Chronique | MONO - Nowhere Now Here (Album, 2019)


Mono - Nowhere Now Here (Album, 2019)

Tracklist :

01. God Bless
02. After You Comes the Flood
03. Breathe
04. Nowhere Now Here
05. Far and Further
06. Sorrow
07. Parting
08. Meet Us Where the Night Ends
09. Funeral Song
10. Vanishing, Vanishing Maybe

Extrait en écoute :
__________________________________________

Mono n'a plus grand chose à prouver. Le groupe emblématique de post-rock japonais a su gagner la confiance de son public par une discographie emplie de constance et de maîtrise, qui à chaque nouvelle addition donne vie à d'autres enivrants tourbillons de mélodies saturées. C'est donc sans inquiétude majeure que l'on lance Nowhere Now Here, tout juste sorti chez Pelagic Records. Une mention spéciale est due à Ahmed Emad Eldin, qui fait encore croître l'attractivité de l'album avec cet artwork si apaisant et lumineux, malgré son enfermement dans la jungle grise d'une ville à l'agonie.

Et pour cause, le terrain de jeu de Mono est bien cette dialectique inépuisable entre clarté et ténèbres, entre espoir et angoisse étouffante. Le groupe nous le confirme dans une introduction doucement dissonante, où des cordes et bois semble-t-il mal accordés viennent créer un malaise d'un étonnant calme. De cette ouverture dérangeante émerge "After You Comes the Flood", l'un des titres les plus marquants du disque – et accessoirement le premier single dévoilé par le groupe. On y entend un entêtement, une obstination sur un motif qui retombe perpétuellement. Dans le long crescendo, les guitares s'acharnent dans le piétinement, la rage, la frustration, soutenues par une batterie qui appuie chaque note de la mélodie. Cette dernière finit par être enfouie dans la saturation, aiguë comme grave. Le larsen s'arrête net en fin de titre. Mono n'aura pas tardé pour secouer son auditeur. 

Néanmoins, cette fois-ci, cette entrée en matière extrêmement franche fait presque office d'exutoire à la colère rongeant l'oeuvre du groupe. La violence pure est évacuée dès le début de l'album pour permettre une suite plus consensuelle : pas de sérénité sans confrontation avec ses démons, une bonne fois pour toute. Cette approche marque déjà un changement de stratégie par rapport à la sortie précédente de Mono, Requiem for Hell, dont la pièce de résistance centrale nous plongeait longuement et en plein parcours dans une noyade sombre et étouffante, proche de la noise. En assumant dès l'ouverture une perte de repères qui permet d'ensuite se recentrer sur une palette post-rock plus traditionnelle, Mono ouvre là un long espace à combler pour la suite de l'album. Peut-être un peu trop long. 

Nowhere Now Here n'est pourtant pas exempt d'innovations. La bassiste du groupe, Tamaki Kunishi, brise par exemple le caractère purement instrumental des compositions. Vous entendrez sa voix aérienne sur "Breathe", dont le développement laisse place à tout ce que l'on connaît de plus doux et de plus pur chez Mono, dans la lignée de For My Parents, à ceci près que le mixage est maintenant bien plus propre et équilibré. De quoi rendre justice à toute l'innocence et la paix que parviennent à faire sentir les guitares. 

Force est également de constater que le son de Mono ne cesse de s'enrichir, que ce soit par des effets de voix synthétiques sur "Meet Us Where the Night Ends" ou par la magistrale insertion de synthétiseurs sur "Sorrow", sans doute l'autre plus belle réussite de cet opus. Le morceau parvient à nous surprendre par une surenchère à partir d'un instant qui s'apparente au sommet de la courbe climatique que propose habituellement Mono. C'est alors qu'une guitare grave se met à grésiller, et que les séquences de claviers se mettent à crépiter dans les aigus de part et d'autre de la stéréo. Ajoutez à cela le son plein et chaud maintenu tout au long de l'album, sur un fond de saturations graves et enveloppantes tout en étant menaçantes, et de belles envolées qui nous rappellent avec quelle finesse Mono parvient à rendre dramatique la plus intense sérénité : les Japonais ne nous laisseront pas oublier qu'ils incarnent toujours cette plénitude parfaite que le post-rock peut offrir.

Difficile de reprocher à Mono de ne s'engager que dans des prises de risques minimes, qui restent limitées au carcan de leur genre, que l'on sait ne pas vouer un culte au changement. Sans doute peut-on toutefois objecter qu'il n'est pas nécessaire de sortir des albums qui s'étendent sur une heure complète dans ces circonstances. Nowhere Now Here n'est donc pas exempt de redites et de petites longueurs. Malgré tout, sa clôture, "Vanishing, Vanishing Maybe", nous prend par les sentiments, et s'éteint avec grâce. Son ascension tranquille a pris le temps de redescendre, de retrouver un apaisement total, de se replier sur soi-même pour s'assoupir, l'âme en paix.
__________________________________________
Marion


Achetez l'album chez Pelagic Records ici

Mono : 

Commentaires