Après vingt ans passés à explorer différent styles, du Black Metal d'Artefact à la New Wave de Press Gang Metropol, Sébastien Bernard a décidé de créer le projet Halo's Eve, pour créer une musique plus en phase avec ses aspiration actuelles.
L'isolement imposé par le confinement a été le déclencheur de ce travail introspectif et cathartique.
Souhaitant renouveler et étendre son univers musical, il combine des éléments de différents univers musicaux pour créer des titres percutants. L'accent est particulièrement mis sur l'aspect mélodique, appuyé par un son puissant et sombre.
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Salut Sébastien ! Tu es de retour avec ton nouveau projet Halo’s Eve, peux-tu nous le présenter ?
Hello Scholomance ! Avec plaisir. Halo’s Eve est un projet solo de Darkwave né durant le confinement. A vrai dire les premières idées musicales datent de la fin de Press Gang Metropol en 2019. Mais la décision de gérer ce projet en solo a été prise en 2020, à la fin du 1er confinement de Mars.
Tu as fait tes armes dans le groupe de Black Metal mélodique Artefact, puis la formation Goth Press Gang Metropol. Qu’as-tu tiré de ces expériences pour Halo’s Eve ?
Qu’il ne faut jamais rien prendre pour acquis ahaha ! Plus sérieusement ces années de travail dans des projets sérieux m’ont permis d’acquérir une expérience énorme sur la vie d’un groupe, le travail et l’implication nécessaires pour faire exister un projet artistique. Quand je suis rentré dans Artefact, Alexis (Bietti, le bassiste) m’a dit « un groupe, ça doit être géré comme une entreprise si on veut des résultats ». Cette optique m’a parlé de suite et c’est devenu une ligne de conduite pour chaque travail sur un projet musical. J’ai toujours travaillé comme ça, et dans Halo’s Eve ça a fini par tourner à l’obsession, puisque je me suis mis à gérer toutes les casquettes avec la même approche. Ça a été quelques fois difficile, mais avec l’expérience, je sais que c’est ce qu’il en coûte pour concrétiser quelque chose de solide.
On retrouve dans tes paroles des thèmes liées à l’occultisme et au luciferanisme, thématiques récurrentes dans le Black Metal comment toi l’abordes-tu ?
Je dirais que la première approche est surtout philosophique, en lien avec le surhomme Nietzschéen, l’émancipation et l’affranchissement de tout dogme, de cloisonnement intellectuel. J’ai clairement ressenti cette avancée, cette liberté personnelle à travers la réalisation de l’EP. Dans Artefact et dans Press Gang Metropol, même si je me suis souvent chargé de la production musicale, j’ai seulement composé les textes et les lignes de chant. Aucune note de musique. De plus je ne suis pas claviériste mais je voulais faire une musique très électronique. J’étais donc au pied du mur sur un grand nombre d’aspects, qu’il a fallu maitriser un par un à force de travail. J’ai en quelque sorte retranscrit ce cheminement personnel et philosophique, avec une approche plus symbolique et occulte. Je me suis en même temps replongé dans les mythes Prométhéen, Sisyphéen… Je me suis senti pousser le rocher en haut de la montagne pour le retrouver en bas quelques instants après un certain nombre de fois sur ce disque (il y’a eu 14 versions de « The Lodge » par exemple avant la version de l’EP…). L’occultisme devient la symbolique par laquelle j’exprime ces notions plutôt que les développer ou de les expliquer, ce qui ne m’intéresse pas outre mesure. Le luciférianisme est finalement la somme de tout ça, une philosophie de dépassement de soi qui s’exprime avec les codes de l’occultisme. Elle est effectivement présente dans le Black-Metal, Ihsahn et Emperor par exemple m’ont très certainement influencé dans ce sens-là. C’est la frange du Black Metal qui m’intéresse particulièrement, où je me retrouve le plus en tout cas, avec la période « Wolf’s Lair Abyss » de Mayhem par exemple, et maintenant avec des groupes comme Deathspell Omega…
Restons encore un peu dans le Black Metal et ses liens avec la Darksynth. De nombreux artistes comme Perturbator ou We Are Magonia sont des musiciens qui sont grandement influencés par ce style. Comment perçois-tu ce lien ? Est-ce que ça t’a paru « naturel » lors de ta composition ?
Comme on l’a souligné juste avant, le lien avec le Black-Metal s’est plus fait à travers les thématiques propres au style. Il y’a aussi un truc qui n’a échappé à personne, c’est que la Darksynth était totalement liée au cinéma SF/Horreur des 80’s, ce que Carpenter Brut nous a rappelé. Je suis un gars des 80’s, je mattais tous ces trucs, Argento, Carpenter… et c’est finalement devenu naturel de créer une musique synthétique sombre qui colle parfaitement avec des ambiances et des thématiques obscures. Mais ce qui compte vraiment à mon sens, c’est de voir le nombre de moyens qu’on a pour créer de la musique Dark, et d’en profiter pour s’exprimer.
Certains de tes titres m’ont fait penser à du Depeche Mode en plus sombre et noir mais assez dansants. Comment fais-tu pour aborder des thèmes sombres et garder ce côté un peu « boîte de nuit gothique » ?
C’est très bien vu mon ami ! C’est exactement le thème du titre « Pitch Black Heaven », qui parle du besoin de retrouver des sensations, des moyens d’exprimer sa part sombre, d’unir ceux qui se retrouvent là-dedans, et clairement j’avais une idée de boite de nuit hyper sombre comme image mentale sur ce titre. Parce que sombre ne veut pas simplement dire prostré dans le noir et le silence, mais au contraire de chercher des sensations différentes. La vie quotidienne, le lien social « normal » ne permettent pas cela, mais une boite de nuit gothique/darkwave/post/etc…quelle fabuleuse idée !
Cette fois-ci tu officies seul dans Halo’s Eve, marre de devoir composer avec d’autres ? Tant au niveau musical qu’humain ?
Ahahaha ! A vrai dire ce n’était pas le plan à la base. Après Press Gang Metropol j’ai commencé à bosser avec un mec très bon, mais on n’arrivait pas à finaliser les idées, ça partait un peu dans tous les sens, et j’avais un besoin quasi physique de finir des chansons, de voir une concrétisation. Puis un autre projet avec d’autres musiciens a démarré mais a vite été sabordé, et pendant tout ce temps je composais et faisais des maquettes. Le confinement est arrivé, et pour moi il était hors de question de ne pas profiter de cette opportunité de faire de la musique tout le temps. Ma compagne m’a poussé à tester l’aventure en solo et j’y suis allé avec beaucoup d’appréhension et de doutes, mais aussi avec la certitude qu’avec mon expérience de musicien et de producteur je pouvais faire quelque chose de valable. Puis je suis un acharné alors…Cependant, ce que ma compagne n’avait pas prévu, c’est que lorsqu’on travaille en groupe, on échange sur tous les niveaux, on partage les doutes et les petites victoires. Là c’est elle qui s’est retrouvée, quelque fois contre son gré, à se te coltiner les écoutes, gérer les questionnements….
Pour suivre ton parcours musical depuis Artefact ton évolution me fait penser à celle de groupes comme Ulver qui sont passés du Black à l’électronique / trip-hop. A ton avis pourquoi certains groupes culte ressentent ce besoin de se tourner vers l’électro (au sens large) ?
Ulver mec…On va rester humble, pour moi ça reste la référence absolue, le groupe le plus intéressant qui soit sur l’ensemble de sa carrière avec Dead Can Dance (et dans une moindre mesure Paradise Lost et Moonspell). Mais je pense qu’avec Ulver, je partage le besoin de ne pas faire deux fois la même chose, et je suis très curieux sur le plan de la production et de la technique audio. J’ai besoin de tester des trucs, d’essayer des approches différentes…Par rapport au Black-Metal aussi, après Artefact j’avais besoin d’exprimer d’autres choses, différemment, d’où mon arrivée dans Press Gang Metropol. Et pour répondre plus précisément à ta question concernant l’Electro, je dirais que ça permet un niveau d’expérimentation et d’expression assez dingue. Les détracteurs adorent réduire ça a une musique froide parce que faite par des machines, mais au contraire, je pense qu’on peut aller extrêmement loin, tout en gardant un côté organique. A chacun de savoir quoi en faire.
Comment l’as tu vécu toi ce changement musical ?
J’écoutais un peu de musique électronique, des classiques comme Aphex Twin et compagnie. Ma première grosse gifle electro dark a été la sortie du premier disque de Fever Ray. Je connaissais The Knife dont j’adorais « Silent Shout ». Mais Fever Ray a été un déclic du genre « j’aimerais bien m’essayer à ça un jour ». Il y’a tout dedans. La froideur et l’obscurité, les mélodies accrocheuses mais pas du tout simplistes, une production géniale…. C’est resté une simple idée sans projet pour la concrétiser. Puis à la fin de Press Gang Metropol, quand je commençais à composer des trucs à la guitare, je tombais toujours sur les mêmes schémas dus à l’habitude, et ça ne me convenait pas du tout. Pour me renouveler, j’ai décidé d’essayer de composer sur un outil que je ne connaissais pas du tout pour ne pas être pollué par de vieux réflexes. J’ai acheté un Push d’Ableton et ça a ouvert la boite de Pandore. Puis l’apprentissage de la synthèse, de tout le boulot de production spécifique au style, très différent de la musique enregistrée…. Ça a été absolument grisant et libérateur en termes de créativité.
J’ai discuté avec Guillaume (Anesthetize Productions) qui m’a dit que tu souhaitais te concentrer sur la sortie d’EPs et n’envisage pas la sortie d’un album. Qu’est-ce qui te pousse vers ce format plus court ?
Deux raisons très simples : tout d’abord, faire un EP comme « Pitch Black Heaven » m’a pris un an en travaillant seul (avec le temps que le confinement permettait). Si je me lance dans un album, disons deux fois plus long, au bout de deux ans tout le monde m’aura oublié. Je comprends que le format album soit adapté pour les groupes qui tournent, et qui peuvent se permettre de laisser beaucoup de temps entre deux albums car la tournée assure leur promo. Mais surtout, le format EP me permet d’envisager une cohérence créative et technique sur un terme plus court. Alors que sur un long terme, disons deux ans de travail, la différence entre le premier et le dernier titre composé pourrait être trop importante en termes de production ou de style et faire une œuvre incohérente.
Je te laisse le mot de la fin !
Un grand merci à Scholomance bien sûr, pour suivre mes projets depuis de nombreuses années déjà (et ce concert mémorable d’Artefact en 2015) ! Merci pour cette interview !
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Questions : Morgan
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