Chronique | CITADEL - Remember your past (Album, 2022)

pochette de l'album "Remember your past" par CITADEL

CITADEL - Remember your past (Album, 2022)

Tracklist :
 
01. Intro - 02:10
02. I see you - 04:01
03. Look, your pathetic attempts - 04:59
04. The road - 07:44
05. Your choice - 06:11
06. Resurection - 06:45
07. You're a piece of shit - 05:04
08. Outro - 05:32

Extrait à écouter :


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CITADEL est un projet né de l’esprit de Meddy Beaufils Motte, qui s’occupe notamment des claviers, de l’orchestration et de la guitare au sein du groupe. Quant au reste de la formation, elle est composée de Benoit Gateuil à le basse, de Léo Isnard à la batterie et du peintre et musicien Jeff Grimal, à la guitare et au chant. Nous revenons sur le premier album du groupe, « Remember your past », sorti le 31 mars dernier.
 
L’album de CITADEL débute par une courte introduction, humblement nommée « Intro ». Comme émanant d’un sombre volume lovecraftien, un souffle primal et funeste ouvre « Remember your past ». Peu à peu, une montée de percussions se noie dans la texture sonore, faite de nappes synthétiques d’orgues et de chœurs éthérés, mêlées à des bruissements plus organiques, provenant probablement d’une créature insectoïde.

Dès le début du premier morceau (dont le titre « I see you », semble être une adresse à l’auditeur), la guitare, triomphante et amère, laisse surgir un riff entraînant. Puis un fluide océanique provenant des abysses, noir comme la bile, semble s’emparer du morceau, tandis que la voix apparaît, coule et enrobe avec rythme les instruments, de sa dentelle éraillée. Des rires éclatent et se fondent en vociférations bileuses, évoquant l’aspect cathartique de l’œuvre. Les claviers omniprésents se fondent si bien, qu’ils demeurent discrets. Pourtant leur touche désuète participe bien à l’atmosphère d’ensemble. Cette première piste ne laisse aucun doute quant au genre, il s’agit d’un black sympho aux accents old school, qu’on pourrait presque croire sorti de la seconde vague du black metal, datant du milieu des années 90.

Le titre du second morceau, « Look, your pathetic attempts » (Regarde, tes tentatives pathétiques), semble à nouveau s’adresser à nous en des termes peu élogieux, mais peut-être pas moins lucides ? La courte introduction laisse résonner un synthé funèbre type orgue d’église. Un riff envoûtant et paradoxalement très résigné, prend le pas. La voix sonne plus nasale cette fois, on croirait presque entendre le crapaud d’Inquisition. Le son global, assez propre, semble étouffé par la réverbération. On a presque une impression de noyade. Alors que des vagues d’énergie, riffs ou synthés transcendants, nous traversent, nous galvanisent, nous sommes irrésistiblement attirés vers de lointains fonds marins, nous nous laissons couler vers les tréfonds de l’âme. La tension dramatique évolue tout du long du morceau pour aboutir sur une outro mortuaire, composée de chœurs féminins éthérés.

La tension est étouffante dans « The road », troisième titre de l’opus. On y ressent le déchirement, la perte, une nostalgie presque adolescente qui rappelle les origines du black, et beaucoup de pulsions destructrices. Les riffs se font à la fois épiques, dissonants, puissants et étouffants. La voix est ravagée. Un instant de répit intervient, au milieu du morceau, laissant se déployer des percussions presque industrielles, puis le black brutal et symphonique reprend, pour s’éteindre un peu plus tard dans un fade out progressif, s’ouvrant sur un dernier tiers plus épuré. On respire à nouveau, en suivant la complainte de ces guitares sèches, qui déversent une folk sombre, intense et pleine de profondeur. Peu à peu une guitare électrique s’ajoute, déchirante et mélancolique, le morceau se conclut.

« Your choice » propose des riffs plus lancinants qui offrent davantage de respirations. On se croirait au cœur d’un château maléfique, animé par le fiel qui se déverse en ces lieux. De nombreuses interludes, dont une particulièrement baroque, des battements de cœur, des voix plus claires, des chœurs à l’aura primitive, font de ce morceau un poème épique, où la spiritualité se mêle au désespoir.

Le sixième morceau « Resurrection », possède un titre qui ne ment pas, il dénote dès l’ouverture, la guitare y est douce, une gamme majeure se déploie, on sort la tête de l’eau. Est présent ce côté émouvant et aérien propre au post rock. Malgré une certaine lourdeur et des blessures encore douloureuses, on assiste à un véritable envol. Une énergie nouvelle nous porte, ainsi qu’un navire qui fend les flots vers de nouveaux horizons. Pourtant on ne s’y trompera pas, il s’agit toujours ici de black metal. D’ailleurs, malgré l’absence de chant, le titre se termine sur des riffs rapides qui survolent, entre ombre et lumière, la double pédale. Mais cette belle transcendance est de courte durée.

Le destin et la fatalité nous rattrapent dans « You’re a piece of shit ». La grandeur qui nous dépasse et qu’on a entrevue précédemment, écrase notre petitesse, déchaîne lamentablement nos faiblesses humaines. La batterie sauvage, les riffs résignés, écrasés, lourds, la voix vomissante, en souffrance, tout cela laisse penser qu’il est vain de lutter. Les puissances se déchaînent, nous sommes plombés, réduits à notre trivialité, telles de misérables créatures survivant péniblement dans un cloaque. Le rejet de notre condition, l’exclusion du monde et la misanthropie semblent être les seules portes de sortie.

Le dernier titre, baptisé « Outro » semble tromper l’attente, dans une tension dramatique évoquant un western et plaçant l’auditeur dans un inconfort, tandis que la montée progressive n’explose pas comme attendu. Elle laisse plutôt la place à une guitare sèche, qui se développe, répondant à la première partie, montant à nouveau, intensément. L’ambiance est particulièrement réussie. Elle finit par déclencher une seconde frustration car l’explosion finale n’aura définitivement pas lieu, le tout se dissipe, jusqu’au silence.

« Remember your past » constitue un début solide et très prometteur pour CITADEL. C’est un album qui mériterait davantage d’attention, surtout au sein des amateurs de black symphonique. Les morceaux sont riches, regorgent d’idées, en bref on ne s’ennuie pas. Il demeure un caractère cyclique, hypnotique, dans l’évolution des morceaux, qui nous entraîne dans les tréfonds. La variété des tableaux proposés n’enlève rien à l’unité de l’album, qui dépend davantage d’un traitement du son et d’une parfaite maîtrise des atmosphères, que d’une recette toute faite et réutilisée. Pour mon plus grand plaisir, les claviers déposent leur signature tout au long de l’album. Le rythme est bien jaugé, c’est intense mais on respire (ce qui est parfois rare dans ce genre de black). Les transitions ne sont ni trop brutes ni pas assez. Un album liquide, ténébreux et profond comme l’océan, à mettre entre toutes les oreilles qui souhaitent sonder et purifier la noirceur de leur âme.

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Iviche

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