Article | Une rencontre pour l'histoire: quand MAGAZINE posait les bases de la new wave des années 80


Le courant post-punk qui a déferlé à la fin des années 70 est si vaste qu'il est difficile de trouver un réel point commun entre tous ses acteurs! On peut cependant identifier deux tendances majeures, les groupes développant l'usage du synthétiseur et ceux conservant la guitare au centre de leur musique. Et comme toujours, ces deux tendances n'ont rien d'exclusif et il existe de nombreux ponts entre elles. Et parmi ces ponts, il y a le groupe dont il est question aujourd'hui, Magazine!

Si le nom "post-punk" peut parfois être trompeur dans le cas de groupes comme Devo ou Ultravox qui se sont développés en parallèle de la scène punk (voire avant) plutôt qu'après, peu de groupes incarnent mieux ce nom que Magazine! En effet, à l'origine de ce groupe, il y a bien des punks, ceux des Buzzcocks plus précisément, formés fin 1975 par deux étudiants, le guitariste et chanteur occasionnel Peter McNeish dit Pete Shelley, et le chanteur principal Howard Trafford dit Howard Devoto. Devoto n'enregistre néanmoins qu'un EP avec ses partenaires (Spiral Scratch), avant de quitter le groupe début 1977, jugeant le format punk rock trop restrictif et surtout devenu trop commun après l'explosion médiatique du genre. Son camarade Pete Shelley prendra alors le micro et continuera brillamment l'histoire des Buzzcocks.



De retour à l'université, Devoto fait la connaissance d'un jeune guitariste du nom de John McGeoch, sans savoir à l'époque qu'il venait de rencontrer l'un des guitaristes les plus influents de toute l'histoire du rock alternatif (post-punk inclus). La connexion artistique entre les deux hommes est immédiate et ils se mettent très vite à écrire des morceaux ensemble, dans une veine encore très punk dans l'ame mais avec des ambitions déjà plus marquées, inspirées des grands précurseurs de la new wave tels David Bowie et Roxy Music. C'est ainsi qu'est formé Magazine, initialement composé de Howard Devoto (chant), John McGeoch (guitare), Barry Adamson (basse), Bob Dickinson (claviers) et Martin Jackson (batterie). Dickinson quitte cependant le groupe dès la fin 1977, remplacé quelques mois plus tard par un claviériste au jeu plus original qui ne tardera également pas à marquer son époque, Dave Formula! Ce dernier arrive néanmoins trop tard pour figurer sur le premier single du groupe, l'emblématique Shot By Both Sides, sorti en janvier 1978 et encore très teinté du punk sauce Buzzcocks (Pete Shelley y est d'ailleurs crédité). Signé chez Virgin, Magazine entre en studio en mars 1978 pour enregistrer son premier album, sous la direction de John Leckie (dont le CV, encore jeune, incluera bientôt XTC, Simple Minds, les Stone Roses, les Levellers, Radiohead ou encore Muse, rien que ça!). Baptisé Real Life, le disque sort en juin 1978, à une époque où la vague punk 77 est déjà en train de muter.


On peut distinguer globalement deux tendances dans ce disque, les titres encore très punk dans l'âme malgré l'ajout de claviers, et les titres franchement plus ambitieux et mettant un gros pied dans la new wave des années 80. Côté punk, le single "Shot By Both Sides" a tout du classique tant il est brillant, l'énergie punk originelle est parfaitement combinée à un ton plus épique, en particulier dans ce refrain irrésistible qui a conquis toute une génération! Également très punk et co-écrit par Pete Shelley, "The Light Pours Out Of Me" s’impose comme un autre classique de l’album grâce à un refrain à nouveau lumineux et une rythmique percutante, un coup de maitre! Mais Magazine n’est pas seulement une version plus élégante et raffinée du punk chargé de mélodies pop des Buzzcocks, c’est aussi et surtout un des plus grands pionniers de la new wave à venir! À l’écoute de bijoux comme "The Great Beautician In The Sky", "Parade" ou "Definitive Gaze", on perçoit en effet très vite l’impact qu’a pu avoir le groupe sur Simple Minds, U2 ou les Smiths, pas de doute les années 80 ont bel et bien commencé! En plus de leur avant-gardisme, ces titres impressionnants par leur richesse instrumentale, en particulier le jeu de guitare unique de McGeoch, tandis que les nappes de clavier de Formula ajoutent une délicieuse touche synthpop à l’ensemble. À l’instar des autres éléments musicaux, le chant de Devoto oscille entre la hargne punk de ses débuts avec les Buzzcocks et le registre plus grave et profond qui caractérisera vite la new wave, et dans les deux cas il se montre brillant, contribuant énormément à l’efficacité et à la classe des morceaux.




Plus qu’un album de transition, c’est un véritable manifeste que Magazine signe avec Real Life en cette glorieuse année 1978. Peu d’albums sortis cette année-là concentrent aussi bien l’essence de ce que sera la new wave dans les années 80, aussi bien côté guitare que côté synthétiseur. Véritables têtes pensantes du groupe, Devoto et McGeoch forgent une forme de post-punk non seulement en avance sur son temps, mais également irrésistiblement accrocheuse et brillante, voire même progressive sur certains aspects! Alors que dans le même temps les Buzzcocks viennent de signer l’un des meilleurs disques punk rock de cette période, on ne peut que se féliciter de voir les deux anciens camarades Howard Devoto et Pete Shelley s’épanouir chacun dans leurs groupes respectifs.


Fait rare pour être souligné, la critique de l’époque ne rate pas le train en marche et inonde Real Life d’éloges, saluant à la fois l’efficacité de ses compositions et sa créativité. Mais c’est surtout l’impact qu’aura l’album sur la scène post-punk qui en fait un véritable monument! Si l’exemple le plus évident est Simple Minds (Life In A Day et dans une moindre mesure Real To Real Cacophony sortis l’année suivante transpirent l’influence de Magazine par tous les pores), quasiment tous les groupes post-punk/new wave et alternatifs contemporains et ultérieurs puiseront des idées dans ce disque. Le groupe quant à lui confirmera magistralement ces débuts réussis avec un second disque, Secondhand Daylight (1979), certes moins apprécié par la critique, mais tout aussi brillant, avec un côté progressif encore plus marqué!



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Auteur : Mohamed Kaseb
Dessin : Antoine B.

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