Chronique | LORNA SHORE - Pain remains (Album, 2022)


Lorna Shore - Pain Remains (album, 2022)

Tracklist:

01. Welcome Back, O' Sleeping Dreamer
02. Into the Earth
03. Sun//Eater
04. Cursed to Die
05. Soulless Existence
06. Apotheosis
07. Wrath
08. Pain Remains I: Dancing Like Flames
09. Pain Remains II: After All I've Done
10. Pain remains III: In a Sea of Fire

Extrait à écouter:

                                                                 

On ne parle plus que d'eux. Lorna Shore est devenu sans conteste l'une des figures emblématiques du metal moderne de ces dix dernières années. Une montée en puissance, comme on en voit pas si souvent à travers la scène "mainstream", mais qui ne s'est pas faite sans accroc. Retour en 2021 lorsque CJ McCreery, (ex-Sign Of The Swarm) alors chanteur à l'époque, est viré du groupe suite à des accusations de violences conjugales. Le groupe se trouve dans une position difficile puisque leur prochain album est sur le point de sortir. Immortal sort finalement comme prévu et Will Ramos du groupe A Wake In Providence est recruté afin d'assurer les prestations live de Lorna Shore. Sans trop de surprise, il sera annoncé par la suite en tant que nouveau chanteur officiel, quittant par la même occasion son ancien groupe. 

Plus tard dans l'année sortira leur nouvel EP ...And I Return To Nothingness, qui assoira la notoriété déjà grandissante du groupe. AIRTTN est un EP écrasant, et le public ne manque pas de faire remarquer que la voix de Will Ramos est un atout désormais non négligeable dans ce qui fera le succès de leur musique. Le groupe possède désormais toutes les cartes pour réussir.

Je n'ai pas besoin de trop m'étaler sur le sujet du chant guttural de Will Ramos, qui est absolument incroyable, puisque la presse spécialisée s'en donne à cœur joie. Cependant il est quand même important de faire le parallèle avec CJ : chanter brutal pour du brutal, c'est plutôt sympathique, mais très redondant sur une heure d'affilée. La force de Will Ramos se situe surtout dans sa capacité de modulation, qui lui permet de produire des sons incroyablement aigus ou graves d'une seconde à l'autre. Des cris poussés à un extrême tel qu'il n'a plus rien à envier aux cadors du genre comme par exemple Dickie Allen (Infant Annihilator, Scumfuck, The Pecan Sandies) dont il s'inspire directement. C'est certainement l'un des points notables, qui offrira à cet EP un succès tel qu'il dépassera rapidement le nombre d'écoutes de Immortal, sorti un an plus tôt.

C'est donc un an plus tard, en 2022 que sortira Pain Remains, leur quatrième album et probablement l'un des plus attendus. Un album qui commence son histoire par une polémique due à sa pochette. En effet, dès lors que cette photographie d'un couteau placé sous une gorge fait surface, certains fans s'insurgent, trouvent la représentation choquante, inappropriée, voire "edgy". C'est à travers un communiqué posté sur Instagram que Adam de Micco raconte son expérience : étant atteint de dépression chronique depuis plusieurs années déjà, il a commencé à écrire cet album en 2021 alors qu'il s’enfonçait dans un gouffre psychologique, avec cette impression d'avoir un couteau sous la gorge en se réveillant tous les matins. Cet album serait pour lui une manière de partager son expérience mais aussi de "rappeler à ceux qui sont dans la même situation, qu'ils peuvent se remémorer à nouveau la sensation de vivre", une sorte d’exutoire cathartique. Une démarche à la fois risquée et audacieuse.

Pain Remains ouvre donc le bal avec "Welcome Back, O' Sleepin Dreamer", une piste de sept minutes, avec, en guise d'apéritif, les classiques orchestrations épiques qui font la patte du groupe. Pas le temps de s'ennuyer : blast beat, tremolo picking infernal et un Will Ramos plus en forme que jamais qui nous délivre toute la puissance de son souffle, alternant des growls aux multiples tonalités. Un premier point m'a interpellé : les parties à la guitare lead se font beaucoup plus présentes qu'à l'accoutumée. De même que pour les orchestrations qui, à mon sens, sont bien plus plus marquantes que sur Immortal et ce, sur l'intégralité de cet opus. Là ou Immortal était selon moi beaucoup trop générique, Pain Remains ose de nouvelles choses et sort des sentiers battus. Plus progressive, mais également plus mélodique, la musique de Lorna Shore n'a plus rien du son classique du deathcore "moderne". Bien évidemment l'on échappe pas au classique breakdown de milieu/fin de piste, cela fait en quelque sorte partie du cahier des charges. 

On enchaîne avec "Into the Earth" qui va poser les bases de la majorité des titres à suivre : des riffs terriblement accrocheurs, couplés à des parties orchestrales épiques, des percussions plutôt mesurées (j'entends par là : ne pas faire du blast beat à 320 bpm pendant 60 minutes). La guitare lead se démarque énormément du reste des instruments : claire et perçante, presque affutée. Les solos me rappellent sensiblement un côté très "power metal" en ce qui concerne la rapidité et les mélodies. 

On pourrait penser que cet album n'est qu'un enchaînement de tubes, tous plus ou moins bons les uns que les autres : il n'en est rien. Bien que j'aurais tendance à déplorer une petite redondance structurelle sur les premiers morceaux, chacun possède une direction bien à lui, qui guide l'auditeur et le maintient accroché sans jamais le lâcher. En se penchant un peu plus en détail sur les paroles, on découvre alors une toile qui se tisse. On découvre le récit d'une personne qui rêve. Ce rêveur prend d'abord conscience de cet état onirique, en prend possession, puis renonce à vouloir rêver, il finit même pas détester cela. Un récit qui connecte les titres entre eux, autant par leur aspect technique que par leur aspect narratif.

Lorna Shore tente de nouvelles choses et c'est pour le meilleur. J'y vois une réelle émancipation des classiques carcans du deathcore, là où ses détracteurs se contentent seulement de produire des clones d'eux-mêmes, depuis bien des années. "Soulless Existence" est un exemple flagrant de cette volonté de briser la monotonie. Le tempo se fait parfois beaucoup plus modéré, avec des riffs plus lents et un solo des plus aériens. Un peu comme une faible lueur d'espoir qui se ferait englober par les ténèbres.

Par ailleurs, il y a un détail qui démontre encore une fois que Will Ramos fait toute la différence avec son chant : à travers sa performance ridiculement élevée (comparé à de simples mortels comme nous), on arrive tout de même à comprendre les paroles, sans forcément devoir les chercher. C'est satisfaisant, ça rend presque les refrains fédérateurs à ce niveau. En comparaison, une bonne partie des chanteurs de même catégorie ne se contenteraient que de hurler de manière inintelligible, même si la performance reste en général des plus impressionnantes.

Et enfin, on arrive à l'un de mes coups de cœur de l'album. Pour clôturer cette pièce infernale, le titre éponyme est découpé en trois parties. Quinze minutes de cris et de larmes avec une brutalité sans précédent. La progression est au cœur de cette conclusion. On assiste ici à ce qu'on pourrait nommer une ballade de deathcore. Tout est réuni pour créer quelque chose de grandiose et fantastique. L'émotion est grande, je ne peux m'empêcher de scander chaque refrain, tant on se sent immergé. Les intros et orchestrations ont tout particulièrement été travaillées pour accompagner le récit et ça se sent. On assiste à un mélange extrêmement homogène, tout défile sans qu'on ait le temps de cirer gare. 

Pain remains est définitivement l'album le plus personnel et le plus émotionnel de Lorna Shore. C'est une énorme bouffée d'air frais, qui je l'espère sera une source d'inspiration pour la scène deathcore actuelle. Ils ne sont guère les premiers à s'essayer au "blackened symphonic deathcore": on pourrait par exemple citer Mental CrueltyWorm Shepherd ou même A Wake In Providence. Cependant, la qualité des compositions de cet album surclasse selon moi de très loin leurs compères. Reste à savoir si Pain Remains sera une expérience unique ou si le groupe continuera dans une direction similaire. Affaire à suivre donc.

                                                                 

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