10 groupes de Rock et de Metal hongkongais à découvrir


Hong Kong est la seconde contrée qui consulte le plus les pages de Scholomance, il était donc temps de se concentrer sur cette région à l'histoire troublée et singulière. La région a fait partie de la Chine Impériale, puis du royaume anglais, puis a été indépendante et depuis son rattachement à la Chine, la cité-état est en perpétuel combat pour sauvegarder ses particularités culturelles et ses libertés. C'était pour cette raison que nous n'avions pas abordé de groupe hongkongais lors de notre article sur les 40 albums chinois à posséder. C'est donc l'heure de se plonger dans les rues ultra modernes de la perle de l'Orient, Hong Kong, dans sa langue, sa culture moderne et traditionnelle, mais surtout sa musique. 

Pour cet article il fallait créer une rupture avec celui sur la Chine, et quoi de mieux que de se concentrer sur les groupes et pas seulement sur les albums sortis. On retrouvera donc des groupes avec plusieurs albums à leur actif, d'autres avec un unique album, ou encore avec quelques morceaux sortis. Le choix des groupes a été fait de façon purement subjective, les groupes qui m'ont le plus marqué, tout en gardant à l'idée de vous faire découvrir plusieurs facettes de la scène Rock et Metal hongkongaise. Il n'y a pas de classement, les groupes sont dans l'ordre auquel j'ai pensé en écrivant, et ils ont tous une place de choix dans ma discothèque !


  • Evocation (招魂)

Evocation (招魂) est le premier groupe originaire du port parfumé que j'ai découvert. Pratiquant à l'origine un Black Death Metal mélodique classique chanté en anglais sur Take Your Soul (2008) - rien d'étonnant à cela puisque l'anglais est une des langues officielles d'Hong Kong. L'album, bien que de bonne facture, n'a pas cette âme qui habitera le groupe dès Abracadabra (天靈靈 地靈靈) en 2013. C'est avec ce second chapitre que j'ai découvert le groupe, et ça a été un coup de cœur monumental. L'album est massif, violent et sophistiqué, et rappelle parfois Chthonic avec quelques sonorités folk chinoise et une atmosphère occulte qui commence à se dessiner. C'est avec la sortie Libation (奠) en 2018 qu'Evocation (招魂) explorera pleinement l'aspect occulte des religions chinoises et particulièrement du taoïsme, les sonorités traditionnelles ne sonnent pas comme quelque chose de vraiment "folklorique" mais comme des rythmes religieux, mystiques. Avec cette dernière sortie, le groupe marque à la fois son identité hongkongaise à travers ses incorporations religieuses et nous montre que les instruments traditionnels ne sont pas cantonnés à être des ajouts folkloriques pour être "pittoresque", ils servent une vraie démarche artistique.


  • Dismal 

Dismal est un discret one-man band, il n'a qu'un album sorti en 2017 : Loss. Paleness (遺。白). Pas d'EP, de démo, très peu de communication. Seule est sortie de l'ombre cette unique ode à la dépression et au Black Metal, avant d'aussitôt retourner dans les ténèbres de la mort. Dismal étend les ombres et vient nous conter la noirceur de la vie et les lois du karma. Nous sommes tous égaux face à la mort. Dismal est pour moi l'exemple même de ce qu'est le Depressive Black Metal, sans tomber dans la facette suicidal. On ressent la depression mais il ne fuira pas la vie par le suicide, il illustre à merveille cette citation de Lautréamont : "J'ai reçu la vie comme une blessure, et j'ai défendu au suicide de guérir la cicatrice. Je veux que le Créateur en contemple, à chaque heure de son éternité, la crevasse béante. C'est le châtiment que je lui inflige".


  • Maenad & the Ravers

Quittons le temps d'un groupe la scène Metal avec Maenad & the Ravers... mais pas tant que ça puisque la chanteuse Cecilia Tsang a collaboré avec Evocation (招魂) et Black Mass // Siren (獻血). Mais Maenad & the Ravers n'a rien de Metal, il s'agit d'une pure invocation Darkwave. Mais pas seulement puisque dans Sundown, leur premier album sorti en 2019, le trio puise ses influences dans toutes les facettes les plus sombres du Post-Punk, de la musique psychédélique avec un chant Dream Pop voire Ethereal Wave. Le groupe est un sabbat onirique et magique, fascinant et enivrant.


  • Chock Ma (戳麻)

Chock Ma (戳麻) est un groupe à album unique. Ils sortent en 2014 Dharma Bums (自在本性) avant de se séparer peut de temps après. Même s'il ne s'agit pas d'une influence de Bliss-Illusion (虚极), les groupes ont de nombreuses similitudes. Tous deux puisent leur principales inspirations de la religion bouddhiste, du Post-Rock et du Post-Metal, mais dans Chock Ma (戳麻aucune trace de Black Metal. Le groupe s'inspire du roman de Kerouac du même nom ; ils se considèrent comme le reflet karmique de leur passé et de leur futur. Leur musique est lancinante, teintée de nombreuse influences chinoises, et utilise de manière unique le erhu qui offre à l'ensemble une atmosphère poétique et mélancolique. Écouter Chock Ma (戳麻) c'est se retrouver dans un pavillon, au milieu du jardin d'un temple, oublier le temps, voir se mêler la musique moderne et traditionnelle dans un tourbillon divin et éthéré.


  • Voyage In Solitude

Voyage In Solitude c'est aussi le projet d'un seul homme. Sorti des ruelles en 2018 avec le single "Noisy Train", le projet se différencie déjà par son atmosphère urbaine et une musique Post-Black Metal / Blackgaze. Avec son premier EP Last Train from the Hill, cette direction se confirme, mais l'EP souffre des défauts inhérent à de nombreux room-bands, une boite à rythme mal programmée et un mixage ainsi qu'un mastering d'assez mauvaise qualité. Puis, s'en suivent des singles, des EPs, plus ou moins de même qualité mais en sort surtout le split Sounds of MelancholyVoyage In Solitude collabore avec Falaise et Sadness ! Le morceau de Voyage In Solitude s'est hissé à un nouveau niveau, mieux mixé, mieux composé, la boîte à rythme est mieux programmée, et sonne moins artificielle. Le morceau présent sur ce split se retrouvera sur son premier album Through the Mist with Courage and Sorrow (2020). Un album qui quitte un peu les tumultes de la cité pour se plonger dans la nature, mais la nature urbaine d'un parc immense, comme une impression de contempler la ville du haut d'une montagne. Musicalement Voyage In Solitude a évolué vers un Black Metal plus Atmosphérique moins Blackgaze, mais toujours Post-Black Metal ; un mélange d'urbanisme et de nature, une fascination de la nature par l'homme urbain.


  • CharmCharmChu (慘慘豬)

CharmCharmChu ( 慘慘豬) – traduisible par Pauvre Cochon – a vu le jour en 2009 et ce groupe de Crossover Thrash Metal tient une place à part dans ma découverte de la scène hongkongaise, car il s'agit du premier groupe "chinois" que j'ai pu interviewer. Pour Sheug Wan (aka Bob), CharmCharmChu 慘慘豬) fait : "partie du mouvement de préservation de la culture cantonaise". En effet le groupe chante en cantonais et ses paroles sont un condensé de revendications socio-politiques, de memes et de poésie cantonaise qui prennent forme avec leur premier EP, Majestic Brewing Order. Cette forme, ce sont des riffs incisifs qui fleurent bon les gaz lacrymo de la révolution des parapluies, aux relents d'une démocratie agonisante. L'EP se construit dans des influences Hardcore, Thrash, Crust et même Black Metal, mais toujours dans un esprit old-school, sans pour autant devenir une simple copie de ce qui a été fait. Avec leur second EP The Delusion, CharmCharmChu 慘慘豬) tape plus fort, fait moins dans la finesse, les idéaux ont laissé place à la réalité avec un Metal plus violent, plus Hardcore et rentre-dedans.


  • Cryogenic Defilement

Parlons peu, parlons bien, parlons violence, parlons de Cryogenic Defilement ! Ce groupe est a la croisée de tous les chemins de la brutalité mais qu'on pourrait grossièrement résumer par du Slamming Brutal Death Metal / Slamming Brutal Deathcore. Y a deux fois Slamming car c'est très très Slamming, bref c'est violent y a des breaks, ça joue vite ça joue fort ça parle d'apocalypse. Dans leur premier et unique album à ce jour, Worldwide Extermination (2018), on assiste à une invasion de Kaijū qui décime l'humanité, une humanité qui n'a pas vraiment le temps de combattre ces monstruosités naturelles, car trop occupée à s'entretuer et à poster des memes sur internet et mater du Hentaï. 


  • Hyponic

Hyponic fait partie des groupes les plus anciens de la scène Extrême Hongkongaise. Créé en 1996 ils ont en 2006 participé à Unforgotten Past, une compilation tribute à Death et particulièrement à Chuck Schuldiner. Crée par AreaDeath Productions, elle regroupe de nombreuses formations internationales mais surtout chinoises, dont Ritual Day et Suffocated (窒息). Sur leur premier album Black Sun (2001), le groupe nous offre ce qui se fait de plus morbide et languissant dans le Doom Death Metal ; puis vint The Noise of Time (2006), plus Doom Metal que Death mais qui fera connaître le groupe à l'international puisqu'il signe chez le label canadien Obskure Sombre Records. Un long temps sans album, puis en 2016 après un changement de line-up le groupe est de retour avec un album qui marque leurs 20 ans d'existence. Il s'intitule 前行者 (Qian Xingzhe) et dévoile tous les ténèbres insondables qui habitent Hyponic. Une ode funèbre froide, un requiem mourant et lente pour cet album tout en Funeral Doom et pour la première fois en chinois. 


  • Black Mass // Siren (獻血)

Black Mass // Siren (獻血) est une jeune formation qui est partie exploré le cosmos et l'occultisme. Le trio fait parti des groupes les plus prometteurs de la Perle de l'Orient, rappelant que les perles peuvent être d'un noir aussi profond que les abysses. Les morceaux de Black Mass // Siren (獻血) puisent et expérimentent la rencontre des arts noirs que sont le Black Metal, la Dark Ambient ou encore la Noise, pour donner naissance à une musique chimérique comme a pu le faire Dodecahedron ou La Torture Des Ténèbres. Les synthétiseurs cosmiques font écho au violoncelle pour se perdre dans les ténèbres cosmiques, ce chant torturé qui rappellera Enmity ou K.F.R nous fera regretter d'avoir levé les yeux vers l'espace infini. Black Mass // Siren (獻血) c'est une noirceur sublime et sans fond dans laquelle on plongera encore et encore jusqu'à ce que notre corps entier ne fasse plus qu'un, englouti par le néant. 


  •  Prune Deer (話梅鹿)

Créé en 2013, Prune Deer (話梅鹿) est une des formations montantes de la scène Post-Rock, alliant à la perfection les nappes de guitares atmosphériques caractéristiques de la scène à la complexité et la technicité du math rock. Le groupe prend ces influences dans la scène Post/Math Rock japonaise représentée par des groupes tels Lite, Toe ou encore Tricot tout en y ajoutant sa patte. Le quatuor instrumental vous fera voyager dans des paysages sonores magnifiques, tel un lever de soleil au-dessus d'un gratte ciel surplombant la rivière des perles tout en vous partageant la joie de la vie et ses mélancolies. Pour leur dernier EP le groupe se fera même accompagner de la chanteuse japonaise Haru Nemuri et de Ashley Tsang, chanteuse du groupe de Math Rock Silhungmo, pour agrémenter leur composition de douce poésie. 


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Nous espérons avoir pu vous faire apercevoir, à travers cette dizaine de vignettes, toute la versatilité musicale qui peut s'élever d'un si petit territoire côtier. Les artistes hongkongais se tiennent les yeux rivés tantôt vers l'infini de l'océan et la lumière, tantôt en amont vers l'intérieur des terres, ses montagnes et sa nostalgie - mais aussi vers l'écrasante Chine continentale, qui agit tantôt comme inévitable influence culturelle, tantôt comme repoussoir politique. Pris entre la frénésie d'un haut lieu du capitalisme dévergondé et l'espoir de représenter un dernier bastion démocratique, Hong-Kong et son art sont en équilibre sur une modernité fragile, ambiguë, dans laquelle chacun cherche sa place, plus ou moins connectée au bouillonnement quotidien ou, au contraire, à la stabilité des traditions et des religions millénaires. À vous d'y piocher ce qui vous y transportera avec le plus de grâce.

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Texte : Morgan sauf Prune Dee par Pango Lyn et la conclusion par Ion
Dessin : Antoine B.

Tai O, Lantau, Hong Kong par Yeowatzup





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