Chronique | POSITION PARALLÈLE - S/T (Album, 2008)


Position Parallèle - S/T (Album, 2008)

Tracklist :

01. Hotel Du Nord - 04:01
02. Tes Lèvres... / Passe Les Portes - 08:27
03. Gorge "Arachnée" - 02:57
04. Je Reviendrai - 02:44
05. Émission - 04:32
06. Fortune - 02:57
07. Si Calme - 04:23
08. Une Erreur - 05:51

Extrait en écoute :



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Si vous êtes un habitué des milieux industriel et post-industriel français, vous n'avez pas pu passer à côté de Dernière Volonté, projet se perdant dans les chemins sinueux des rythmes martiaux et d'une dark folk matinée d'accents pop. Au fil des années, Geoffroy Delacroix, l'homme derrière le masque, a posé un orteil, puis un pied et vite le second, sur une charmille bordée de notes synthpop et minimal. C'est aidé de Pierre Pi, acolyte déjà présent sur l'album Devant Le Miroir, que le français a décidé d'entièrement basculer dans le monde de la darkwave électronique avec un nouveau projet : Position Parallèle ; le bien nommé.

Nous sommes en juin 2008. Il fait beau, il fait chaud, toute la France danse au son de William Baldé, sur le titre "Rayon de Soleil". Toute ? Non ! Quelques irréductibles corbeaux résistent encore et toujours à l'appel des tubes ensoleillés et jetables. C'est chez les autrichiens de Hau Ruck! (sous label de WKN), et distribué par les allemands de Tesco, que les deux compères ont choisi de sortir leur premier effort éponyme, et ainsi répandre leurs sonorités froides sur l'Europe. Il faut dire qu'à l'Est ce genre de souffle minimaliste passe mieux que dans nos contrées.

Bon, je parle de souffle froid depuis tout à l'heure, mais qu'en est-il véritablement ? Déjà, un simple coup d’œil à la pochette nous permet aisément de savoir dans quoi on s'embarque : un homme aux bras insectoïdes, les yeux bandés, dansant sur un damier blanc et noir penché. Un air de collage basculant, donnant une impression d'instabilité ; une sorte de constructivisme sombre. Tous ces éléments sont signifiants. Simplicité, binarité, obscurité.

Et musicalement alors ? Dès les premières notes de "Hotel Du Nord" on se trouve en terrain connu, pour peu que vous ayez déjà penché une oreille sur le genre minimal synth : boîte à rythme minimaliste en quatre temps, arpégiateur et notes de synthétiseur en registre haut. En terrain trop connu je dirais même. Mais attention, ne vous y trompez pas car Position Parallèle n'est pas un énième clone, non, plutôt une continuité, dans l'esprit de Deux et autres Oppenheimer Analysis.

Le chant est clair même si parfois il peut paraître peu précis et, chose assez rare pour être noté, les textes sont tous entièrement dans la langue de Molière. D'ailleurs peut-on vraiment parler de chant à ce stade ? Tout comme pour les deux groupes cités ci-avant, les paroles sont plutôt déclamées. Nous ne sommes pas dans le spoken word à la Anne Clark, mais parfois la voix est très proche de ce que pourrait proposer un Étienne Daho. La comparaison est évidente sur la deuxième partie du titre "Tes Lèvres... / Passe Les Portes". Cette utilisation de la voix est bien plus maîtrisée et colle plus à ce type de projet, que pour Dernière Volonté, à mon humble avis.

On trouve sur Position Parallèle trois type de titres. Les premiers, assez calmes et posés, font démonstration d'une grande volupté et d'une froideur « pop », touchant à des thèmes cathartiques et glaçants tels que l'errance ("Hotel Du Nord"), l'amour et l'éphémérité ("Tes Lèvres... / Passe Les Portes"), l'évasion et l'oubli ("Je Reviendrai"), l'obsession et le meurtre ("Si Calme"), l'exclusion, le harcèlement ("Une Erreur"). Les deuxièmes, extrêmement dansants et rythmés avec "Gorge "Arachnée"" et "Fortune", traitant respectivement de la trahison et des rapports consommables, de la folie sociétale et de la société de consommation.

Entre ces deux formes musicales se trouve, comme servant d’entracte, le très expérimental "Émission". Nappes angoissantes, voix robotique et construction faisant penser à du Kraftwerk (il y est d'ailleurs question de la catastrophe de Tchernobyl) : Radioactivity n'est pas loin.

Position Parallèle est une œuvre difficile à appréhender à la première écoute, et peut facilement être abandonnée pour peu que l'on ne s’arrête pas suffisamment sur les textes. Certaines personnes trouvent ce projet pédant, mièvre, voire absurde. Je suis totalement contre ces avis hâtifs. Court avec ses trente-cinq minutes, il est d'une efficacité rare et d'une fausse naïveté.

J'en retiendrai quelques passages qui m'ont extrêmement marqué comme par exemple « nos bottes et nos manteaux cirés [...], tes lèvres couleur svastika » sur "Tes Lèvres... / Passe Les Portes", ou « ce garçon est une erreur, et ces amours vous font horreur » sur "Une Erreur", une piste traitant probablement d'homosexualité et se terminant bien tristement sur ce que j'interprète comme un suicide. Des paroles qui ponctuent un album dont chaque titre est mémorable. Il y a toujours une émotion percutante à l'ultime note.

Même si parfois certaines paroles paraissent assez cryptiques, dans tous les cas de figure il en ressort vite que Position Parallèle n'est pas simplement un duo musical lorgnant sur la new wave des années 80, non, c'est de la poésie mise en musique. En cela, il se rapproche énormément, dans le même style, de la prosodie de Mode in GliANY. Déstabilisant, à la limite de la justesse, Position Parallèle est une poésie à l'apparence douce mais qui met en exergue les travers et les folies de l'Humain. C'est en réalité extrêmement malsain et l'album donne une impression de malaise profond. Il est là le génie de ce projet.

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Aladiah

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