Chronique | BELORE - Journey Through Mountains and Valleys (Album, 2020)


Belore - Journey Through Mountains and Valleys (Album, 2020)

01. The Valley of the Giants - 08:43
02. The Whispering Mountains - 09:52
03. The Bewitching Horns - 06:46
04. The Howlings Fields - 05:20
05. The Initiation Ritual - 08:11
06. The King's Funeral - 04:53
07. The Return of the Fallen Heroes - 06:13
08. The Serenity of Steel - 02:44

Extrait à écouter "The Valley of the Giants" :


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Avec la sortie du premier album de Belore, Aleevok nous dévoile un admirable talent de composition. Bassiste dans Hamka, DXS et Continuum, on le connaît surtout pour ses apparitions à la basse aux côté de Darkenhöld, sur scène ou dans le remarquable split avec Griffon, Atra Musica
, sorti l’an dernier chez les Acteurs de l’Ombre. Dans Belore, il est seul et s’emploie à faire vivre chacun des instruments pour créer un black metal atmosphérique mélancolique et lumineux, majestueux et contemplatif.

Journey Through Mountains and Valleys est un album qui se révèle facilement accessible, même pour quelqu’un qui ne serait pas un amateur de black metal. Et pour cause, il se montre plutôt lumineux. Rien de torturé, d’angoissant ici, ni aucune souillure malsaine à l’horizon. Pourtant cette lumière ne nous promet en rien d’être franche, éclatante et joyeuse, il s’agit plutôt d’un jeu de rayons qui percent à travers les nuages, éclairant une partie du flanc des montagnes, pour dessiner devant nos yeux les splendeurs du soir. Cette danse subtile entre lumière et ténèbres, entre vie et mort, nous retourne vers un passé grandiose et révolu. Il semble que l’œuvre transpire la nostalgie de part en part, de celles qui nous ont réchauffé le cœur comme un brasier, durant les longues nuits d’hiver et dont l’on rêve encore pour se consoler. Il y a dans cet univers une notion d’idéal, où les temps médiévaux et les puissances de la nature revêtent des attributs légendaires. C’est un voyage mythologique et initiatique que nous propose Belore dans ce premier opus.

Il faut souligner la grandeur, qui se déploie dès le début de l’album et qui caractérise l’âme de cette œuvre. En effet on observe rapidement que l’ensemble des choix musicaux est orienté vers l’harmonie, la mélodie, l’emphase épique, l’élégance et la profondeur. Les éléments, quoi que colossaux, semblent être de notre côté. Au cours de cette traversée, nous serons des observateurs omniscients, davantage plongés dans une pénétrante contemplation, comme sous l’emprise d’un envoûtement, que dans l’action violente de la guerre. La voix, toujours un peu distante et aérienne, mais distincte, avec sa réverbération, nous guidera puissamment et sans heurts tout au long d’un chemin de 53 minutes. En l’écoutant j’ai la sensation qu’elle flotte au dessus du paysage sonore, comme l’âme d’un héros tombé au combat, accompagnée de ses hommes, devenus mânes. Elle nous conte ce qu’elle a vécu jadis, ses exploits et ses découvertes, dans ce monde qui n’est plus. L’aspect épique, s’il est mis en avant dans tous les morceaux, reste traité d’un point de vue assez contemplatif, ce qui n’empêche pas de s’éprendre du charme des atmosphères héroïques et de survoler ces grandioses horizons.

Il règne une impressionnante unité dans cet album. Chaque étape du voyage est une scène aux couleurs fortement suggérées tant par le titre du morceau, que par la composition. Les synthés y sont pour beaucoup, offrant de beaux reliefs et de subtiles colorations aux ambiances recherchées, tout en restant si bien intégrés qu’ils passeraient presque inaperçus. On ne s’ennuie jamais dans ce périple, l’intensité omniprésente s’offre dans diverses variations savamment changeantes, laissant le temps nécessaire au décor de se planter. Le chant clair qui parsème l’album participe à ces mutations de l’intensité, souvent en la renforçant sous forme de chœurs qui se veulent fédérateurs dans « The Whispering Mountains » et « The Howlings Fields », transcendantaux dans « The Initiation Ritual », solennels dans « The Return of the Fallen Heroes » ou encore nostalgiques et réconfortants dans « The Serenity of Steel ». Quelques samples discrets, liés à la nature, agrémentent le parcours, orientant notre imagination vers des décors précis. Les nombreux passages acoustiques offrent de charmantes mélodies folkloriques et médiévales, accompagnés parfois d’une flûte qui mêle la grâce à la légèreté. La basse, qui se fait souvent discrète, participe à donner de la profondeur. L’ensemble reste d’un tenant, à l’exception de la voix saturée qui se détache un peu dans un élégant survol.

Il aurait probablement fallu lire les paroles pour en apprendre davantage sur ce voyage, et le revivre à leur lumière. Pour l’heure, celui-ci m’aura au moins fait toucher au but, celui de transcender cette existence par le rêve, de faire vibrer en moi un songe mélancolique, aérien et surtout grandiose. J’ai aimé vivre et revivre cette écoute, j’ai apprécié la distance, la sincérité et la personnalité qui s’en dégageait, et qui m’aura davantage touchée qu’un Saor. J’ai aimé sentir cet accomplissement, comme s’il avait jailli d’un volcan qui aurait longtemps reposé. Il me tarde d’entendre la suite, car Belore s’avère prometteur et pourrait encore largement nous surprendre à l’avenir.
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Iviche

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