Interview | PERTURBATOR (Synthwave / Darksynth / EBM - France)

Photographie par David Fitt

James Kent aka Perturbator est un artiste français, producteur de musique électronique. Il a marqué ses débuts en 2012 avec ses premiers albums et EP évoluant dans un style synthwave et une esthétique Cyberpunk, avant de rapidement monter en popularité. Il s'est notamment fait connaître pour sa participation à la BO des jeux Hotline Miami. Son dernier EP New Model est sorti en 2017.  J'ai eu la chance de pouvoir échanger avec lui autour de ses inspirations, ses différents projets, ainsi qu'une partie de son histoire. 
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F - Salut James, merci de me recevoir pour Scholomance. j'espère que tu vas bien.

P - Salut et merci, ça va très bien.

F - Pour commencer j'aimerai parler de ton prochain album. Le 28 Mai va donc sortir Lustful Sacraments, ton cinquième album studio, qui selon moi annonce une nouvelle direction artistique. Est-ce que tu pourrais nous en dire un peu plus à ce sujet ?

P - En effet c'est bien ça. New Model sortait un peu du carcan Synthwave, avec une direction plus éléctronique, EBM, IDM. Avec Lustful Sacraments j'ai voulu reproduire cette expérience, me retourner les idées et faire quelque chose de plus gothique, post-punk, coldwave. Quelque chose qui se rapproche par exemple un peu plus de Sisters of Mercy, The Cure, mais en un peu plus récent. Comme par exemple Drab Majestic le fait en ce moment, She Past Away, etc. 

C'est un style de musique que j'ai toujours aimé, que j'ai toujours voulu retranscrire, sans pour autant imiter. Plutôt rendre hommage en quelque sorte. C'est assez récemment que j'ai vraiment possédé les clés et les techniques pour le faire. Si j'avais tenté ça un peu plus tôt, le résultat aurait été plus maladroit et je n'aurais peut-être pas réussi à le faire correctement.

F - Alors justement j'ai remarqué que tu partageais pas mal de musiques que tu aimes à travers twitter (entre autres) et particulièrement The Devil's Blood.

P - Oui The Devil's Blood est mon groupe préféré.

F - Un peu hors sujet mais Molasses c'est donc l'après The Devil's Blood c'est ça? 

P - C'est le groupe de Farida Lemouchi, avec qui je suis ami. Elle était censé figurer en featuring sur le prochain album, mais pour des raisons indépendantes de notre volonté, ça ne s'est pas fait. Peut-être un jour, en tout cas on l'espère. 

Pour revenir à ce que tu disais, je partage beaucoup de musique sur Twitter en effet. Déjà je trouve que c'est bien de partager de la musique, et peut-être que j'ai secrètement envie de faire découvrir aux fans de Perturbator ce qui m'a potentiellement influencé ou ce qui va venir, les préparer à ce qui me plaît.

F - Et bien en tout cas moi j'aime beaucoup, je pense que ça permet de se rapprocher un peu des artistes, d'une certaine manière.

P - C'est super, je vais continuer comme ça alors ! 

F - À l'heure où on l'on parle toi et moi, Blood Music vient de dévoiler la sortie de ton prochain single: "Dethroned Under A Funeral Haze". Une potentielle référence à Darkthrone ?

P - Absolument pas. Tu n'es pas le premier à me poser la question, ça aurait pu être ça. Il y a quelques passages avec un léger ADN black metal dans le prochain album. J'en écoute beaucoup alors j'en ai naturellement injecté un petit peu dans cet opus. Mais en vérité c'est le nom d'un livre d'art que j'aimais beaucoup: "Under The Funeral Haze".

F - Pour rebondir sur ton dernier album en date, on avait parlé toi et moi d'émancipation de la Synthwave. Selon toi, est-ce que ce changement aurait débuté à partir de The Uncanny Valley ou plutôt New Model ?

P - En ce qui me concerne, The Uncanny Valley est mon dernier album synthwave. Et encore, j'ai quelques morceaux qui sortent un peu du lot, plus jazzy, ambiant, etc, où je me suis amusé à tenter autre chose. Je me souviens bien quand j'ai fini The Uncanny Valley : j'ai essayé de faire d'autres morceaux mais c'était impossible, j'avais l'impression de tourner en rond. J'étais trop focalisé sur l'esthétique Synthwave/80's, et c'est de là que New Model est né. J'ai décidé de faire ce qui me plaisait, et ça m'a aidé à trouver l'inspiration. Aucun intérêt à refaire du synthé années 80, de nos jours tout le monde le fait.

Beaucoup de gens pensent que j'ai une haine de la synthwave depuis que je n'en fais plus, mais c'est totalement faux. J'aime toujours les anciens, ceux avec qui j'ai commencé à faire de la musique: Mitch Murder, Miami Night 1984, Lazerhawk, Power Glove, etc. Ce n'est pas ce que je préfère le plus mais j'en écoute de temps en temps.

F - C'est compréhensible. Pour clore ce chapitre on va continuer avec Lustuful Sacraments. Dans le clip de "Death Of The Soul", il y a toujours une esthétique futuriste/cyberpunk. Est-ce que c'était ta volonté ou est-ce que c'est indépendant de la musique ?

P - Je pense que c'est mon style d'écriture, quelque chose dont je ne peut pas me défaire, en tout cas avec Perturbator. Même si je peux m'émanciper du coté 80's, j'aurais toujours ce coté un peu science-fiction, bande-son de films. Par exemple les synthés que j'utilise de manière récurrente dans mes compos, qui font très Blade Runner, avec de gros leads plein de reverb, c'est quelque chose que j'ai et je ne pourrais pas m'en débarrasser je pense. C'est un peu le son Perturbator, et il ne faut pas que je m'en débarrasse. 

F - Je ne peux que plussoyer. Je pense qu'on a fait le tour et qu'on peut enchaîner avec Ruin of Romantics. Est-ce que tu peux présenter le groupe pour les petits nouveaux ? 

P - Le groupe se compose de quatre personnes, qu'on a formé avec Mehdi (Hangman's Chair) pendant le premier confinement. On avait des morceaux, c'était Mehdi qui composait la plupart des trucs, et moi j'en ai composé un peu à coté. On s'envoyait ça en mode ping-pong, par e-mail interposés, et on s'est retrouvé à faire un album entier. 

On a neuf titres (dix si on compte la reprise de "Self Control") et on était partis sur quelque chose de plus gothique, shoegaze, avec des éléments electro mais pas trop percutants, plutôt ambiant. Ensuite on a trouvé un chanteur : Vincent, qui était dans Vegastar il y a longtemps, ainsi qu'un autre guitariste, Francis Caste (BLVL), qui nous a enregistrés. On a terminé l'album récemment donc ça sortira un peu plus tard dans l'année.


F - Donc finalement, le covid n'a pas fait que des victimes !

P - Exactement. Pour moi et les gars du groupe, c'était un peu ce qu'appellent les américains la "cabin fever", ça m'a donné un truc à faire en plus. Si je reste chez moi, il faut que je m'occupe. J'avais fini le mix du dernier Perturbator et je savais pas quoi faire alors ça m'a fait un bien fou de ne pas bosser tout seul. Ça fait dix ans que je bosse tout seul dans mon coin sans avoir de retours. Bosser avec d'autres gars sur des morceaux qui sont pas forcément faits que par moi, c'est vraiment cool.

F - J'allais justement venir au sujet du covid, comment il a impacté ta vie perso/pro.

P - Le covid ça m'a permis de finir l'album de Perturbator et de Ruin of Romantics. 

F - Ça t'a en quelque sorte permis de faire une pause, de ralentir ?

P - Oui tout à fait. J'étais tout le temps en tournée, dans un bus. Contrairement à beaucoup d'autres groupes/musiciens, je n'arrive pas à composer sur la route. Il faut que je sois chez moi, posé. 

F - Et donc pour Ruin of Romantics, c'est toi et Mehdi qui composez principalement ? 

P - Oui. On est un groupe très "couteau Suisse". On peut tout faire. Sur certains morceaux j'y ai mis du synthé, sur d'autres de la guitare, etc. Mehdi a tracké l'ensemble de la batterie par exemple. Certaines pochettes sont faites par moi. Mon rôle n'est pas figé, je fais un peu de tout.

Photographie par David Fitt

F - Est-ce que vous avez prévu de faire des concerts, ou c'est juste un side-project ?

P - On avait pas pensé concerts à la base, mais ce n'est pas impossible.

F - C'est vrai que c'est un "enfant du covid" au final. 

P - Oui tout à fait (rires). C'est surtout que quand on a fait les compos, on a pas du tout pensé la musique pour du live. On est que quatre, on ne sait pas trop comment ça pourrait se passer. Au début on ne l'a pas vraiment envisagé, mais pourquoi pas, une fois que les concerts reprendront. 

F - Alors justement par rapport à l'arrêt des concerts, tu es un artiste pas mal présent sur les sites de streaming (entre autres). Financièrement parlant, tu as peut-être été moins touché que d'autres groupes qui eux ne vivent que des concerts ? Ou est-ce que c'est vraiment difficile ?

P - J'ai la chance de ne pas vivre que des concerts. En effet j'ai le streaming, la vente de merch, les Bandcamp. Même si mes albums sont gratuits, certains fans font quand même des dons. Donc ça va, je ne suis pas à la rue. 

F - Heureusement alors. On va terminer par L'Enfant De La Forêt. Est-ce c'est plutôt un genre de projet "fourre-tout" ou vraiment quelque chose que tu avais envie de concrétiser ? 

P - Alors à la base c'était un peu un projet fourre-tout en effet. C'était un peu le proto New Model, je pouvais me lâcher et ne pas me soucier de comment ça allait sonner puisque de toute manière, personne n'écoutait. Par la suite je me suis rendu compte qu'il y avait quelque chose à faire avec ça. J'adore les films et les jeux-vidéos d'horreur et ça me plaît beaucoup de bosser sur des sons typés dark ambiant ou bande originale façon Fatal Frame, Silent Hill, etc. C'est un peu la direction que ça a pris.

C'est aussi un projet un peu plus intime, je peux faire ce que je veux et raconter quelque chose, en quelque sorte. 

F - Je pense que c'est plus facile à écouter qu'à expliquer.

P - C'est ça. C'est devenu personnel à un point où je préfère que peu de gens l'écoutent, ça reste en petit comité.

F - On arrive à la fin de l'interview. Question bonus, est-ce que tu as prévu de faire évoluer ton setup live, ou bien celui te convient-il comme il est actuellement ?

P - J'ai bien prévu une évolution du setup live en effet. Notamment parce qu'il y a des guitares sur tous les morceaux, alors je vais jouer de la guitare à des moments précis. Il y a des passages comme dans "Exess" par exemple où je fais de la voix aussi. 

F - J'ai hâte de voir ça ! Pour finir, est-ce que tu aurais quelques mots à adresser à tes fans ?

P - Si vous avez le temps, allez checker le dernier album de Odraza (Rzeczom), le meilleur album de black metal que j'ai écouté ces cinq dernières années. 

F - Merci à toi, et bon courage pour la suite. 

Note : Je remercie également HIM Media ainsi que Bad Behavior pour avoir permis cet échange. 

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Questions : Fullpotatoes

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