". Superbe morceau d’introduction qui pose l’ambiance froide et électrique des science-fictions fantastiques de la fin 70’s, début 80’s. Bienvenue donc dans l’univers de Nighted, une dystopie sombre et électrisée où luisent les flaques de produits chimiques et les combinaisons en cuir/PVC et où les nuages de vapeurs et le manteau de la nuit cachent les manigances les plus fantasques d’un monde déjà perdu.

"Sigil" continue dans la même veine et met en avant le growl caverneux d’Ivo, vocaux qui se marient parfaitement à cette ambiance post-apocalyptique, il prépare le terrain pour le morceau titre qui démarre mélancoliquement avec la nappe de guitare aérienne, comme un clair de lune qui baigne un coin des ruines d'une grande ville de sa lumière nacrée. Puis les voix clairs s’élèvent, accompagnées d’une batterie régulière, douce mais solennelle, comme une procession d’âmes de survivants qui font leur pèlerinage nocturne vers quelques temples de divinités post-humanité… L’explosion d’arpège et le retour du growl accompagnent ce clair de lune sur la ville, sur la procession nocturne. La mélancolie est toujours là, elle s’amplifie à présent et devient encore plus lancinante. Est-ce une ode à la nuit ? Ou à la lune ?

"Blind" et sa nappe de clavier planante débarque comme un aquilon qui vient envelopper lentement la ville sous ses ailes froides, tantôt indolent, tantôt sémillant à l’image des riffs et du rythme de la batterie. Les ruines sont à présent désertes, il ne reste plus que la poussière qui danse au rythme du vent sous le clair de lune. Remarquable piste avec une magnifique dosage de nappes de clavier planantes et de riffs caressants, lancinants. Jouissif !

L’ambiance mystérieux et mécanique s’amplifie encore avec "Acronyc", mélange parfait entre riffs black metal et clavier gothic indus de l’école allemande : agressif, froid, mais tellement élégant dans son déploiement et dans chaque variation d’arpèges. Un bal mécanique indus démentiel de la fin du monde. 

Puisque les bourrasques de l’enfer ont débarqué, continuons dans cette ambiance méphitique avec ""Crimson et sa batterie fiévreuse ainsi que ses envolées de claviers totalement vintage qui rappellent l’âge d’or des claviers synthétiques des films de science-fiction.

On replonge dans la mélancolie de la nuit avec la ligne de guitare épaisse de "Bleed", bientôt accompagnée grassement par la nappe de clavier revêche et la batterie frénétique, propre aux compos black metal. Un mélange étonnant mais qui fonctionne délicieusement bien. L’orgue d’Hammond vient ponctuer de temps en temps cette ambiance languissante, comme pour assister et embellir une marche funèbre déjà sentencieuse avec les boucles de clavier hypnotiques.

Et nous terminons ce voyage au centre d’un monde post-apocalyptique de manière démentielle avec "Relinquish". Le trio y met tout ce qu’il a de frénétique et d’exalté dans ses arpèges de fin, comme pour expulser la dernière graine de vie, porteuse d’espoir, hors de ce monde de nuit et d’hostilité, tout en terminant avec une plage synthétique digne du voyage sur Mars de Solaris.

Si vous appréhendez les mélanges improbables, n’hésitez pas une seule seconde devant cet opus car c’est un pari gagné pour ce trio de musiciens de talent. Ils vous transportent dans leur univers et vous plongent profondément dans les abysses humaines avant de vous propulser en plein cœur de l’espace avec leurs compositions élégantes et modernes, à la fois sombres, mélancoliques et agressives.

                                                                 
Dee Cooper

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